Les femmes dans le transport : entre ‘one of the boys’ et ‘girl power’

Le secteur des transports reste dans une large mesure un monde d’hommes. Le pourcentage de femmes salariées dans les transports stagne autour de 7 % depuis deux décennies. Chez les employés, il a même baissé, passant de 44,5 à 41,7 %. Transportmedia a demandé à quelques femmes actives comment elles revendiquent leur place dans ce monde d’hommes. 

Notons d’emblée que la situation dans les différents segments du transport présente des nuances. Bien sûr, il y a encore du pain sur la planche concernant les conditions sur le terrain (équilibre travail-privé, contraintes physiques, support, …), mais on peut espérer qu’aujourd’hui le côté ‘macho’, qui a caractérisé la profession pendant des années, commence à disparaître. Les dames à qui nous donnons la parole ici, qu’elles soient chauffeurs, qu’elles aient occupé une fonction de support ou qu’elles dirigent une entreprise, montrent qu’il y a de la place pour un vrai ‘pouvoir féminin’ dans le secteur des transports.

La ‘Lady Trucker’ Bianca Vermeeren : « Ce sont surtout les femmes qui m’interrogent sur mon job »

Le nom de Bianca Vermeeren peut vous sembler familier. Elle a été finaliste de la dernière édition de ‘Love2Truck’ et a fait une apparition dans le programme de VTM ‘Lady Truckers’. Et tout cela en assez peu de temps, puisque Bianca est encore une nouvelle-venue dans le métier. Si conduire un camion était un rêve d’enfance, ce n’est qu’en 2020, après des années de travail sur les marchés, qu’elle franchit le pas pour devenir chauffeur. Aujourd’hui, elle est l’une des rares ‘lady truckers’ sur nos routes. « J’aime le sentiment de liberté sur la route et la beauté d’un tel véhicule. » Bianca roule surtout en Belgique et dans les pays voisins, parfois au Danemark. Les week-ends sont consacrés à ses 4 enfants et son mari. « Je suis souvent loin de chez moi, mais ce travail peut se combiner avec une vie de famille. Les enfants se débrouillent et mon mari est indépendant, ce qui facilite un peu l’organisation. Pendant la semaine, la vie sociale est bien sûr assez pauvre. Je passe une ou deux nuits en cabine. Mais quand on veut vraiment quelque chose, on l’obtient. »
Bianca a participé à Lady Truckers et Love2Truck pour prouver que les femmes peuvent faire au moins aussi bien que les hommes dans le transport. « Je voulais aussi montrer une image positive du travail lui-même », dit-elle.
Bianca précise que, sur la route, on fait rarement allusion à son sexe. « Parfois, il y a un regard surpris, mais dans l’ensemble il n’y a pas de problème. » C’est surtout son camion qui trahit son genre, avec des plaques d’immatriculation roses, des logos ‘Lady Trucker’ et l’inscription ‘Woman’ dans la cabine. « Je tiens aussi à ce que le camion reste confortable et bien rangé. J’y passe quand même la majeure partie de la semaine. »
Ce sont surtout les femmes qui s’interrogent quant à son choix professionnel. « Je reçois beaucoup de questions sur le métier de la part de femmes. Si vous voulez le faire, faites-le. Quand j’ai commencé, j’étais la première femme chauffeur chez mon employeur, et j’avais peur des préjugés. Mais les collègues m’ont très bien accueillie. »

Sandra Van den Berg, CEO de Sany Group : « Je vois encore peu de femmes dans ce métier »

