[DOSSIER] Big Data & intelligence artificielle

En 2022, le Big Data a pénétré au cœur des entreprises de transport. Les transporteurs sont bombardés d’offres de services digitaux qui parfois se ressemblent. Comment y voir clair et comment, aussi, éviter les pièges du partage de données ?

En 2022, presque tous les fournisseurs de services aux transporteurs vendent des services basés sur les data : en plus des fournisseurs télématiques indépendants, il y a les constructeurs (analyse du style de conduite, entretien prédictif… sans parler du suivi des missions de transport dans le cadre de camions électriques), les carrossiers (de plus en plus impliqués dans le suivi de la marchandise elle-même), les manufacturiers de pneumatiques, les fournisseurs d’énergie, les systèmes de péage…

Qui a le meilleur USP ?

De plus en plus aussi, ces différents fournisseurs s’abreuvent aux données générées par d’autres parties de l’écosystème. C’est ainsi que l’on voit les manufacturiers ou des équipementiers racheter des fournisseurs télématiques (Transics par ZF, Masternaut par Michelin, Webfleet par Bridgestone, VDO Siemens par Continental). En coulisses, chacun négocie avec l’autre pour obtenir d’autres sources de données via des API (interface de programmation).
Mais si chacun dispose des mêmes données, le transporteur ne va pas les acheter plusieurs fois (les services digitaux sont en effet une source précieuse de revenus récurrents)… Quel serait par exemple l’intérêt d’avoir trois fournisseurs différents qui proposent une analyse du style de conduite ? En d’autres termes, quel fournisseur dispose du meilleur UPS (Unique Selling Proposition, en bref ce qui vous distingue des concurrents) ?
A cette question, Taco Van der Leij (Webfleet Europe) apporte une réponse nuancée : « Nous n’avons jamais tout à fait l’accès aux mêmes données, et nous les regardons chacun sous notre propre prisme. Le grand défi, c’est d’appliquer ces data en fonction de ce dont notre client a besoin. L’autre défi, c’est de pouvoir combiner suffisamment de sources de data pour alimenter une intelligence artificielle, ce qui est en train de devenir un hype dans le secteur. Mais cette intelligence n’existe que si elle se met au service d’une application utile pour notre client. Ce qui nous rend unique, c’est que nous avons des années d’expérience avec les données relatives aux missions de transport et que nous sommes indépendants des constructeurs. Chez nous, les data ne sont pas un sous-produit. »
Si on analyse ce discours, une conclusion s’impose : il ne sert à rien d’acheter plusieurs fois la même chose, mais chaque fournisseur de services digitaux conserve sa spécificité. Pour une très grande flotte (prenons au hasard H. Essers), il est possible de créer sa propre intelligence à partir des données brutes. Pour les grosses PME, par contre, il faut soit récolter les data soi-même et confier la création d’intelligence à un tiers, soit se reposer entièrement sur un seul fournisseur de services digitaux.

Le Far West, c’est (bientôt) fini

L’autre débat qui évolue à trait à une dérive que l’on a constatée avec l’avènement des plates-formes de visibilité en temps réel. Tout mouvement entraîne des dérives, comme celle qui consiste à fournir, sans autorisation explicite de la part des transporteurs, leurs données de tracking aux chargeurs… qui peuvent ainsi mettre les transporteurs sous pression. Ces plates-formes nous expliquaient à l’époque qu’elles ne demandaient pas le consentement de chaque transporteur, mais bien des constructeurs de camions.
Dans ce domaine, les choses évoluent. Aujourd’hui, ce sont par exemple les semi-remorques qui sont largement connectées, et les leaders de ce marché (allemands pour la plupart) expliquent qu’ils laissent leurs clients choisir quelles data ils acceptent de partager avec des tiers.
« Aujourd’hui, une remorque est un dispositif IoT (Internet des Objets, NDLR) avec des roues. Notre mission est de permettre à nos clients d’utiliser tout le potentiel que le monde numérique offre », explique ainsi Marnix Lannoije (Schmitz Cargobull). « Il n’y a pas de limites aux services, tant qu’ils apportent de la valeur à nos clients. Mais la distribution des données est contrôlée à 100% par les transporteurs car les données leur appartiennent.
Le défi pour les plates-formes de visibilité en temps réel est que de nombreux transporteurs hésitent à y connecter leur propre flotte et/ou leur flotte sous-traitée. Cela limite en fait l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement. Nous collaborons actuellement avec ces plates-formes afin de garantir qu’elles aient accès aux données dont elles ont besoin pour fournir des services aux chargeurs sans entrer en conflit avec les besoins des transporteurs en matière de confidentialité des données. Étant donné que l’activité principale de Schmitz Cargobull est la vente de remorques, il est dans notre intérêt de laisser les transporteurs contrôler eux-mêmes ce qu’ils partagent et quand ils le partagent. Par exemple, notre DMC permet à un transporteur de ne partager des données que pour une tournée particulière. » Une attitude qui doit faire école, mais qui doit aussi convaincre le transporteur qu’il a intérêt à partager certaines données aussi.

Nos deux experts

• Taco Van der Leij est arrivé en 2011 chez TomTom Telematics, repris par Bridgestone en 2019. Il est vice-président de Webfleet Europe (une filiale de Bridgestone).
• Marnix Lannoije est un ingénieur belge qui vient de devenir responsable technique (CTO) chez Schmitz Cargobull.

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