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[PORTRAIT] Benoît Feraut : un coq dans la fosse aux lions

Vous en connaissez beaucoup, des chauffeurs wallons qui ont créé leur propre entreprise pour transporter des conteneurs au beau milieu du port d’Anvers ? Benoît Feraut l’a fait, et son parcours professionnel est le résultat d’une passion sans faille pour le camion et de quelques belles rencontres.

« Mon premier coup de foudre pour le transport date de mon enfance. J’avais un oncle qui roulait pour Van Laer et il est arrivé un jour avec son Scania G orange. Le virus est entré en moi et je n’en ai jamais guéri. Déjà à l’école primaire, mes professeurs disaient que je ne pensais qu’aux camions », commence Benoît Feraut.

Tout petit déjà…

Le jeune Benoît n’a de cesse que de devenir chauffeur, mais son père lui fait faire des études de carrossier. Ses premiers boulots n’ont qu’un seul objectif : mettre de l’argent de côté pour passer le permis. Permis C d’abord, qu’il passe après une formation Forem tout en roulant la nuit comme taxi.

« Mon premier job de chauffeur, c’était dans une firme spécialisée dans l’isolation par injection dans les murs. Mais je ne roulais pas assez à mon goût. Ca m’a quand même permis de financer mon permis CE. J’accompagnais aussi mon oncle qui travaillait alors pour Masterbulk, c’est moi qui manoeuvrais le camion pendant qu’il réglait ses papiers au bureau ; Cinq jours après avoir passé mon permis CE, je commençais à travailler chez Masterbulk. »

Benoît suit ensuite son oncle chez Verduyn. « On était les premiers francophones dans l’entreprise ! J’y suis resté trois ans et j’ai ajouté une corde à mon arc avec le transport de bitume. », poursuit Benoît.

Cette période chez Verduyn est surtout marquée par une rencontre avec sa future compagne Anja, qui travaille aux services administratifs. De fil en aiguille, la complicité se transforme en projets de vie commune : « Nous voulions avoir un enfant ensemble, mais il fallait pour cela que j’arrête de travailler en inter. Pourtant, j’adorais ça, partir parfois pour deux semaines vers l’Espagne et revenir après un crochet par Zwickau en ex-Allemagne de l’est… »

De chauffeur à patron-chauffeur

C’est chez Kurt Van Gucht que Benoît trouve alors chaussure à son pied. Une rencontre qui l’a marqué… même s’il est à nouveau le seul francophone de l’entreprise. « J’ai d’abord remplacé un chauffeur malade pour du transport de citernes bulk. J’avais mon planning via GSM, mais Kurt avait la particularité de dispatcher ses autres chauffeurs par la CB. C’est comme ça que j’ai commencé à apprendre le néerlandais, en écoutant la CB… Progressivement, je me suis intégré comme ça à la vie du port, surtout après être passé dans le transport de conteneurs. »

L’histoire aurait pu continuer comme ça, mais Kurt van Gucht a finalement cédé ses activités à Roosens. « C’est une très bonne société, mais je ne voulais plus rouler pour une grosse structure. Quelque part, Anja et moi avions aussi l’envie de devenir indépendants et l’idée est donc née de créer ma propre société. Kurt m’a aidé à trouver un premier client, Anja m’a aidé à financer l’achat d’un DAF d’occasion qu’on avait trouvé aux Pays-Bas et a passé sa compétence professionnelle. »

« Mon cœur est toujours chez Kurt Van Gucht, c’est d’ailleurs chez lui que je gare toujours mon camion »

Benoît achète aussi un châssis universel D-Tec et débute sa carrière de transporteur indépendant. Le 12 mars 2020 (soit un jour avant le confinement), il commence à rouler pour SDG Trans, un client à qui il est resté fidèle depuis lors. Puis c’est Duferco qui fait appel à lui après qu’il ait un peu forcé son destin : « Je devais amener un conteneur à leur terminal de La Louvière mais je n’avas pas de fret de retour. Je cherchais un transporteur local qui avait quelque chose pour moi, mais c’est le terminal lui-même qui me l’a fourni. » Depuis, Transferaut effectue diverses missions de transport pour Duferco logistique, mais principalement via des sous-traitants.

Les Wallons du Port

En juin 2022, Transferaut a engagé son premier chauffeur et acheté un deuxième DAF. La réputation de Benoît commence à grandir, d’autant plus qu’il multiplie les initiatives originales. « Je pensais qu’on n’était que quelques Wallons à travailler dans le port, mais un jour, à force de donner des trucs à des collègues, j’ai créé un groupe facebook ‘Les Wallons du Port’. Au début, on était cinq, aujourd’hui on est 1540 ! », s’amuse Benoît. Son DAF est d’ailleurs aussi devenu le point de ralliement de tous les chauffeurs qui veulent se procurer un plan du port, dont il a une caisse pleine dans sa cabine !

Il est vrai que les conditions de travail dans le port ne s’améliorent pas, que du contraire. « Ca ne fait qu’empirer », estime Benoît. « Il y a certainement des gens qui cherchent des solutions, mais pas côté transport alors. Le problème, c’est le manque de place partout. Les quais sont trop petits et quand il y a un bouchon au Liefkenshoektunnel, c’est-à-dire tous les jours à partir de 14 heures, on y perd vite deux heures. De plus en plus souvent, les files remontent en amont du Beverentunnel et cela bouche alors les routes de la rive gauche. Et si les bouchons atteignent l’entrée des terminaux, alors il n’y a même plus moyen ni d’y entrer, ni d’en sortir. Et je ne vous parle même pas des fois où je dois attendre deux jours pour avoir un slot au 869… » Ni du terminal de DP World où il n’y a même plus une poubelle à destination des chauffeurs d’ailleurs.

Mais au bout du compte, Benoît Feraut se sent-il plus transporteur ou chauffeur ? « Les Flamands me voient plus comme un transporteur et les Wallons comme un chauffeur. Mais moi, dans ma tête, je suis d’abord un chauffeur… mais avec des responsabilités en plus. Maintenant que j’emploie un chauffeur, c’est à moi qu’il téléphonera peut-être quand il a un problème technique ! »

Cela n’empêche pas Benoît et Anja dépenser à la manière dont Transferaut pourrait se développer. Faire grandir la société serait une option, mais Benoît a une autre idée en tête : « Je voudrais avoir un jour un endroit pour déposer et stocker des conteneurs, faire de la fumigation et éviter à d’autres chauffeurs les frais de démurrage. » L’un et l’autre ne sont d’ailleurs pas incompatibles…

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