DEKRA Commercial Vehicle Outlook Conference: les normes CO² arrivent

Parmi un foisonnement de thèmes liés au camion de demain, les futures normes CO² pour poids lourds ont beaucoup fait parler d’elles à cet événement DEKRA. D’autant plus que l’ONG qui venait de dévoiler l’affaire VW faisait partie des orateurs. Il serait dommage de réduire la conférence DEKRA à un seul thème, d’autant plus que trois sessions parallèles se tenaient en permanence. Nous avons déjà abordé les thèmes ‘camion autonome’, ‘propulsions alternatives’ et ‘évolution du moteur diesel’ (voir à ce sujet les T&B 250 à 253). La partie ‘télématique pour véhicules tractés’ est traitée par ailleurs dans ce numéro. Parmi les autres sujets abordés, celui des normes CO2 sortait clairement du lot, d’autant plus que l’événement était organisé quelques jours après la divulgation de l’affaire ‘VW’ aux Etats-Unis. Mesurer, puis sévir C’est en 1995 que l’Union Européenne s’est donné pour objectif de réduire les émissions de CO2 des voitures particulières. Trois ans plus tard, les constructeurs s’engageaient à réduire les émissions moyennes de leurs voitures à 140 gr/km. Ils ont tenu leur feuille de route jusqu’en 2004, mais les progrès ont ensuite ralenti. Quand il est apparu que l’objectif de 140 gr/km ne serait pas atteint en 2008/2009, l’Europe est passée à des mesures contraignantes, avec un nouvel objectif moyen de 130 gr/km en 2015. Les autres grands marchés ont grosso modo suivi la même trajectoire, et c’est dans ce contexte que VW a été pris en flagrant délit de tricherie au logiciel. Mais qu’en est-il pour les poids lourds ? La nécessité de réduire leurs émissions de CO2 n’est pas moins forte que pour les voitures particulières. Que du contraire, puisque les émissions totales du transport ont continué à progresser en raison de la progression générale du trafic. Mais avant d’imposer des mesures contraignantes, il faut tomber d’accord sur la manière de mesurer ces émissions de CO2. Le Japon, la Chine et l’Amérique du Nord ont déjà tranché la question et se trouvent déjà dans la première phase des mesures contraignantes, comme l’a montré Rachel Muncrief (ICCF, l’organisme qui a dévoilé l’affaire VW aux Etats-Unis…). En Europe, l’ACEA répète qu’il est impossible d’appliquer aux poids lourds les mêmes méthodes de mesure que pour les voitures. « Il faut que la méthode retenue tienne compte des cycles d’utilisation réels des véhicules, puisque les émissions de CO2 d’un camion donné vont largement dépendre de sa conception, mais aussi de la manière dont se combinent différents cycles d’utilisation », a expliqué Manfred Schuckert (responsable Emissions & Sécurité chez Daimler Commercial Vehicles). Les constructeurs et la Commission travaillent donc depuis six ans à développer la méthodologie Vecto qui permettra de simuler les émissions de CO2 d’un poids lourd. Manfred Schuckert : « La méthodologie de VECTO est presque finalisée, et la phase pilote vient d’être lancée. Lorsque la version 3.1 de Vecto sera publiée au début 2016, la Commission pourra proposer un règlement au Parlement européen, ce qui devrait se faire à la mi-2016. Nous pourrions donc commencer à mesurer les émissions de CO2 des poids lourds au début 2018 pour trois segments, et un an plus tard pour tous les segments. » Rachel Muncrief n’a pas manqué de répliquer qu’au Canada et aux Etats-Unis, la première phase des mesures contraignantes était entrée en vigueur en 2014 et que la deuxième phase était déjà prévue pour 2019. William Todts (Transport & Environment) a par ailleurs montré que ces normes contraignantes amèneraient la consommation d’un ensemble routier nord-américain de 36 à 27 l/100 km en moyenne entre 2017 et 2027, alors que les efforts envisagés en Europe seraient nettement moins efficaces (- 1 % par an en moyenne sur la même période). dekra (1) On fait mentir les chiffres L’affaire VW a évidemment donné un nouveau poids aux discours environnementalistes. Tant Todts que Muncrief n’ont pas manqué d’affirmer que la consommation des poids lourds n’avait en fait pas diminué depuis 10 ans. L’étude utilisée par T&E est britannique et équivaut plus ou moins à l’étude conjoncturelle de notre ITLB. Il en ressort que la consommation moyenne d’un porteur a légèrement augmenté depuis 2000 et que celle d’un ensemble tracteur-semi a très légèrement augmenté depuis 2007. T&E oublie cependant de préciser que le taux de chargement a progressé de 8 % entre 2001 et 2013, et que cette charge utile supplémentaire a induit une inévitable surconsommation. ICCF, de son côté, utilise les résultats des tests de notre confrère allemand Lastauto Omnibus. Ils montrent en effet une hausse de la consommation en 2010, suivie d’une baisse, insuffisante cependant pour passer en dessous du niveau de 2002. Ces chiffres sont trompeurs. D’une part, ils ont été obtenus sur des véhicules passant progressivement de la norme Euro 3 à Euro 6, et la chasse aux émissions nocives (NOx, PM) a été contre-productive par rapport à la réduction de la consommation. D’autre part, comme nous le confirme le journaliste Frank Zeitzen qui effectue ces tests depuis des années, « en 2010, nous avons modifié le parcours d’essai qui est devenu plus difficile. Je pense que cela s’est traduit par une consommation accrue de 2 à 3 litres. » Et voilà comment l’on fait mentir les chiffres les plus irréfutables. Le débat n’est pas innocent : en montrant ces chiffres, on accrédite la thèse selon laquelle le marché du poids lourds n’est pas auto-régulateur (« puisque l’acheteur a intérêt à consommer le moins possible, il poussera les constructeurs à développer des camions qui consomment moins »). Or, cette théorie est justement mise en avant par les constructeurs et par l’ACEA qui les représente… dekra (2) A quel prix ? Puisque l’Europe finira par imposer des mesures contraignantes de réduction des émissions de CO2, il faut aussi envisager la question d leur prix. Une étude récente de l’université technique de Graz, réalisée sur base du simulateur Vecto, vient de le démontrer (voir encadré). Il en ressort que la plupart des développements ont un coût qui ne peut pas être récupéré en trois ans. Les seules exceptions à cette règle sont la limitation volontaire de la vitesse maximale du véhicule et l’adoption de pneus à basse résistance au roulement. La conclusion que tirent les constructeurs de cette étude est donc claire, comme l’a dit Manferd Schuckert : « Les mesures de réduction du CO2 doivent être économiquement viables pour nos clients. Si l’on prend pour exemple la récupération de l’énergie calorifique contenue dans les gaz d’échappement (cycle de Rankine), on arrive à un coût de 500 à 1000 euros par tonne de CO2 économisée. Même si la ‘valeur’ de la tonne de CO2 montait à 30 euros dans le système de trading européen (ETS), l’amortissement restera plus de 10 fois plus élevé. C’est impayable. Et ne parlons même pas de l’hybridation, qui coûterait largement plus de 1000 euros par tonne. » Imposer des normes et les faire respecter… l’Europe a une fameuse feuille de route devant elle si elle veut arriver à faire baisser les émissions de CO2 du transport routier. dekra (4)

