Une main-d’œuvre potentielle au sein des groupes défavorisés

Cela fait des années que le secteur logistique fait face à un marché du travail extrêmement tendu. La source est tarie. De nombreuses entreprises logistiques souhaitent dès lors recruter davantage au sein des groupes défavorisés. Toutefois, ceux-ci sont souvent peu instruits, parfois peu alphabétisés et parlent généralement une autre langue. Leur formation demande un suivi intensif et leur intégration est aussi plus lente. Mais potentiel est là.

Il est si difficile de trouver de la main-d’œuvre parce qu’il n’y a presque plus de demandeurs d’emploi (voir plus loin). Les chômeurs d’aujourd’hui sont souvent peu formés et parlent une langue étrangère, ce qui constitue un défi majeur en termes de formation et d’orientation vers le marché du travail.

En l’absence de chômeurs, il faut piocher parmi les inactifs, un groupe hétérogène composé de personnes qui choisissent de ne pas travailler (les mères au foyer par exemple) ou qui bénéficient de revenus d’intégration (qui ne perçoivent donc pas d’allocations de chômage), de malades de longue durée et de divers groupes dits défavorisés. Ceux-ci comptent des réfugiés récemment reconnus comme tels, d’allophones, des personnes âgées, des gens qui n’ont pas accès au marché du travail ou alors difficilement en raison d’un handicap etc.

Une réserve de main-d’œuvre sous la ligne de flottaison

L’économiste du travail Stijn Baert (UGent) explique : « Les demandeurs d’emploi ne sont que la partie visible de l’iceberg. Les Belges qui pourraient pourvoir les postes vacants sont bien plus nombreux mais sous la ligne de flottaison, il y a les inactifs, soit 1,4 million de Belges entre 25 et 64 ans qui ne travaillent pas et ne cherchent pas de travail. » Ses chiffres montrent qu’en Belgique, 74,1 % des 25-64 ans travaillaient en 2021. Cela varie selon la province. En Flandre Orientale, ce pourcentage était de 82 % pour 64,5 % dans le Hainaut.

Le taux de chômage de 4,1 % est historiquement bas. En Flandre Orientale, il est même de 1,6 % pour 6,1 % à Liège. « Ce taux est l’indicateur le plus utilisé pour évaluer la santé du marché du travail. Mais il ne tient pas compte du groupe des inactifs qui ne recherchent pas d’emploi. Souvent, les politiques les ignorent aussi », explique S. Baert.

Ce groupe offre un énorme potentiel : en 2021, il y avait 21,8 % d’inactifs (16,4 % en Flandre orientale et 29,4 % dans le Hainaut), mais au sein de ce groupe, un pourcentage très élevé (44,2 %) concerne des migrants non-UE. Le taux moyen dans l’UE est de 29,0 %.

Seuils d’accès à la logistique

Ken Van Schaeybroeck, expert logistique au VDAB, explique : « Vu la conjoncture économique, presque tout le monde travaille. La réserve de main-d’œuvre est donc essentiellement composée de personnes avec un faible niveau d’instruction, allophones, présentant une déficience, etc. Employer ces personnes dans la logistique est encore plus difficile que dans d’autres secteurs en raison des problèmes de mobilité : les centres logistiques sont généralement trop éloignés des zones résidentielles pour y aller à pied ou à vélo et les travailleurs doivent souvent se rendre au travail et en revenir à des moments où il n’y a pas ou peu de transports en commun. Ils dépendent d’une voiture dont ils ne disposent pas toujours. »

La langue pose un problème supplémentaire (voir cadre). « C‘est très important pour la sécurité au travail. Avant que le VDAB puisse dispenser une formation technique, un allophone doit avoir un certain niveau linguistique. Il peut d’abord suivre une formation NT2 (néerlandais seconde langue, ndlr) assurée par l’agence d’intégration flamande) ou une formation préliminaire au sein du VDAB. Après cela, nous pouvons proposer une formation menant à une qualification professionnelle de cariste, de conducteur d’engin ou de magasinier. Environ 70 % de ces apprennants sont au travail trois mois après la formation. »

Personnes déficientes

Faire travailler des personnes déficientes dans la logistique constitue également un défi. Un travailleur handicapé physique, par exemple, ne pourra pas effectuer certaines tâches. Mais avec un accompagnement spécifique, ce n’est pas insurmontable. « Un candidat sourd a réussi à devenir cariste malgré les problèmes de sécurité initiaux », explique K. Van Schaeybroeck. Le VDAB aide également les personnes éloignées du marché du travail en raison de problèmes mentaux. « Ils peuvent aussi travailler dans la logistique, par exemple via les ateliers protégés. Ceux-ci sont très souvent sollicités par des prestataires logistiques. »

Gamification in Logistics

Les entreprises logistiques ont découvert cette réserve de main-d’œuvre et souhaitent recruter davantage de ‘personnes éloignées du marché du travail’, selon une terminologie de plus en plus utilisée. Mais il reste beaucoup de défis à relever en matière de formation et d’intégration sur le lieu de travail.

