Salaire minimum: joli b… à nos frontières

L’Allemagne, puis la France ont réussi l’exploit de susciter la colère des transporteurs belges avec une mesure qui devrait pourtant protéger partiellement leurs marchés. La faute à une impréparation totale et à une Europe qui se cherche. Mais la Commission veille… Surréaliste. La manière dont l’Allemagne a lancé son salaire minimum dans le secteur du transport est surréaliste. Pour une mesure qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2015, les textes de loi n’ont été publié qu’au début décembre 2014, et les seuls documents à destination des entreprises étrangères n’ont été publiés que le 19 décembre, soit le vendredi avant la trêve de Noël. A cette date, les services de contrôle (la douane) ne savaient pas encore quoi contrôler deux semaines plus tard, à tel point que leur porte-parole nous confiait en apprendre davantage par nos questions que par les textes en sa possession. Tout cela fait si peu ‘allemand’ qu’on croirait presque à un sabotage. La contagion guette Deux mois plus tard, la situation semble gelée. Officiellement, l’application du salaire minimum (Mindestlohn) est simplement suspendue pour les opérations de transit. Théoriquement, elle reste maintenue pour le cabotage et le transport international bilatéral, mais les contrôles ne semblent pas avoir lieu, si ce n’est pour vérifier que l’entreprise s’est bien mise en ordre sur le plan administratif (enregistrement préalable des chauffeurs opérant en Allemagne). Et encore ces contrôles ne visent-ils pour l’instant que des entreprises d’Europe de l’est, selon un principe de ‘profil de risque’ qui énerve beaucoup les pays d’Europe centrale. Il est vrai qu’un camion belge est, en principe, conduit par un chauffeur qui gagne presque trois euros de plus par heure que le Mindestlohn allemand…

Andrea Nahles, ministre allemande de l’emploi, est en première ligne. (photo : Heinrich-Böll-Stiftung)

Andrea Nahles, ministre allemande de l’emploi, est en première ligne. (photo : Heinrich-Böll-Stiftung)

Dans le même temps, la Commission européenne est pressée de se prononcer sur la compatibilité de la loi allemande avec les traités européens. Elle dispose pour ce faire de 10 semaines et devrait se prononcer pour la mi-mars. Philippe Degraef : « Si la Commission déclare que la loi allemande n’est pas compatible avec les traités européens, cette loi sera mise en veilleuse, ce qui signifie que les mesures ne s’appliquent pas pendant une certaine période et ne peuvent pas être contrôlées. Sauf si l’Allemagne modifie ses textes et applique une forme de déclaration Limosa à l’allemande. » Au moment de mettre sous presse, le scénario le plus plausible était de laisser faire l’Allemagne sur le cabotage et sur le transport bilatéral, mais pas sur le transit. Cela expliquerait la reculade allemande et la teneur du texte voté le 16 février par l’Assemblée Nationale en France. UPDATE 19/05 : la Commission met l’Allemagne en demeure Car le risque d’une contagion est déjà avéré. Le deuxième plus grand pays de transit d’Europe a emboîté le pas à son voisin, ce qui risque d’embarquer tous les transporteurs européens dans une surenchère administrative sans nom. Il en va ainsi de l’obligation de disposer dans le pays (en Allemagne comme en France) d’un représentant légal, un point sur lequel la Commission ne devrait pas trouver à redire.
Nicolas Paulissen (délégué général de la FNTR) : « L’imposition d’un salaire minimum est une mesure de protection, mais elle n’est pas suffisante. »

Nicolas Paulissen (délégué général de la FNTR) : « L’imposition d’un salaire minimum est une mesure de protection, mais elle n’est pas suffisante. »

« Il est en tout cas urgent que la Commission se prononce, estime Marc Billiet (IRU), sinon d’autres pays vont vouloir suivre l’exemple allemand au risque de créer une bureaucratie énorme pour les entreprises. Et il faut éviter à tout prix de faire payer une entreprise deux fois pour le même chauffeur : dans son pays de résidence et dans le pays où il travaille. » Quant à la possibilité de voir le problème résolu par l’instauration d’un salaire minimum européen, Billiet se montre circonspect : « On en parle dans les corridors, mais cela ne supprimera-t-il pas toute notion de concurrence ? Et encore faudrait-il que les différents droits nationaux le permettent. Aujourd’hui, il n’y a pas de base juridique permettant l’instauration d’un salaire minimum dans les traités européens. Il faudrait donc aussi renégocier les traités. »

Que font les transporteurs belges ? Sven Beeusaert (Thys Tanktransport) : « Toutes les entreprises allemandes qui utilisent les services de transporteurs belges leur ont envoyé des formulaires à remplir, certifiant que leurs chauffeurs sont bien payés 8.5 EUR/h au minimum. » Ernest Lux : « Pour l’instant, nous n’avons encore rien fait. Nous avons bien entendu reçu ces fax de la part des entreprises allemandes, des documents que nous devons compléter en certifiant que nos chauffeurs gagnent au minimum 8,50 EUR/h et les renvoyer pour chaque mission de transport. J’ai dû faire cela pour un chauffeur belge et un chauffeur slovaque pour un client de Cologne. Mais je ne sais pas du tout comment ils vont contrôler cette mesure… » Gert Snel : « Nous avons annoncé tous nos chauffeurs pour les six mois à venir : les Belges, les Néerlandais et les Slovaques. Les chauffeurs qui ont un contrat temporaire, il suffit de les inscrire jusqu’au 30 avril par exemple. En regroupant tout cela sur une seule liste, cela ne représente pas trop de travail administratif. Il ne faut plus indiquer le trajet suivi par chaque chauffeur ou préciser quand chaque chauffeur entrera sur le territoire. Si la mesure se limite finalement au cabotage, elle ressemblera un peu à ce qui se pratique en Belgique avec les déclarations Limosa. Mais nous ne pourrons pas donner aux chauffeurs slovaques le même salaire qu’en Belgique. Ou alors nous devrons fermer la Slovaquie. » Ludo Brone (Galliker) : « Je suis quand même heureux d’entendre que nous ne devrons pas mentionner le trajet spécifique de chaque chauffeur, sinon ce serait de la folie. On se demande aussi si ce ne sont pas les autorités allemandes qui sont en train de se créer une base de données sur les transporteurs étrangers. Ils ont toujours été très protectionnistes. »

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