Sandra Van den Berg et son mari ont fondé leur entreprise de transport de conteneurs Sanytrans à la fin des années ‘80. Au fil des ans, l’entreprise s’est développée pour devenir le Sany Group, avec des activités d’expédition (Exsan) et d’entreposage (Sanylogistics). La société compte actuellement 150 tracteurs et 400 châssis. Depuis le début, Sandra s’occupe du commercial. Au début, ce n’était pas évident. « Venant du secteur de la beauté, j’ai débarqué dans un vrai monde d’hommes. Dans les années qui ont précédé la création de notre entreprise, je gérais déjà trois camions. Je pouvais encore combiner cela avec ma propre affaire. Malheureusement, nous avons dû faire face à gros coup dur : la mort subite de notre 4e enfant. J’étais au fond du trou. Mon mari m’a suggéré de me débarrasser de mon salon de coiffure pour me concentrer sur la planification du transport à temps plein. Je pouvais ainsi être davantage avec les enfants tout en développant l’entreprise. Je voulais aussi évoluer et avoir plus à faire que de suivre ces trois camions. J’ai alors commencé à prospecter dans le port. À l’époque, je devais être à peu près la seule femme active dans ce domaine et, en tant qu’esthéticienne, j’ai pris soin de mon apparence, ce qui m’a permis de me démarquer. C’était à notre avantage, trouver du travail n’était pas difficile. Je dois toutefois admettre que dans ces premiers jours passionnants, il m’est arrivé d’avoir des insomnies et de pleurer. Mais nous y sommes parvenus. Le port n’est plus le bastion purement masculin d’antan, mais je vois encore peu de femmes occuper des postes administratifs similaires. S’il y en a, j’adorerais les rencontrer. »
Sandra est fière d’apporter sa touche féminine dans la gestion de l’entreprise. « J’ai toujours compté sur mon instinct. Cette intuition est très importante lorsque votre entreprise est en croissance et que vous devez déléguer des tâches : vous devez vous entourer des bonnes personnes et l’intuition joue un grand rôle. Ma fille aînée s’occupe du recrutement, mais au troisième entretien avec le candidat, j’essaie d’être présente. Je tiens aussi beaucoup à ce que les collaborateurs puissent me joindre. Chacun des 150 employés reçoit un message personnel de ma part le jour de son anniversaire. La gestion d’une entreprise, c’est aussi une affaire d’émotion. Les petites attentions font vraiment la différence. »
Combiner la gestion d’une entreprise en pleine croissance avec la vie de famille nombreuse n’a pas été facile, admet Sandra. « Je n’ai pas eu assez de temps pour mes enfants. Je ne le regrette pas car on n’avait pas le choix, mais je conseillerais à mes enfants de s’y prendre autrement. Aujourd’hui, mes journées sont un peu moins agitées et j’ai un peu plus de temps pour moi. Une amie est devenue mon esthéticienne et j’ai commencé des cours de pilotage d’hélicoptère, un rêve d’enfant. »

Julie Dierckx, coordinatrice transport chez Distrilog : « L’image masculine du secteur ne m’a pas fait peur »

Julie Dierckx est ingénieure commerciale et travaille chez Distrilog. Coordinatrice de projet, elle est responsable de l’amélioration constante des processus logistiques. Son choix pour le secteur était délibéré. « Le transport et la logistique sont des domaines d’activités très riches. L’image masculine du secteur ne m’a pas fait peur. J’ai grandi parmi mes frères, et il y avait aussi beaucoup de garçons aux mouvements de jeunesse. Au travail, vous devez faire vos preuves, montrer que vous savez de quoi vous parlez. Cela n’a pas nécessairement quelque chose à voir avec le fait d’être une femme. Parfois, l’âge – j’ai 25 ans – est utilisé contre vous. Mais travailler avec les hommes a aussi des avantages : ils sont très directs dans la communication, ce qui fait avancer les choses. »
Dans les fonctions de coordination, il y a un certain équilibre entre les sexes. Dans son travail quotidien, Julie ne voit pas la relation homme-femme comme un problème. « Environ 95 % des chauffeurs sont encore des hommes, dans les fonctions de support, vous voyez de plus en plus de femmes. Je n’ai pas l’impression de devoir être ‘one of the boys’. C’est peut-être davantage le cas chez les chauffeurs. »

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