Les rêveurs des débuts ont fait place à des entreprises structurées, qui se sont regroupées en une association professionnelle (BCLF) : la logistique à vélo dans les villes est devenue une alternative crédible à la livraison par camionnette. Urbike, un des leaders de ce nouveau segment, a publié une étude sur la composante B2B de la livraison sur le dernier kilomètre.
Pourquoi s’être limité au B2B ? « Il existe déjà plusieurs études récentes sur la logistique du marché B2C, tandis que la logistique du marché B2B a été relativement peu étudiée. Or, il nous apparaît par expérience que les entreprises livrant à destination des particuliers sont davantage focalisées sur le coût, la rapidité et la commodité. Tandis que sur le marché B2B, les entreprises sont généralement prêtes à investir plus pour obtenir des prestations logistiques à la hauteur de leurs besoins », explique Philippe Lovens, co-fondateur et CEO d’Urbike.
La qualité prime
Premier constat : sur les 78 entreprises interrogées (principalement des commerçants et détaillants mais aussi quelques entreprises industrielles et des transporteurs), la tendance est plutôt à l’internalisation des livraisons sur le dernier kilomètre. Le colis est l’unité de transport la plus courante mais plus de la moitié des répondants livrent aussi des palettes et/ou utilisent des bacs rigides.
Deuxième constat : la priorité absolue des entreprises va à la qualité du service, qui n’est pas considérée comme une variable d’ajustement pour diminuer les coûts. Cette qualité de service se traduit en termes de prédictibilité des livraisons, de respect de ces heures et de transparence dans l’accès à l’information.
Or, cette qualité est mise en péril par plusieurs facteurs inhérents à chaque grande ville : congestion routière, accessibilité réduite pour certains types de véhicules, stationnement et (dé)chargement difficiles… Autant de difficultés qui génèrent des retards et rendent les livraisons moins prévisibles mais suscitent aussi un stress pour les livreurs… et un risque d’amendes plus élevé.
Quant à l’impact environnemental, il arrive en troisième position des priorités mais il est beaucoup plus présent dans les entreprises qui externalisent leurs livraisons du dernier kilomètre que dans celles qui les effectuent elles-mêmes.
Plus rapide, moins impactant
Face à ces constats, la cyclo-logistique commence à présenter des arguments factuels de poids : à Bruxelles, par exemple, le temps de service (qui inclut le stationnement et la livraison en elle-même) baisse de 252 % quand on passe d’une livraison en camionnette à une livraison en vélo et le temps de livraison par colis baisse de 51 %. La vitesse moyenne d’un vélo-cargo est aussi 45 % supérieure (16 km/h contre 11,3 km/h), tandis que la longueur des trajets est également réduite de 30 %.
On le voit, même sans prendre en compte les aspects environnementaux (et notamment le CO2), la cyclo-logistique a de sérieux arguments à faire valoir. Pourtant, pour faire progresser ses parts de marché, il faudra multiplier les innovations afin de mitiger les contraintes inhérentes au vélo. On pense notamment aux micro-hubs qui permettent de conserver un rayon d’action où l’efficacité (et donc la rentabilité) peut être garantie (soit de 3 à 5 kilomètres autour d’un hub) ou à des outils de planification d’itinéraires plus efficaces et utilisant l’intelligence artificielle. Quant au matériel utilisé, il a déjà permis d’augmenter les charges et les volumes utiles de manière significative par rapport à il y a dix ans : transporter 200 kg ou 2,5 mètres cubes est aujourd’hui tout à fait possible.
Le reste est l’affaire des villes (qui peuvent instaurer des zones à faibles ou à zéro émissions) mais surtout des entreprises de cyclo-logistique elles-mêmes qui doivent se professionnaliser toujours davantage pour accepter, par exemple, les flux de retour et proposer des services de plus en plus personnalisés.
Le potentiel de croissance de la cyclo-logistique est encore très important en Belgique.
Chiffres-clés
- Volume total du marché du colis en Belgique : 381 millions (2023)
- 3,1 millions de colis livrés à vélo en 2023 (20 % par des ‘pure players’ comme De Fietskoerier, Cargovelo ou Urbike, le reste par des sociétés comme DHL, KGS ou Ziegler)
- La part des colis dans le chiffre d’affaires du secteur postal est passée de 20 à 68 % en 13 ans.
- Les retours représentent environ 8 % du volume total transporté en B2B.
- La BCLF compte 16 membres, dont 12 actifs exclusivement dans la cyclo-logistique.
Source : IBPT et Belgian Cycle Logistics Federation (BCLF)
Coolblue, un exemple à suivre ?
Les entreprises d’e-commerce ont évidemment un rôle à jouer dans l’éducation du client, qu’il soit B2B ou B2C. Urbike cite en exemple Coolblue qui a lancé son service CoolblueFietst en 2018 et qui livre autant que possible à vélo dans 22 villes en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Coolblue ne propose cependant pas la livraison à vélo de manière explicite. C’est tout simplement la solution par défaut en fonction de l’adresse du client, de la taille du colis, voire du choix du jour de livraison. « Il s’agit donc bien d’un paramètre du modèle logistique, utilisé pour maximiser la performance globale du service, et pas d’un seul argument marketing pour témoigner aux clients les actions de Coolblue en matière de durabilité », explique Philippe Lovens.
Dans 22 villes, Coolblue considère la livraison à vélo comme une solution par défaut.