[INTERVIEW] Philip Salaerts (Distrilog) : « Notre valeur ajoutée ? Le lien entre logistique et transport »

En avril 2022, Distrilog a ouvert un entrepôt à Willebroek, à peine un mois après l’inauguration d’un nouveau site à Kontich. La société dispose désormais de 20 sites pour une superficie totale supérieure à 440.000 m². Le groupe logistique est en pleine croissance… mais prône la prudence. Philip Salaerts, PDG de l’entreprise familiale, répond à nos questions.

Distrilog, dont le siège se trouve le long de l’A12 à Willebroek, est l’une des plus grandes entreprises logistiques de Belgique, notamment dans les secteurs de la vente au détail, des biens de grande consommation (FMCG) et de l’alimentation. Elle se caractérise par une forte présence à la fois dans l’entreposage, le transport et la distribution.

Link2LOGISTICS MANAGEMENT : Distrilog est-elle d’abord une entreprise logistique ou de transport ?

Philip Salaerts : Les deux, mais nos origines sont logistiques. En 1991, nous lançons l’entreposage pour les épiceries et les supermarchés, pour lesquels nous prenons aussi en charge le picking et l’emballage. Très vite, la distribution s’y ajoute. Les deux branches connaissent une croissance régulière. La logistique représente 60 % du chiffre d’affaires, le transport 40 %. Ce ratio est le même depuis des années. La croissance a été surtout organique, mais aussi externe entre 2013 et 2017, avec les reprises de Colfridis, Forlog et Speedcolli.

L2LM : Quelle est votre présence actuelle en Belgique ?

Ph. Salaerts : Nous possédons désormais 20 sites, principalement dans le triangle d’or Bruxelles-Anvers-Gand. Nous gérons aussi un entrepôt à Olen, un centre cross-dock à Jumet et un entrepôt à Evergem.
Nous couvrons tout le Benelux au départ de nos centres de distribution et cross-dock. Pour la distribution dans le sud de la Belgique et au Luxembourg, nous collaborons avec Charlier (aujourd’hui JOST) et son centre cross-dock à Recogne. Nous couvrons les Pays-Bas via le partenariat DHB (Distributie Holland-België).

L2LM : Dans quels secteurs Distrilog est-il surtout actif ?

Ph. Salaerts : Le principal secteur est le retail, mais les FMCG et l’alimentation se développent aussi fortement. Le premier contrat dans le secteur alimentaire date de 2013, même si nous étions déjà actifs dans les boissons auparavant. Aujourd’hui, nous pouvons traiter toute la gamme de produits : frais, à température contrôlée et congelés. Nous sommes aussi présents dans le secteur du bricolage (DIY), mais cette activité a diminué ces dernières années. Parfois, il faut faire des choix. Cela étant, ce n’est pas une branche négligeable, car nous travaillons encore beaucoup pour des fournisseurs de ce secteur. Depuis 2016, nous sommes en outre actifs dans l’industrie chimique, avec un entrepôt.

L2LM : Pourquoi la chimie, un secteur fort différent du retail ou des FMCG ?

Ph. Salaerts : Nous avons senti que nous devions nous diversifier. La chimie a retenu notre attention car nous avions déjà beaucoup de savoir-faire en interne. Nous avons remporté l’appel d’offres pour l’exploitation d’un entrepôt au sein du centre de production gantois d’un groupe chimique et repris l’ensemble du personnel.

L2LM : Souhaitez-vous continuer à développer ce secteur ?

Ph. Salaerts : Pourquoi pas ? Mais les nouveaux contrats doivent s’inscrire dans un contexte global, en commençant par l’entreposage lié – le plus souvent – au transport ou à la distribution. Nous voulons offrir cette valeur ajoutée. Effectuer des transports sans logistique ne nous intéresse pas.
Il y a toutefois une exception de taille à cette règle : le cross-docking. La distribution fine nécessite beaucoup de cross-docking pour créer la densité requise. Nous recherchons donc des clients de transport pur. C’est une activité coûteuse qui nécessite des flux importants. Nous n’y arrivons pas avec nos propres clients ‘entreposage’.

L2LM : Pour revenir aux FMCG : Distrilog est actif tant dans le non-alimentaire que dans l’alimentaire. Pourquoi ?