C’est pourquoi le VIL vient de lancer le projet ‘Gamification in Logistics’, dans lequel des techniques de jeu sont utilisées dans un contexte professionnel pour intégrer mieux et plus rapidement ces collaborateurs. « Nous souhaitons développer une plate-forme de ‘serious gaming’ qui permet aux entreprises d’attirer plus facilement et d’intégrer plus efficacement, de manière ludique, des allophones, des migrants récents et des personnes peu qualifiées », déclare Dirk Jocquet, chef de projet VIL.

Un ‘serious game’ est un jeu dont le divertissement n’est pas l’objectif primaire. Il peut servir à diverses fins : communication, recrutement ou sélection, enseignement ou formation et acquisition de connaissances. La force des ‘serious games’ réside en grande partie dans le facteur plaisir. Ils contiennent des défis et des récompenses qui poussent le joueur à continuer à jouer et à s’imprégner de la matière.

« Notre concept repose sur une plate-forme numérique et technologiquement neutre qui fonctionne via des écrans tactiles, des tablettes ou même des smartphones. Le projet vise à développer au moins deux jeux modulaires qui permettent aux entreprises de mettre en place leurs propres formations ou communications », ajoute D. Jocquet.

La plate-forme et les jeux ne sont pas seulement destinés à attirer et intégrer des personnes issues de groupes défavorisés (onboarding), mais aussi à poursuivre leur formation ultérieurement sur le lieu de travail ou à assurer une formation continue. « Nous vérifierons aussi si la plate-forme peut être utilisée pour faciliter la communication interne, par exemple en l’utilisant comme une sorte de média social. La formation en langues fait également partie des options », précise D. Jocquet.

Le besoin est énorme

Le lancement de ce projet – et l’intérêt qu’il suscite auprès des entreprises – est un signe : les besoins en personnel dans le secteur logistique sont si importants que les entreprises sont désormais ouvertes à l’embauche de personnes issues de ces groupes défavorisés. Jusqu’il y a peu, cela les effrayait.

« En effet, on constate que les entreprises revoient aujourd’hui leurs exigences et se montrent disposées à engager des personnes plus âgées, des allophones, des personnes déficientes ou d’une autre origine ethnique. Même la connaissance du néerlandais n’est plus forcément une exigence. Dans certains cas, l’anglais est même devenu la langue véhiculaire pour certaines activités », explique Aldo Martin, consultant au Fonds social Transport et Logistique.

L’inclusivité, le plus grand défi

Cependant, le fait que les entreprises soient – parfois par nécessité – ouvertes aux groupes défavorisés crée de nouveaux défis, notamment dans le domaine des ressources humaines. A. Martin : « Attirer des personnes issues de ces groupes suppose en effet une politique RH inclusive. Le service RH doit non seulement assurer la formation, mais aussi et surtout se concentrer sur l’accueil et éviter les conflits culturels. Attirer des femmes, des personnes aux profils ethniques et religieux différents ou des personnes en situation de handicap qui partagent le lieu de travail crée un cocktail de nouveaux besoins en matière de management RH », déclare-t-il.

Ainsi, les collaborateurs existants doivent, par exemple, accepter que les personnes déficientes travaillent moins vite qu’eux, mais les nouveaux arrivants doivent aussi accepter certaines habitudes. Par exemple, faire comprendre à un musulman de Somalie qu’il est normal qu’une femme puisse être son supérieur.

« La langue n’est donc pas le seul problème. Une formation peut arranger cela. Mais les différences culturelles représentent un défi plus important et fondamentalement nouveau pour la direction », déclare A. Martin.

Dirk Jocquet confirme. « C’est pourquoi le développement de la plate-forme de gamification se fait en collaboration avec le département Inclusion de l’UCLL Hogeschool à Hasselt. Ses experts participeront à l’enquête auprès des entreprises participantes afin de mieux comprendre leurs besoins en matière d’inclusion. »

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