La construction d’entrepôts a fortement évolué au cours de la dernière décennie : les entrepôts s’élèvent et bénéficient d’un aménagement modulaire et durable, avec des panneaux solaires et des technologies écoénergétiques. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir, comme le révèle le podcast enregistré dans le bâtiment de Kris De Leeneer.
Logistics Management : Quelles sont les différences entre un entrepôt d’aujourd’hui et celui d’il y a 10 ans ?
Liselore Myncke (responsable des ventes entrepôts logistiques Willy Naessens) : L’évolution a été énorme en dix ans. Tout d’abord, au niveau de la hauteur. Lorsque j’ai commencé chez Willy Naessens, nous parlions de 10,5 m. Quelques années plus tard, nous sommes passés à 12,2 m, et aujourd’hui, la hauteur standard est de 13,7 m. Ces deux dernières années, les ‘high bays’ ont aussi gagné du terrain, avec une hauteur libre de 25 à 30 m. Cette tendance va se poursuivre.
Kris De Leeneer (CEO Kris De Leeneer) : En matière de construction, limiter la surface au sol constitue la mesure la plus durable que l’on puisse prendre. Ici, à Lokeren, nous avons acheté 4 hectares : avec un entrepôt de 13 m de haut, cela n’aurait jamais été rentable. Nous avons alors étudié l’automatisation. Un entrepôt automatisé a prouvé son efficacité mais nous voulions une approche logistique différente. C’est notre credo. Nous avons opté pour les navettes Movu, ce qui implique de travailler en hauteur. Nous avons donc construit ici un entrepôt automatisé de 28 m de haut. Il y a encore quelques années, c’était techniquement impossible.
Davy Bielen (CCO EGS Group) : Dans les bâtiments industriels où nous installons des panneaux solaires, nous devons souvent commencer par adapter la stabilité, même pour des bâtiments construits en 2015. A l’époque, on ne tenait pas compte d’un poids supplémentaire de 20 à 25 kg par m² pour les panneaux solaires. Nous devons aussi anticiper d’éventuelles conditions météorologiques futures extrêmes, comme de fortes pluies et la neige.
LM : Construire en hauteur coûte-t-il plus cher ?
K. De Leeneer : Non, si l’on considère le nombre d’emplacements de palettes. C’est même moins cher qu’un entrepôt traditionnel si l’on tient compte de tous les facteurs : la superficie, la construction elle-même, etc. Sur 12.000 m², nous avons désormais 46.000 emplacements de palettes, ce qui est inédit. Certes, le coût initial du bâtiment est plus élevé, mais le prix par palette est inférieur. Attention, ceci ne convient pas à tous les types de produits. Et l’automatisation n’est pas la panacée. Les entrepôts traditionnels restent nécessaires. Certains grands conditionnements ne peuvent pas être stockés dans un entrepôt automatisé.
Construire pour vos arrière-petits-enfants
LM : Au-delà du facteur économique, la durabilité joue-t-elle aussi un rôle ?
K. De Leeneer : Oui. Pour citer Willy Naessens : « Je ne construis pas pour mon client, mais pour ses arrière-petits-enfants. » Ce bâtiment restera debout pendant des décennies.
L. Myncke : Même les entrepôts traditionnels doivent être conçus de manière flexible, en gardant à l’esprit leur ