Dépossédé d’une partie de ses compétences en matière de transport routier par la sixième réforme de l’état, le gouvernement fédéral a encore un rôle à jouer dans le secteur. Le ministre Bellot est en effet un fervent partisan de la clarification et de la simplification administrative. Nous rencontrons François Bellot et ses proches conseillers à l’invitation de la société Formax, spécialiste des formations Code 95, qui souhaitait échanger des vues avec le ministre. Un ministre qui aime visiblement à rencontrer les gens ‘de terrain’… d’autant plus qu’il possède le permis C : « Mes parents exploitaient une entreprise de produits agricoles, et pendant mes vacances, j’allais à Rotterdam avec des céréales pour en revenir avec du maïs. »
Les zones grises du Code 95
Le sujet du jour est bien entendu la régionalisation de la compétence professionnelle, un sujet qui n’est pas encore tranché. « Dans le cadre de la 6e réforme de l’état, l’état fédéral reste compétent en matière d’aptitude à la conduite et les régions sont devenues compétentes en matière de formation. La Flandre est très vigoureuse dans ses réclamations de compétences, elle entend s’occuper de la formation et a même commencé à légiférer. En Wallonie et à Bruxelles, on continue à faire appel au SPF Mobilité & Transports tant que le Conseil d’Etat n’a pas remis d’avis définitif sur la question. Le recours a été introduit en 2015, et l’avis du Conseil d’Etat devrait intervenir cette année. C’est un cas assez hybride : le Code 95 porte sur la requalification, donc cela paraît davantage lié à l’aptitude à la conduite qu’à la formation. » En attendant cet avis (qui sera purement technique), les zones grises se multiplient. Ainsi, un centre de formation wallon qui donne des cours en Flandre ne peut être contrôlé par personne… Ni par les services régionaux flamands, ni par le SPF Mobilite & Transports. Autre sujet sensible : la liste des exemptions. Cette liste résulte du texte même de la directive européenne, mais il subsiste des cas où le doute subsiste. « La liste européenne des exemptions est sujette à interprétation, concède François Bellot. De nombreux chauffeurs ne savent pas s’ils doivent renouveler leur compétence professionnelle ou pas. Pensons par exemple au personnel communal qui ne serait pas soumis au Code 95 tant qu’il ne sort pas des limites communales par exemple. Le SPF Mobilité & Transports va tenter de clarifier la situation, mais en Belgique, chaque région pourrait théoriquement déterminer une liste de dérogations différente. »
Les effets pervers de la 6e Réforme de l’Etat
François Bellot n’était pas à la table des négociations sur laquelle a été écrite la recette de la lasagne institutionnelle. Mais la situation actuelle ne correspond visiblement pas à la volonté des négociateurs. Et le Code 95 n’est pas le seul exemple absurde : « Si un camion est verbalisé pour hauteur excessive, c’est une compétence fédérale si la carrosserie est trop haute, mais c’est une compétence régionale si le chargement est trop haut. Or, on ne peut pas être verbalisé deux fois pour la même erreur… La 6e Réforme de l’Etat a donc embrouillé pas mal de choses, et certains sujets sont encore sur la table. » Notamment en matière d’accès à la profession. « Deux régions sur trois disent déjà qu’elles n’ont pas les compétences pour s’en charger. Il y aurait des transferts de personnel à réaliser, mais aussi des transferts d’outils informatiques. L’outil actuel doit être rapidement mis à jour. Le message de l’inspection des finances est très clair : le fédéral ne pourra pas payer pour un autre niveau de pouvoir. En attendant, nous continuons à délivrer des licences par habitude jusqu’au 30 juin. »
L’Alliance Routière pour défendre le transporteur belge
François Bellot a aussi signé pour la Belgique l’Alliance Routière, un pacte qui lie neuf pays européens contre le dumping social et la concurrence déloyale dans le transport routier. « Il est temps, nous avons déjà perdu 35 % de parts de marché à l’international. Il faut mettre fin à une forme de concurrence déloyale », se justifie le ministre. Une initiative certes informelle, mais qui attend peser sur le débat européen. L’absence des Pays-Bas dans cette Alliance a été largement commentée, mais selon François Bellot, nos voisins du nord devraient rapidement se joindre à l’initiative. A l’heure où la Commission s’apprête à redéfinir les règles de base qui régissent le transport routier avec son ‘Initiative Routière’, les pays d’Europe de l’Ouest ont en effet tout intérêt à resserrer les rangs.
« Le schéma de la sixième réforme de l’état a été mal calibré. » (François Bellot)
Les autres travaux de François Bellot
- Simplification dans la délivrance des permis de conduire : « Le chauffeur pourra bientôt commander son permis de façon électronique, sans se rendre à l’administration communale. Nous analysons aussi la possibilité de faire délivrer le permis à domicile », annonce le ministre.
- Camions autonomes : « En septembre, la Belgique organisera un test en agglomération avec des véhicules autonomes. La Belgique et la Suède sont deux pays en pointe dans ce domaine. Un Arrêté Royal modifiera bientôt la distance de sécurité entre deux poids lourds. »
- Alcolock : « Nous voulons en généraliser l’obligation en cas de récidive. »
- Institut d’accidentologie : « Nous avançons sur le sujet avec l’IBSR. L’objectif sera d’analyser des accidents typiques pour en déterminer les causes objectives. »
- Dépassement des poids lourds : « Sur les routes à 2 fois 2 bandes, nous avons l’accord des régions pour revenir à la situation dans laquelle le dépassement des poids lourds est autorisé sauf s’il est explicitement interdit. »
- Tachygraphes obligatoires dans les utilitaires légers : « Les utilitaires légers sont sur-représentés dans les accidents de la route. Je suis favorable à l’installation obligatoire d’un tachygraphe digital dans ce type de véhicules, mais nous ne ferons aucune proposition en ce sens tant que le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé sur le recours portant sur la compétence professionnelle. »