Xwift : la pénurie de chauffeurs freine la croissance

Xwift à Nazareth clôture 2019 avec une augmentation du chiffre d’affaires de 12 % par rapport à 2018. Pourtant, son propriétaire et CEO Pieter Denys n’est pas vraiment satisfait. Cette année, la croissance a été moins forte. En cause : la pénurie de chauffeurs. C’est pourquoi il investit dans une nouvelle approche RH qui fait sensation.

Xwift a débuté comme une société unipersonnelle en 2007 dans un secteur de niche : le transport rapide et dédié. A peine 12 ans plus tard, la société compte 185 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires d’un peu plus de 18 millions €. Le transport s’effectue toujours pour un seul client et presque toujours de A vers B, sans fret de retour. Parfois, il s’agit de tournées, mais toujours pour un seul client. Le service s’est étendu au transport frigorifique, l’ADR et les livraisons avec chariot embarqué. Dans ce secteur, les marges sont sensiblement plus élevées que dans la distribution conventionnelle, mais les exigences de qualité aussi. « Ceci complique notre recherche de chauffeurs », déclare Pieter Denys qui nous reçoit dans son siège flambant neuf à Nazareth.

Toujours prêt pour un client

Truck & Business : Qu’est-ce qui rend votre secteur plus compliqué ?

Xwift travaille de manière décentralisée.

Pieter Denys : Nous sommes constamment prêts et mobilisons nos véhicules pour un seul client. Il s’agit toujours de nos véhicules propres : nous ne sous-traitons rien. Pour chaque mission, nous essayons d’aller chercher le fret chez le client dans l’heure. Nos 150 chauffeurs sont dès lors répartis sur tout le pays ; le fonctionnement est très décentralisé pour réduire la distance entre le chauffeur et le client. Le chauffeur part de chez lui et est payé dès la première minute.

T&B : Quel a été le rythme de croissance ces dernières années ?

Pieter Denys : En 2013, nous réalisions un chiffre d’affaires de 5 millions € avec 55 collaborateurs. En 2018, il avait grimpé à 16 millions avec 175 collaborateurs. Et cette année, il n’est ‘que’ de 18,2 millions avec 185 collaborateurs, dont 150 chauffeurs. Cette croissance de 12 % est un beau résultat, mais on aurait pu atteindre 20 ou 21 millions si nous n’avions pas été sérieusement freinés par la pénurie de chauffeurs.

Avril, mai et juin sont des mois très importants dans notre secteur. Refuser des missions pendant ces mois-là par manque de chauffeurs, c’est dramatique. Notre équipe commerciale compte 7 personnes, mais nous avons dû les freiner dans leurs efforts pour conquérir de nouveaux clients. Et certains clients se sont retirés car nous ne pouvions pas les servir avec suffisamment de régularité. Cela pèse sur la croissance d’une entreprise.

T&B : Quelle est l’importance de la pénurie de chauffeurs chez Xwift ?

Pieter Denys : Malgré des conditions de travail attractives, il nous manquait au moins 25 chauffeurs jusqu’il y a peu. Si nous progressions au même rythme que les années passées, il nous faudrait même 40 nouveaux chauffeurs. L’an passé, nous avons engagé 111 chauffeurs, mais il y en a autant qui sont partis ou ont été licenciés.

Le grand problème, c’est l’attitude. Il y a deux types de chauffeurs : les chauffeurs réguliers et les ‘job hoppers’. La plupart des chauffeurs, souvent les meilleurs, restent fidèles à leur employeur. Ceux-là sont très difficiles à attirer. Quant aux job hoppers, soit ils partent d’eux-mêmes après 3 ou 6 mois, soit il faut les licencier car ils ne sont pas assez bons et fiables. En un an, nous avons traité pas moins de 2.991 sollicitations. Cela demande beaucoup de temps et d’énergie, mais hélas un grand nombre de ces candidats ne sont pas motivés. Avant, 8 sélectionnés sur 10 se présentaient à l’entretien, ils ne sont plus que 4 sur 10 aujourd’hui.

Nous devons donc travailler dur au niveau du flux entrant. Une importante croissance potentielle part en fumée et c’est pourquoi je suis prêt à investir plus que jamais dans le personnel.

Employer Branding

T&B : Comment cela se traduit-il ?

Pieter Denys : En misant très fort sur les RH et l’employer branding. Xwift emploie six personnes à plein temps dans les RH. Nous travaillons dur au bien-être des collaborateurs. Si quelqu’un est engagé, il ou elle bénéficie d’un ‘traject coach’ qui le suit de près. Si par exemple, un chauffeur a des problèmes privés, il interviendra de manière proactive.