Ph. Salaerts : En 2009, nous avons souffert des conséquences de la crise financière de 2008. La baisse d’activité a été spectaculaire car nous n’étions présents que dans 2 secteurs à l’époque : le retail et le bricolage. Ce dernier était très important pour nous. À cause de la crise, les consommateurs ont commencé à épargner sérieusement. Nous avions donc beaucoup moins de travail et avons décidé de nous diversifier dans d’autres secteurs.
Nous voulions éviter de revivre une situation aussi difficile. La famille a élaboré un plan. Il n’a pas été suivi à 100 %, mais nous avons quand même cherché d’autres secteurs et des acquisitions pour soutenir cette diversification.
Les FMCG non alimentaires ont été les premiers concernés. Pour l’alimentation, nous n’avions pas encore l’expertise en interne des normes ISO spécifiques et autres standards.
Notre premier contrat FMCG a été signé avec Henkel. Ensuite sont arrivés les premiers clients FMCG alimentaires. D’abord avec des produits ‘simples’ comme le café, puis avec des aliments frais et réfrigérés. La reprise de Colfridis et son expertise ont boosté cette branche. L’alimentation est maintenant notre 2e activité en importance après le retail.

L2LM : L’e-commerce se développe dans le retail et l’alimentation. Comment s’intègre l’e-fulfilment dans ce contexte ?

Ph. Salaerts : Nous sommes aussi actifs dans ce domaine, avec l’un des plus grands dark stores de Belgique. Je ne peux pas vous dévoiler le nom du détaillant. Mais nous nous occupons également de la logistique liée à l’e-commerce pour d’autres clients.
D’ailleurs, tant dans la logistique que dans le transport, nous avons déjà effectué de nombreuses livraisons à domicile avant même l’essor du e-commerce. Lors du premier confinement, cette activité s’est considérablement développée : pour certains clients, nous avons effectué jusqu’à 80 % de livraisons à domicile. Souvent, il était même difficile de suivre le rythme durant cette période. Cette poussée de croissance est aujourd’hui terminée.

L2LM : L’e-fulfilment peut-il devenir l’un des cœurs de métier de Distrilog ?

Ph. Salaerts : Nous sommes et devons être flexibles et nos systèmes peuvent gérer cela. Si un client demande l’e-fulfilment, nous pouvons le faire. Le B2C nécessite une méthode de travail totalement différente. Les fluctuations de la demande ne sont pas de même nature que dans le B2B, notamment parce qu’il n’y a personne entre l’entrepôt et le consommateur. Sur le marché du travail actuel, il est difficile de faire face à ces fluctuations.

L2LM : Vous pourriez absorber ces pics en automatisant davantage, par exemple avec un Autostore ou un entrepôt à navettes.

Ph. Salaerts : C’est une possibilité. Nous étudions actuellement un projet d’automatisation avec un Autostore. Ce n’est pas une décision que l’on prend à la légère. Tout d’abord, il n’est pas facile de combiner le picking automatisé avec le picking manuel, ce qui doit être possible dans notre métier. Ensuite, dans l’e-fulfilment, on est très dépendant du client. Cela freine la volonté d’automatisation. Il s’agit d’investissements de plusieurs millions et il faut pouvoir conclure un contrat à long terme avec le client. C’est très difficile dans le retail.
De plus, de nombreux clients de nos autres secteurs ont du mal à franchir le pas vers plus d’e-commerce B2C, car ils concurrencent alors leurs propres clients B2B. Ce dilemme prévaut dans de nombreux conseils d’administration. Souvent, la prudence est de mise et nous pouvons difficilement engager une coopération à long terme.

L2LM : Le secteur de la logistique est confronté à une pénurie de personnel. Compensez-vous cela par la robotisation des activités d’entreposage classiques ?

Ph. Salaerts : Pour l’instant, notre degré d’automatisation est faible, mais cela va changer : nous avons récemment lancé un projet assez important avec des AGV pour un client. Il devrait être pleinement opérationnel d’ici février 2024. Ce sera notre première expérience majeure dans l’automatisation.

L2LM : N’est-ce pas un peu tard ? Le secteur des FMCG est depuis longtemps automatisé …

Ph. Salaerts : Il existe des entrepôts automatiques avec des grues ou des navettes, mais les AGV sont encore peu utilisés. Nous ne voulons pas entrer dans un projet avec des grues automatiques. Chez un 3PL, le risque est trop grand s’il faut faire cet investissement pour un seul client sans contrat à très long terme, de dix ans et plus.
Si l’une des grues tombe en panne, toute l’allée est à l’arrêt. Dans les FMCG, on ne peut pas se le permettre. Les AGV sont beaucoup plus flexibles. En fin de contrat, on peut facilement les déplacer et les déployer dans un autre entrepôt, même avec un autre type de marchandises. Si un AGV est cassé, on le met de côté, les autres appareils peuvent continuer à fonctionner. Dans le pire des cas, on les utilise manuellement, mais ce n’est pas le but.

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