Electrification des parcs : Et si on envisageait le rétrofit ?

A l’allure où les camions électriques neufs vont se vendre, il y a un gros risque de ne pas décarboner le transport routier suffisamment vite. Certains envisagent d’accélérer le mouvement en reconditionnant des camions d’occasion en camions électriques, mais le business modèle de cette opération de rétrofit n’est pas encore bien défini.

Les constructeurs de poids lourds estiment qu’ils réaliseront environ 10 % de leurs ventes avec des camions électriques en 2025, les plus ambitieux visent une part de marché de 50 % d’ici 2030 et l’arrêt total des ventes de camions diesel en 2040. D’autre part, l’âge moyen du parc roulant est élevé en Belgique (même si ce chiffre est bizarrement influencé par un très grand nombre de véhicules très âgés, voir infographie). Il est donc illusoire, à politiques égales et au vu du taux de renouvellement de flotte actuel, de réduire les émissions de CO2 du parc roulant belge suffisamment vite pour atteindre les objectifs fixés pour 2030.

L’autre argument qui pèse en faveur du rétrofit n’est pas encore pertinent en Belgique : lorsque les véhicules à moteur thermique ne sont plus admis dans les centres-villes, il permet aux petites entreprises de continuer à y exercer leurs activités avec un investissement de départ moindre.

Un cadre légal à créer

D’où l’idée toute simple (en théorie) de convertir des camions d’occasion à la propulsion électrique. En utilisant comme base un véhicule partiellement ou totalement amorti, on abaisse le prix d’acquisition du véhicule et on parvient plus rapidement à un TCO favorable par rapport au diesel.

Ce principe est déjà largement appliqué aux Etats-Unis mais se heurte à des questions de ré-homologation. Certains états-membres ont rendu le rétrofit légal, dont la France depuis le 3 avril 2020. Nos voisins du sud ont même créé une prime (allant jusqu’à à 40% du coût de la transformation, dans la limite de 50.000 euros) pour la transformation d’un poids lourd à motorisation thermique en véhicule électrique. Il est aussi possible d’homologuer des véhicules rétrofités en série.

En Belgique par contre, un véhicule rétrofité doit être à nouveau homologué individuellement à l’étranger avant d’être réimporté dans notre pays, ce qui coûte extrêmement cher. Comme le révélait le journal L’Avenir il y a quelques semaines, les gouvernements fédéral et régionaux travaillent cependant de concert pour créer un cadre juridique autour du rétrofit. Selon notre confrère, on se dirigerait toutefois vers une homologation simplifiée, certes (pas de crash test), mais individuelle. Cela représente un budget de 35.000 à 100.000 euros par véhicule et rendrait très difficile toute forme d’industrialisation.

Trois constructeurs belges

En Belgique, le pionnier de cette activité a été E-Trucks Europe à Lommel. En 2012, elle équipait des DAF d’occasion avec sa propre ligne cinématique électrique. Aujourd’hui, après avoir livré dix camions électriques, elle est passée à la pile à combustible. Dix camions ont ainsi déjà été vendus et une trentaine d’autres sont commandés pour 2022.

« Les grands constructeurs se concentreront sur les grandes séries. Nous visons les applications de niche, où la superstructure est une grosse consommatrice d’énergie. C’est pourquoi nous commençons avec des bennes à ordures ménagères, avant de développer des modèles pour le transport frigo ou le secteur de la construction », explique Ben Cornelis (Business Developer chez E-Trucks Europe). Cependant, E-Trucks Europe ne travaille plus qu’avec des DAF neufs, tout comme Hyzon Motors aux Pays-Bas. « Nous avons arrêté le rétrofit parce que cela restait cher. Et puis pour attirer les chauffeurs il faut un véhicule neuf, avec une belle cabine », justifie Cornelis.

Roy Campe, directeur technique chez CMB.Tech, n’a pas une opinion aussi tranchée. CMB.Tech s’est fait connaître avec un premier camion bi-carburant (diesel + hydrogène) assemblé sur base d’un Ford F-Max neuf, mais cet autre constructeur belge n’est pas opposé au rétrofit : « Ce que nous voulons éviter, c’est qu’un transporteur vienne nous trouver avec trois camions de marque différente. Nous devons travailler sur des séries, car pour chaque type de véhicule, il faut non seulement travailler avec le constructeur pour adapter notre kit à chaque modèle, mais aussi fournir un dossier pour l’homologation, en démontrant l’effet de notre kit sur les freins, sur la stabilité du véhicule etc… Nous créerons donc des kits pour des modèles spécifiques, où il sera possible de travailler sur des séries plus importantes. »

Un troisième projet industriel est en train de se structurer autour de Patrick Collignon, ex-vice président de Volvo AB en Amérique du Nord. Il a fondé Trova Commercial Vehicles aux Etats-Unis et e-Trova en Belgique pour faire passer le système du rétrofit au stade industriel. « Notre cible est le camion de transport régional, qui parcourt entre 250 et 300 kilomètres par jour. Nous partirons à chaque fois d’un camion âgé entre deux et sept ans, que nous équiperons d’une propulsion électrique soit à batteries, soit à pile à combustible », nous explique Patrick Coulier, responsable de la communication d’E-Trova. « Le camion sera aussi pourvu d’une télématique de dernière génération, mais notre plus gros atout sera le fait que nous travaillons avec des composants existants et notre concept d’industrialisation qui permettra de réaliser la conversion en une semaine au maximum. »

E-Trova est en train de développer son premier prototype, a déjà passé des accords avec Flanders Make et recherche aujourd’hui des partenaires pour passer au stade des projets-pilotes. En avril 2022, E-trova avait déjà levé un financement d’1,5 million d’euros pour la construction du premier prototype. L’objectif est de passer au stade industriel en fin d’année 2023 et de développer ultérieurement un business modèle dont on entendra de plus en plus parler dans le monde du transport : le Truck as a Service (TaaS), une notion appelée à remiser au vestiaire la notion de leasing full service tel qu’on le connaît aujourd’hui.

lisez aussi

Événements à venir

VOUS NE RECEVEZ PAS ENCORE NOTRE NEWSLETTER HEBDOMADAIRE? ALORS INSCRIVEZ-VOUS DÉS MAINTENANT!

  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.
transport media logo