Gammes de camions électriques : Comme une tache d’huile…

On n’en a vendu que… quatre en 2021 dans notre pays et pourtant les camions électriques accaparent une bonne part de la communication des constructeurs. Ceux-ci sont même en train de muscler leurs gammes électriques pour laisser le moins de place possible aux nouveaux outsiders.

Volvo Trucks est le premier constructeur à ouvrir les carnets de commande pour une gamme complète de camions électriques. Dès cette année, les FL, FE, FM, FMX et FH sont commercialisés en version ‘zéro émissions’. Même si les volumes de vente resteront modestes, c’est un signal fort. Chez l’autre constructeur suédois, où les carnets de commandes sont gelés pour toutes les versions à moteur thermique, les gammes hybrides et électriques sont toujours en vente libre. C’est dire si l’année 2022 marquera peut-être le début de la véritable percée du camion électrique. Il est donc temps de décrypter les différences entre les différentes offres.

Des choix technologiques différents

Ce qu’il y a de fascinant lorsqu’une nouvelle technologie arrive sur le marché, c’est qu’elle permet divers types d’expérimentation. Le cas de Mercedes-Benz est à cet égard exemplaire : les premiers prototypes d’Actros électriques utilisaient par exemple une architecture héritée des bus électriques de la marque. L’eActros lancé en série en juin 2021 utilise maintenant un essieu moteur dans le plus pur sens du terme. Cet essieu développé et fabriqué en interne par Mercedes-Benz Trucks est pourvu de deux moteurs électriques de 115 kW, accouplés à une boîte de vitesses à deux rapports qui est directement montée sur l’essieu. Mercedes-Benz est d’ailleurs le seul constructeur à utiliser cette technique beaucoup plus compacte et qui permet un gain significatif en termes de charge utile. Le nouveau venu Volta Trucks sera le premier à lui emboîter le pas avec un essieu moteur de Meritor, probablement dérivé du modèle 14Xe dont la production a débuté en décembre 2021 pour le marché nord-américain. On devrait cependant voir apparaître, dès le salon IAA Transportation, d’autres ensembles complets moteur + transmission + essieu chez les fabricants d’essieu.

Par ailleurs, DAF et MAN se distinguent de la concurrence en ne montant pas de boîte de vitesses en en appliquant une réduction directement sur l’essieu moteur qui doit permettre d’abaisser le poids à vide. Scania et les deux marques de Volvo Group utilisent eux une boîte à deux rapports.

Les choix technologiques diffèrent également du côté des batteries. DAF Trucks, en particulier, se distingue en n’utilisant pas des batteries lithium-ion, mais des batteries LFP (pour lithium-fer-phosphate). Le constructeur néerlandais justifie ce choix en argumentant que les batteries LFP sont plus sûres que les batteries Li-Ion et qu’elles ne contiennent pas de cobalt.

Y voir clair dans les batteries

Ce choix a un impact sur la consommation, et donc sur l’autonomie. A ce sujet, il faut apprendre à analyser les chiffres disponibles pour l’instant, chiffres d’autant plus rares que la consommation d’un camion électrique dépend de davantage de facteurs que celle d’un moteur thermique à cause de l’importance des phases de récupération d’énergie au freinage.

La manière la plus transparente de communiquer sur la capacité des batteries consiste à donner la capacité nominale (théorique) et la capacité utilisable du pack de batteries. Tous les constructeurs ont mis à profit les phases de test pour tenter de rapprocher les deux chiffres le plus possible.

Comme sur n’importe quel appareil électrique, la durée de vie d’une batterie (que l’on exprime en nombre de cycles de recharge) dépend du moment où l’on recharge la batterie, de la durée des périodes de basse charge, du type de charge utilisée (lente ou rapide)… et de toute l’électronique que le constructeur utilise pour préserver la batterie. Plus le rapport entre la capacité nominale et la capacité effective est élevé, plus le constructeur prend de risque (ou en laisse prendre à ses clients). Or, que constate-t-on ? Que DAF annonce un rapport de 90 et ses concurrents un rapport situé entre 70 (Scania) et 86 (Mercedes-Benz). Ces valeurs sont toutefois données à titre indicatif : une fois qu’il y aura davantage de camions électriques en circulation, les constructeurs pourront, par une simple mise à jour à distance, augmenter la capacité effective des batteries.

Les chiffres officiels relatifs à la capacité des batteries ont cependant un impact déterminant sur le plan contractuel. Les conditions d’application d’une garantie sur les batteries, par exemple, vont dépendre de la capacité restante après x kilomètres. Illustrons ceci par un exemple théorique : si les batteries d’un camion électrique possèdent moins de 70 % de leur capacité initiale (nominale ou effective ?), les conditions d’application de la garantie pourraient ne plus être réunies puisque le constructeur pourrait s’estimer obligé d’installer une nouvelle batterie. Le même raisonnement pourra s’appliquer aux contrats de leasing et au calcul de la valeur résiduelle.

Avec ou sans chargeur à bord

Autre différence marquante entre les constructeurs : la puissance de charge acceptée par le véhicule. Ou, pour utiliser une analogie issue du monde des fluides : le diamètre du goulot. A l’exception de Scania, qui annonce pour l’instant 130 kW, la plupart des constructeurs s’accordent sur 150 kW (160 chez Mercedes-Benz). C’est suffisant pour les porteurs utilisés en distribution : à cette puissance, une recharge effectuée pendant la pause règlementaire de 45 minutes permettra de retrouver facilement 100 kilomètres d’autonomie supplémentaire.

Cette puissance est par contre insuffisante pour un tracteur utilisé en transport régional. DAF (sur son CF Electric) et Volvo Trucks (FM et FH Electric) vont donc jusqu’à 250 kW. Pour rappel, les chargeurs les plus puissants actuellement installés en Belgique (John Cockerill à Seraing) font 350 kW.

Les choses vont toutefois évoluer très vite. Pour augmenter l’autonomie des camions électriques et/ou réduire les temps de recharge, les constructeurs et quelques industriels ont développé un standard commun appelé MCS pour Megawatt Charging System. Le nom le dit bien : la norme serait d’un mégawatt, avec tout ce que cela implique au niveau des bornes de recharge.

Scania et MAN sont les premiers à communiquer ouvertement sur ce standard, puisque le tracteur TGX électrique en cours d’essai (et promis à la commercialisation en 2024) sera compatible avec le standard MCS, alors que Scania annonce un premier modèle ‘compatible MCS’ pour la même période.

Toujours sur le plan de la recharge, Scania se distingue de tous ses concurrents en plaçant la trappe qui cache les prises du côté opposé au poste de conduite. C’est peu sécurisant pour le chauffeur… et là aussi, la norme voudra très rapidement que les prises de recharge soient situées du côté gauche de la cabine (ne fût-ce que pour simplifier le placement des bornes de recharge). Scania est également un des constructeurs qui ne fournit pas de chargeur embarqué pour la recharge lente en courant alternatif (22 kW).

Comme on le voit, passé le temps des premiers balbutiements, le camion électrique se rapproche assez rapidement de la normalisation. Il subsiste néanmoins des différences marquées entre les marques dont les choix doivent maintenant être validés ou invalidés par les transporteurs eux-mêmes (comme le placement des batteries à l’intérieur ou à l’extérieur des longerons du châssis).

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