La saga du ‘Vrachtroutenetwerk’ flamand : un beau principe, mais une mise en route laborieuse

L’idée d’un réseau routier de fret en Flandre n’est pas neuve. Mise au placard (politique) pendant des années, elle fait aujourd’hui son grand retour. Le but n’a pas changé : canaliser le trafic de fret sur les grands axes, au bénéfice de la mobilité, de l’environnement, de la qualité de vie et de la sécurité. Les discussions vont bon train actuellement au niveau régional. Pour le secteur des transports, le plan verra le jour mais il émet quelques réserves pertinentes au niveau de sa mise en œuvre.

Les transports s’intensifient, avec pour conséquence l’apparition de poids lourds sur des routes ou dans des centres qui s’accommodent mal de leur présence. Il y a un peu moins de quinze ans, le gouvernement flamand a décidé de prendre le taureau par les cornes en lançant le projet ‘Vrachtroutenetwerk’. Mais entre le rêve et l’action il y a une marge.
Dans une première phase, le bureau d’études Mint a été chargé de réaliser une étude. Mission dont il s’est acquitté, menant à une première proposition de réseau cartographié en 2010. Mais le dossier a ensuite été classé sans suite. Aujourd’hui, les choses ont changé et son élaboration a repris de plus belle.

Nouvelle catégorisation routière

L’idée d’un réseau routier de fret fait partie du même plan que celui qui a procédé à la création de 15 ‘régions de transport’ en Flandre. « Aujourd’hui, une nouvelle catégorisation des routes succède à celle du Plan d’Aménagement Structurel, et elle fait resurgir le besoin d’un réseau routier de fret », explique Kato Wouters, Chargée de mission au Département Mobilité & Travaux Publics. « Les travaux liés aux plans régionaux de mobilité portent sur la multimodalité mais aussi sur le transport de marchandises. » Pour éviter tout malentendu : le Vrachtroutenetwerk ne concerne que le transport routier lourd. D’autres plans régionaux de mobilité sont élaborés en parallèle pour les voitures, les bus ou les vélos.
A quoi ressemble exactement ce réseau ? La nouvelle catégorisation routière en constitue le socle et s’articule autour d’une structure en forme de grille. Aller d’un point A à un point B peut se faire de différentes façons, pour autant que le maillage du réseau soit respecté et qu’on n’en sorte pas. S’en éloigner n’est autorisé que pour le trafic lié au point de départ ou à la destination finale, pas pour le transit.
Le Vrachtroutenetwerk se greffe exactement sur cette structure. Les routes principales relient de grandes zones industrielles et d’importants pôles économiques, puis se ramifient pour rejoindre de petits parcs industriels locaux. Le Vrachtroutenetwerk est en outre prioritaire. Cela signifie que les routes sont sélectionnées lorsqu’elles sont appropriées ou indiquées pour le transport de marchandises. Ce réseau est en voie de cartographie.

Implication des parties prenantes

Think global, act local. Du côté du département Mobilité & Travaux Publics, on se dit pleinement conscient des conséquences (locales) des décisions à prendre. « Développer un réseau routier de fret de qualité n’est possible qu’en ayant une bonne compréhension de la réalité locale », déclare Kato Wouters.
La Flandre a été divisée en 15 régions de transport. Seul le Limbourg voit la démarcation coïncider avec ses frontières provinciales. C’est à ce niveau que s’établit un dialogue entre toutes les parties prenantes. Qui va réellement s’asseoir autour de la table ? Les autorités locales, évidemment, mais De Lijn, le département MOW, l’Agentschap Wegen en Verkeer (l’Agence flamande en charge des routes et de la circulation) et d’autres autorités sont également impliqués. Sans oublier toutes sortes d’acteurs sociaux, notamment dans le processus de participation. Cette concertation a aussi pour but d’éviter les décisions unilatérales au niveau local, inspirées par le syndrome Nimby, qui n’offrent pas de solution, mais déplacent simplement le problème. Ce sain équilibre constitue une préoccupation constante.