T&B : L’an passé, Xwift a fait l’actualité avec un système de bonus qui prévoit la possibilité de fournir une voiture de société aux chauffeurs qui sont en service depuis deux ans.

Le système de bonus avec des voitures de société génère une situation win-win : les coûts de carburant ont baissé de 7 % et les accidents de 27 %.

Pieter Denys : Ce système se base sur des bonus liés notamment à une conduite économique et sûre. Il se met en place progressivement. Dans un premier groupe, 17 chauffeurs ont atteint les scores nécessaires sur le plan de la consommation, des heures de travail, des accidents et de l’écoconduite. Onze d’entre eux ont choisi une voiture de société qui leur a été livrée en décembre ; deux ont opté pour une combinaison vélo/cash ; deux pour du cash ; et deux ont décidé d’épargner leurs points une année supplémentaire. L’an prochain, 35 autres chauffeurs pourront transformer leurs bonus.

Ce système se rembourse tout seul. Nous avons réalisé une économie de carburant de 7 %, soit 200.000 €. Le nombre d’accidents a également chuté de 27 %. Nous économisons suffisamment pour appliquer ce système.

T&B : Ce système de bonus n’est intéressant que pour ceux qui roulent déjà pour Xwift…

Pieter Denys : Une voiture de société est attractive et a un effet positif sur la rétention. Pour les chauffeurs débutants, attendre deux ans, c’est long. Nous avons dès lors cherché une méthode visant à enjamber cette période avec une ‘prime à la signature’ introduite cette année. Parmi les job hoppers, il y a aussi de bons chauffeurs. Avec cette prime, nous espérons pouvoir les conserver. En septembre, nous avons vraiment fait la promotion de la prime à la signature et en octobre, il y avait des job days. Cela a si bien marché que nous avons mis le système en veilleuse. Nous avons pu attirer une vingtaine de chauffeurs. Seuls ceux capables d’utiliser un chariot élévateur embarqué peuvent encore prétendre à bénéficier du système.

T&B : Comment fonctionne la prime à la signature ?

Pieter Denys : En fonction du permis – C ou CE – et de la capacité du chauffeur à utiliser un chariot embarqué, ce dernier reçoit une prime de 1.500 à 5.000 € à la signature du contrat. Cette prime est versée par tranches sur une période de 9 à 18 mois. Pour ne pas défavoriser les chauffeurs qui sont déjà en service, ceux-ci reçoivent une prime d’une valeur égale à la moitié de la prime à la signature lorsqu’ils amènent un bon candidat. Le système donne de très bons résultats. Comme je l’ai dit, nous avons levé un peu le pied, mais si nécessaire nous pouvons le relancer.

Il vaudrait mieux une solution sectorielle, mais …

T&B : Vous avez été critiqué parce que Xwiftjoue en solo. Une solution sectorielle ne serait-elle pas meilleure ?

Pieter Denys : J’ai conscience qu’il serait préférable d’introduire un système de prime ou de bonus au niveau sectoriel. Ceci améliorerait les conditions financières et l’image générale du secteur. Mais la plupart des transporteurs ne sont pas très chauds.

Je ne comprends d’ailleurs pas très bien pourquoi le secteur hésite tant à mieux rémunérer les chauffeurs alors qu’il y a pénurie. En transport international, je comprends encore la crainte de la concurrence étrangère meilleur marché, mais dans le transport national et la distribution, c’est nettement moins justifié. D’autant que de nombreux chargeurs qui essaient encore aujourd’hui d’exploiter les transporteurs vont rapidement devoir changer leur fusil d’épaule. Sans chauffeurs, leurs produits ne seront plus transportés.

T&B : Comment voyez-vous l’évolution du marché en 2020 ?

Pieter Denys : Nous constatons un net ralentissement de la croissance. C’était clairement le cas en octobre et en novembre. Décembre est pour nous, traditionnellement, un mois important. 2020 ne devrait pas être la meilleure année pour Xwift : en raison des circonstances que j’ai évoquées, il manquera 2 à 3 millions à notre chiffre d’affaires en 2019. Mais nous avons investi en 2019 dans un nouveau bâtiment et de nouvelles recrues pour le ‘service interne’. Malgré le ralentissement de la croissance, nous devons générer un chiffre d’affaires supplémentaire. Nous y arriverons. Pas seulement en intensifiant un peu les efforts commerciaux et en attaquant de nouveaux marchés. Lesquels ? Je ne peux pas encore le dire …

Xwift en bref

Siège : Nazareth Spécialités : express national et international, volume sur courtes distances, tournées, livraisons avec chariot embarqué Chiffre d’affaires : 18 millions € (2019) Personnel : 185, dont 150 chauffeurs Flotte : 134 véhicules

www.xwift.be

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