[PORTRAIT] Gino Lievrouw : « Le même trajet chaque semaine, et alors ? »

Gino Lievrouw (56 ans) de Hooglede-Gits effectue le même parcours chaque semaine et souhaite continuer comme ça jusqu’à sa retraite. Ce n’est peut-être pas le rêve ultime de la vie d’un chauffeur professionnel, mais la routine a aussi ses avantages.

« Personne dans la famille n’était ou n’est chauffeur de poids lourd », entame Gino Lievrouw, marié à Ria depuis 38 ans. « Après avoir obtenu mon diplôme d’études secondaires, j’ai commencé à travailler dans une usine de chaises et j’y suis resté près de 15 ans. À un moment donné, une place de chauffeur s’est libérée et l’employeur m’a demandé si je ne voulais pas aller livrer les clients avec son petit camion. C’est comme ça que j’ai effectué mes premiers pas en tant que chauffeur professionnel. »

Malheureusement, l’entreprise a fait faillite et Gino a dû chercher un autre emploi. « L’idée de devenir chauffeur international me trottait dans la tête depuis un certain temps déjà, mais bien sûr, ce n’était pas évident. Contrairement à aujourd’hui, la demande de chauffeurs était là, mais si vous n’aviez pas d’expérience, les portes se refermaient tout de suite. M. Lensen, qui dirigeait alors une entreprise de transport de la région, m’a donné l’opportunité de me lancer et m’a tout appris : remplir un CMR, conduire un ensemble tracteur/semi-remorque ou encore utiliser un véhicule avec un chariot embarqué. » Aujourd’hui, 25 ans plus tard, Gino roule toujours pour M. Lensen qui, entre-temps a créé sa propre entreprise de transport avec ses enfants. L’entreprise, située à Roulers, dispose de 15 ensembles routiers et est spécialisée dans le groupage.

Tout le monde ne veut pas faire ça

« Au fil des ans, j’ai eu l’occasion de traverser une grande partie de l’Europe. Bien sûr, il faut aimer ce genre de vie car vous pouvez facilement avoir 10 à 15 clients à livrer et tous les chauffeurs ne sont pas faits pour cela. Et emprunter le même itinéraire chaque semaine rebute certains chauffeurs. » Chaque lundi matin, Gino part de Roulers et fait d’abord du groupage en Belgique. Le mardi, il part en France dont il revient le vendredi après-midi. « Suivre le même itinéraire chaque semaine et rencontrer les mêmes clients peut sembler peu exaltant, mais pour moi ce n’est pas du tout ennuyeux. Je signerais des deux mains pour pouvoir le faire jusqu’à ma retraite. »

« Cela présente même plus d’avantages qu’on ne pourrait le croire. Je connais les heures d’ouverture de chaque client ; où que j’aille, je connais les gens et je sais comment les aborder ; je sais où se trouve la machine à café, où je peux passer la nuit sur la route, où bien manger…. Ce sont peut-être des broutilles, mais tout cela me procure une certaine tranquillité d’esprit. Ca a forcément un impact sur mon style de conduite et, par extension, sur la sécurité routière. Je peux parfaitement calculer le temps à facturer par client et ainsi reprendre la route sans frustration. Quand on voit parfois les parkings surchargés le long des autoroutes et les sanitaires qui laissent souvent à désirer, je peux comprendre que cela puisse irriter certains chauffeurs, avec toutes les conséquences que cela entraîne. »

Travail équilibré

Être chauffeur international signifie souvent être absent de chez soi pendant plusieurs jours. Ce n’est pas forcément compatible avec une vie sociale normale. « Quand, il y a un certain temps déjà, j’ai pris la décision de rouler à l’international, j’ai eu de la chance que ma femme me soutienne à 100 %. J’étais loin de chez moi toute la semaine, à peine joignable et il n’était donc pas facile pour elle d’être seule avec un enfant en pleine croissance. Autrefois, il fallait souvent partir le dimanche pour ne rentrer que le samedi. Mais après un certain temps, j’ai été attentif à cela. Je constate, surtout dans notre entreprise, la volonté de maintenir un équilibre sain entre vie privée et professionnelle. Nous travaillons toujours dur le vendredi soir pour que tout soit prêt pour le lundi matin, afin que chacun puisse profiter pleinement de son week-end. »

Cela ne surprendra personne d’apprendre que Gino a vu le secteur beaucoup changer au fil des ans. Le problème grandissant des embouteillages, la pénurie de chauffeurs, la digitalisation… autant d’éléments qui ont un impact sur la vie d’un chauffeur. « On ne peut plus imaginer la vie sans embouteillages. Ils n’ont pas seulement augmenté autour des grandes villes. J’ai aussi dû m’adapter à l’évolution numérique. Il m’a fallu du temps pour m’y retrouver, mais il faut suivre le mouvement. Au début, pas mal de chauffeurs se montraient un peu méfiants par rapport au fait d’être localisé. J’ai moi-même eu un peu de mal avec ça, mais ça a ses avantages, par exemple en cas de problème sur la route. On sait alors où vous vous trouvez à un mètre près. »

Rémunération correcte et bon matériel

« On assiste à un vieillissement net dans la population des chauffeurs, je le constate aussi chez nous. Peu de jeunes ont encore le feu sacré. Ils préfèrent rester chez eux le soir. Beaucoup redoutent également de devoir livrer plusieurs clients par jour, mais personnellement, c’est ce que j’aime. Je ne suis pas obligé d’atteindre le nombre maximum d’heures de conduite par jour. Les chauffeurs un peu plus âgés préfèrent avoir un salaire correct et du bon matériel plutôt qu’un camion plein de gadgets et devoir attendre longtemps leur salaire. »

« Dans cette entreprise, chacun a son propre véhicule et celui-ci est remplacé tous les 4 ans. Avec mon DAF XF 480, j’ai même ma remorque attitrée, tandis que les chauffeurs qui conduisent un tracteur doivent sporadiquement changer de semi. Quand vous avez votre propre poids lourd, vous le traitez différemment. »

« Normalement, je dois encore travailler cinq ans jusqu’à ma retraite, mais si tout se passe comme maintenant et que ma santé est encore bonne, je pourrais continuer encore quelques années, plus à temps plein mais par exemple deux à trois jours par semaine. Et oui, je veux toujours bien faire le même itinéraire chaque semaine », conclut Gino.

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