Plan obsolète

Le département MOW qualifie de précieux l’exercice mené par Mint il y a près de quinze ans aboutissant à une première proposition de réseau. En d’autres termes, il peut servir de base à un développement tenant compte de la situation actuelle. Mais Transport & Logistiek Vlaanderen (TLV) émet de sérieuses réserves. « La situation a changé ces dernières années », déclare son expert Frédéric Keymeulen. « Pour un réseau efficace, il faut s’appuyer sur une situation réactualisée, non ? On pointe également un ‘vice de construction’ qui existait déjà à l’époque. L’étude de Mint prend en compte des parcs d’activités d’au moins 50 hectares. N’est-il pas pertinent – nécessaire ? – d’impliquer également des entités plus petites ? Et quid des entreprises avec une activité agricole ? En soi, elles sont sous cette superficie limite, mais en raison de la nature de l’activité, elles génèrent parfois un trafic important. »

Les émissions, une nouvelle donnée

Conséquence directe de la mise en place d’un tel Vrachtroutenetwerk : il faudra peut-être effectuer plus de kilomètres pour atteindre sa destination. C’est un avertissement que le secteur a formulé dès le premier jour. « Nous en sommes conscients », admet Kato Wouters. « Notre intention est d’orienter le trafic de marchandises en tenant compte de la qualité de vie, de l’environnement et de la sécurité. Mais bien sûr, nous sommes conscients qu’en même temps, nous devons rechercher l’efficacité pour atteindre une destination. »
TLV n’est pas convaincu et estime qu’un facteur ‘acceptable’ de 1,3 voire 1,4 serait pris en compte. En d’autres termes : les itinéraires obligatoires entraîneront une augmentation de la distance allant jusqu’à 30 %. « Cela aura une répercussion importante sur les coûts », souligne Frédéric Keymeulen. Mais ce n’est pas tout. « Le facteur environnemental est devenu de plus en plus important ces dernières années. Or, l’étude de référence de 2010 n’a nullement pris en compte les émissions supplémentaires causées par le détournement du trafic. Davantage de kilomètres signifie automatiquement des émissions supplémentaires : NoX, particules fines ou CO2. Et cela crée une situation paradoxale au vu des restrictions imposées par le gouvernement à cet égard. Un Vrachtroutenetwerk’ avec plus de kilomètres est en contradiction permanente avec l’ajustement à l’objectif 55, qui prescrit une réduction de moitié des émissions. »

Décision finale

Les discussions, cartographies et évaluations vont donc bon train. Mais quel est le timing et quid de la prise de décision ultérieure ? La balle est dans le camp des régions de transport et elles ont jusqu’à la fin de cette année pour finaliser leurs plans régionaux de mobilité. Ce qui permet de supposer qu’il faudra un peu plus de temps avant que le Vrachtroutenetwerk ne soit une réalité. Le projet est cependant bien sur les rails, contrairement à 2010 lorsque le dossier a complètement disparu du radar politique. La décision finale revient à la ministre déléguée à la Mobilité et aux Travaux publics, Lydia Peeters (Open VLD) du gouvernement Jambon. À suivre…

Frederic Keymeulen (TLV) : « Ne transformons pas le camion en épouvantail »

« Il est très important que cet exercice se fasse en toute sérénité », souligne Frederic Keymeulen, expert de Transport & Logistiek Vlaanderen (TLV). « Nous avons des points de désaccord importants concernant l’élaboration, mais nous veillons à les formuler de manière professionnelle, sans nous laisser emporter par nos émotions. Car c’est précisément là le risque. Pour certains, le camion est la cause de tous les maux. Mes cheveux se sont dressés sur ma tête quand j’ai entendu il y a quelque temps des bourgmestres déclarer qu’ils ne voulaient plus voir de camions dans leur commune. Ni en transit, ni même parqués, alors qu’il y a déjà un manque criant de places de parking aujourd’hui. Menons le dialogue entre notre secteur et les autorités de la manière la plus constructive possible, sans insinuations ni populisme. »

Kato Wouters (département MOW) : « Responsabilisons les chauffeurs »

« Le but d’un réseau routier de fret n’est pas seulement d’imposer quelque chose aux chauffeurs routiers », déclare Kato Wouters, chargée de mission au département Mobilité & Travaux publics. « Nous voulons les responsabiliser dans le cadre d’une démarche visant à améliorer la sécurité routière, la qualité de vie et la fluidité du trafic. Il est important de souligner que le réseau est créé par des professionnels de la mobilité ayant une connaissance approfondie de leur propre région. »

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