Bilan positif pour les écocombis Avec 49 entreprises participantes et 129 unités (de 40 ou 44 tonnes) sur les routes, le test organisé en Allemagne avec des écocombis (on dit ici ‘Lang-LKW’) n’a pas connu un succès de foule, en grande partie parce que plusieurs Länder de transit n’ont pas accepté d’y participer. A un peu plus d’un an de la fin du test, le bilan est cependant positif. Marco Irzik (office fédéral allemand de la route) : « Tant en charge utile qu’en volume, l’efficacité des transports augmente de 15 à 25 % selon les entreprises, tandis que la consommation relative basse de 15 à 25 %. Nous ne constatons pas de report modal, et nous estimons que ce type de véhicules pourrait remplacer des camions traditionnels pour 2 à 9 % des trajets, et pour 3 à 7 % de la capacité de transport totale. » Des chiffres qui ne semblent plus effrayer Transport & Environment. Son Transport Manager William Todts a un peu surpris sur le sujet : « Tout ce que nous demandons, c’est que ces véhicules paient des taxes kilométriques plus élevées, qu’ils soient pourvus de systèmes de sécurité supplémentaires, que le chauffeur ait un permis adapté et que les masses maximales soient limitées pour ne pas causer de dommages à l’infrastructure. » Il n’y a donc pas (plus) d’obstruction de principe de ce côté…

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