‘Tender’ n’est pas un mot populaire chez les transporteurs. D’une manière générale, ils n’y participent qu’à contre-cœur. Nous avons demandé à Dominique Vangermeersch (membre du conseil d’administration de l’ABCAL) quelques conseils à leur donner. Dominique Vangermeersch, fort d’une longue expérience professionnelle chez Baxter, était l’invité de la conférence annuelle de Road Spirit. “Le tender n’empêche pas le partenariat. Que du contraire”, dit-il en préambule. “Chez Baxter, je n’étais pas au service d’achat – qui est centralisé à Zurich – et je n’ai donc pas participé à la rédaction des appels d’offres pour l’achat de services de transport. Mais j’ai bien pu observer l’influence du tendering sur les relations avec les transporteurs ». « J’ai pu me rendre compte que non seulement une bonne préparation est nécessaire, mais également qu’un bon suivi est important pour cette relation. Les tenders, en effet, sont trop souvent basés sur le passé, alors que les quantités et les besoins peuvent varier dans le futur. Or les tenders sont valables deux ou trois ans. C’est à ce niveau-là que, parfois, cela entrave la formation d’un vrai partenariat. Aussi donnerais-je d’abord un conseil aux chargeurs : avant de lancer un tender, il vaut mieux tout mettre à plat. Et bien préciser les attentes. C’est d’autant plus important que la pénurie de chauffeurs s’accroît et que la pénurie de moyens de transports menace parfois.” Tarification simple Aux transporteurs, Vangermeersch conseille de mettre l’accent, lorsqu’ils réagissent à un appel d’offres, sur une tarification simple et claire afin de faciliter les contrôles. “Elle doit préciser d’emblée les éventuelles variations, par exemple en fonction des volumes ou des variations du prix du diesel. Si les variations sont explicables et expliquées, cela facilite la relation. Il y a moins de conflits si les KPI sont transparents ”, explique-t-il. “Une bonne manière de se préparer est de prévoir dès le départ de bons outils de traçabilité, car ils facilitent les contrôles. Ils permettent au chargeur de mieux évaluer son transporteur. Ce n’est pas à mésestimer, dans la mesure où ces contrôlent permettent de préparer le long terme. Au bout des trois ans, le transporteur a alors un avantage : le chargeur sait quelle est sa capacité à réagir”, ajoute-t-il. Fonction de veille Mais pourquoi un chargeur doit-il lancer un nouvel appel d’offres tous les trois ans, quand il a réussi à mettre en place une bonne relation ? Selon Vangermeersch, c’est justifié : “Lancer un tender est lourd à préparer et à gérer, mais le tender a toutefois également une autre fonction : il oblige à se remettre en question et à être à la veille des marchés. Et il aide à éviter les copinages.” Faut-il pour autant changer de partenaire tous les trois ans ? Vangermeersch nuance : “Le transporteur peut, en se préparant bien, aider le chargeur à ne pas changer de partenaire. Il doit pour cela être suffisamment proactif. La clé, c’est l’intégration digitale qui facilite les contrôles de la facturation, de documents. On peut même mettre en place un EDI en amont ou proposer l’utilisation de l’e-CMR. De tels éléments permettent au chargeur de diminuer ses coûts. Le transporteur doit les mettre en avant. » « Si vous proposez des économies, vous captez le client. Dans la livraison journalière, par exemple, l’EDI facilite les flux et permet d’éviter les erreurs et de réduire le travail manuel. D’ailleurs, les chargeurs savent bien que la pénurie de chauffeurs se développe. Ils savent que les transporteurs vont choisir leurs tenders avec plus de soin et que cela ne sert donc à rien d’aller trop loin dans leurs demandes. Le chargeur a donc aussi intérêt à ce que le transporteur puisse réaliser ses marges ». La proactivité demande toutefois beaucoup de travail. Ces coûts s’ajoutent à la rédaction de l’offre elle-même. S’il rate le tender, le transporteur a fait tout ce travail pour rien. Vangermeersch nuance : « Un tender se déroule en plusieurs étapes. Ce n’est que lorsqu’il se trouve dans le dernier trio de candidats qu’il doit livrer ces efforts supplémentaires ». Capacités financières Mais comment savoir à quels appels d’offres il faut (ou pas) participer ? « Le premier critère est financier. Voyez d’abord si les attentes du chargeur sont compatibles avec vos capacités financières. Il faut pouvoir supporter temporairement les frais fixes, tout en se rendant compte que si une hausse des volumes se produit, c’est le coût marginal qui augmentera. Il faut donc non seulement tenir compte des coûts structurels, mais également des coûts marginaux », dit Vangermeersch. « Deuxièmement, il faut être en phase avec le donneur d’ordres. Un gros client cherchera davantage un transporteur transnational. Opter pour un transporteur plus local est pour lui un danger. Il convient donc de sélectionner les tenders de chargeurs d’un même niveau, utilisant des processus d’un même ordre de grandeur. Certes, une différence de taille n’est pas toujours un obstacle, certainement si les deux parties sont sur la même longueur d’ondes. C’est certainement possible dans des marchés de niche ou lorsqu’une grande réactivité et rapidité d’exécution est nécessaire. Mais même dans ce cas, il faut bien évaluer ses capacités ». Peu de plaintes Une des raisons pour lesquelles les transporteurs n’aiment pas les tenders, c’est qu’ils ont parfois l’impression d’être piégé une fois qu’ils ont obtenu le contrat. Quels conseils Vangermeersch donne-t-il à ce sujet ? « C’est une question très difficile, qui se gère au cas par cas. D’ailleurs, ce qui peut être perçu comme un piège peut être le résultat de l’évolution du business du client ou de ses volumes. Remporter un tender ne signifie pas pour autant qu’on sera tranquille pendant trois ans. Au sein de l’ABCAL, nous n’avons d’ailleurs reçu que très peu de plaintes de transporteurs s’étant senti piégé. N’oubliez pas que le chargeur est lui aussi à la recherche d’un ‘win-win’ », conclut-il.
« Voyez d’abord si les attentes du chargeur sont compatibles avec vos capacités financières. » (D. Vangermeersch)