Interview VIP: Bernard Lycke (Cecra)

A quelques mois d’une refonte complète des règles portant sur la vente et la réparation de véhicules et alors que la connectivité et les propulsions alternatives bousculent sérieusement le quotidien des ateliers, une rencontre avec Bernard Lycke (directeur général de Cecra, l’association européenne des concessionnaires et réparateurs) s’imposait. Les sujets de discussion sont en effet nombreux et variés.

Transport Management : Avec le recul, quel a été l’impact du Covid-19 sur l’activité des concessionnaires ?
Bernard Lycke : Passé les premières semaines en mars 2020, les ateliers ont continué à tourner mais ils ont dû ensuite résorber un important retard, ne fût-ce que pour le contrôle technique. Aujourd’hui, la situation s’est normalisée mais on ne mesure pas encore l’impact financier de ces mois difficiles sur la rentabilité. Jusqu’à présent, le secteur a été très résilient, mais on espère bien entendu que les garages ne seront pas trop touchés par les faillites.

Block Exemption, le retour

TRANSPORT Management : Dans de telles circonstances, le secteur va-t-il encore se concentrer ?
B. Lycke : Le mouvement de concentration était déjà important avant 2020, surtout dans le secteur des voitures particulières, et la crise du Covid ne fera que l’amplifier, tout comme le verdissement des parcs voulu par la Commission européenne.

TM : On va beaucoup reparler de ‘Block Exemption’. Pourriez-vous nous rappeler de quoi il s’agit ?
B. Lycke : Un constructeur a le droit de choisir qui le représente. Les règles de Block Exemption existent depuis 1985 et les règles actuelles sont largement basées sur un texte de 2010. Depuis lors, beaucoup de choses ont changé et la Commission s’intéresse par exemple beaucoup aux ventes directes des constructeurs, aux ventes en ligne ainsi qu’aux ventes duales, un système par lequel le constructeur essaie de combiner les avantages du contrat de distribution (où le partenaire achète le stock et prend les risques) et les contrats d’agence.

TM : Quel est votre point de vue ?
B. Lycke : Tout d’abord qu’il faut conserver un règlement général, mais celui-ci couvre tous les secteurs du commerce, pas seulement le secteur automobile. Nous demandons donc la réintroduction de certaines clauses spécifiques à notre secteur pour retrouver le relatif équilibre qui existait dans le règlement de 2002 et qui a un peu disparu depuis.

TM : Dans quels domaines précis ?
B. Lycke : On peut parler des conditions dans lesquelles un concessionnaire peut céder son entreprise ou représenter plusieurs marques…

TM : Les véhicules sont de plus en plus connectés. Quel impact cela a-t-il sur les garages et sur leurs relations avec les constructeurs ?
B. Lycke : L’accès aux données des véhicules est essentiel pour toute la chaine de valeur automobile. Le Cecra se bat avec plusieurs autres pour un accès qui garantisse une concurrence équitable.
Notre vision, partagée avec des organismes comme la FIA, s’appelle S-OTP pour Secure On board Telematics Platform. Dans ce système, l’accès aux données du véhicule est direct et géré par un administrateur neutre. Ce système garantit l’accès aux données pertinentes pour tous ceux qui en ont besoin et garantit aussi la libre concurrence. In fine, cette libre concurrence est aussi le meilleur garant de la stabilité des tarifs d’après-vente. Nous espérons dès lors que la Commission sera sensible à notre demande et qu’elle réglera cet accès aux données. Nous avons enregistré récemment plusieurs progrès dans ce dossier.

Mobility as a Service

TM : Parlons de l’électrification des parcs. Encore une tendance qui va bouleverser le quotidien des garages…
B. Lycke : Oui, mais le marché restera hybride pendant de longues années, le temps que certaines alternatives s’imposent et que les parcs se renouvellent. Néanmoins, un véhicule électrique génère environ 50 % de valeur en moins au niveau de l’atelier : il y a moins de pièces d’usure, la véhicule utilise moins de fluides… D’un autre côté, les pneus s’useront davantage à cause du couple élevé des moteurs électriques. Pourra-t-on compenser cette baisse d’activité par davantage d’activités VO ? Comment les concessionnaires pourront-ils créer de la valeur avec les services Mobility as a Service ? Je pense qu’il y a un avenir pour les concessionnaires mais qu’ils devront encore, comme les autres membres du la chaine de valeur automobile, faire face à de nombreuses adaptations.

TM : Justement, à quoi pourrait ou devrait ressembler un concessionnaire en 2025 ?
B. Lycke : La consolidation va se poursuivre, et les gagnants seront ceux qui proposent un panel de services très large, avec de la réparation, de l’entretien préventif, de la carrosserie, des occasions, du financement, des assurances, de la location, de la transformation de véhicules et pourquoi pas du contrôle technique. Pour y arriver, il faudra certainement être multisites et peut-être multimarques.

TM : Les réseaux seront-ils alors moins denses ?
B. Lycke : Probablement, mais les concessionnaires compenseront cela par du service à distance et de l’entretien prédictif.

TM : Et le tout sera régi par les nouvelles règles Block Exemption…
B. Lycke : Exactement, et cette grande variété de services rendus par les concessionnaires va probablement faire se multiplier les modèles de contrats entre les constructeurs et les concessionnaires-réparateurs (contrats de distribution ou de franchise, contrats d’agents). C’est pour cette raison qu’il faut que les nouvelles règles soient équilibrées et tiennent compte de plus d’équité dans les relations entre partenaires comme l’a relevé la Cour Suprême autrichienne dans une affaire qui a fait beaucoup de bruit (Büchl/Peugeot).

TM : Quand peut-on attendre ces nouveaux textes ?
B. Lycke : En ce qui concerne le règlement général, on pourrait déjà avoir les textes en juin, au plus tard en septembre, pour qu’ils soient applicables en mai 2022 pour la vente et en mai 2023 pour ce qui est de l’après-vente. Cela peut aller relativement vite car il ne s’agit pas d’une matière où la commission doit obtenir l’accord du parlement et du Conseil.

 

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