[OPINION] Les chauffeurs routiers ne peuvent pas être les parias de l’Europe sociale

L’Europe sociale reste le parent pauvre de la construction européenne. D’où l’importance majeure des débat actuels relatifs au  Socle européen des droits sociaux mais également au détachement des travailleurs. La semaine dernière, le Parlement européen a, à cet égard,  approuvé un texte qui, même s’il est loin d’être parfait, renforce la protection des travailleurs détachés. Frank Moreels (Président de la Fédération européenne des Travailleurs des Transports et de l’Union belge du Transport) Kathleen Van Brempt, Députée européenne SP.a, Vice-Présidente du Groupe des Socialistes et Démocrates Hugues Bayet, Député européen PS, Membre de la Commission des transports Malheureusement, les votes intervenus hier en Commission des transports du Parlement européen risquent de porter gravement atteintes aux droits fondamentaux et aux conditions de travail de 3 millions de chauffeurs routiers européens. En résumé, ces votes signifient notamment que :

  • les entreprises de transport pourront obliger leurs conducteurs de rouler trois semaines consécutives (avec un seul jour de repos par weekend) avant de leur permettre ensuite de rentrer chez eux pour quelques jours
  • les temps de repos hebdomadaires pourront à nouveau être pris dans la cabine des camions au détriment de tout repos correct et de toute hygiène élémentaire contrairement à un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne
  • le principe d’un salaire égal pour un travail égal sur un même lieu de travail est une nouvelle fois nié.

Cela signifie moins de temps repos et des weekends entiers passés dans des véhicules avec les conséquences que cela peut avoir en termes de santé et de sécurité. Cela signifie enfin de longues semaines passées très loin de leurs familles dans des conditions de vie et sanitaires extrêmement difficiles et souvent pour un salaire de misère. En avril dernier, la Commission de l’emploi du Parlement européen avait bien compris les enjeux sociaux et avait confirmé le droit des chauffeurs  à des périodes de repos suffisantes et de qualité, à un retour régulier  à leur domicile et à l’application du principe du salaire égal pour un travail égal sur un même lieu de travail. Le vote, totalement inversé, en Commission des transports démontre l’acuité de ce débat au sein du Parlement européen où les enjeux nationaux prennent le pas sur les droits sociaux. Mais il ne faut pas se tromper de débat. Il ne s’agit pas d’une lutte entre travailleurs de l’Ouest et travailleurs de l’Est et du Sud de l’Europe. Il s’agit de construire une véritable Europe sociale où les droits fondamentaux de l’ensemble des travailleurs européens sont respectés, loin  du dumping social et de la « race to the bottom » qui, sous le couvert de la libre circulation, ne fait qu’affaiblir les droits sociaux et, par corollaire, le projet européen. On ne peut pas, d’une part, plaider pour une concrétisation du socle européen des droits sociaux ou améliorer la protection des travailleurs détachés et, d’autre part,  décréter que des centaines de milliers de chauffeurs routiers n’ont pas le droit à ces droits sociaux fondamentaux ! Tout le monde est perdant dans les décisions intervenues hier. Les chauffeurs de l’Est et du Sud de l’Europe continueront à travailler dans des conditions épouvantables et les chauffeurs de l’Ouest continueront à perdre leurs emplois en raison du dumping social d’une violence extrême. Il faut dès lors que tous les femmes et hommes raisonnables qui représentent les citoyens  dans l’Assemblée européenne et croient dans le projet européen prennent leurs responsabilités afin que des centaines de milliers de travailleurs européens ne soient pas considérés comme des travailleurs de seconde zone  en raison de la spécificité de leur secteur et des enjeux économiques nationaux. C’est un défi supplémentaire pour l’Europe. Mais elle ne peut se construire sur une telle injustice sociale ! Les chauffeurs routiers ne peuvent être les parias de l’Europe.

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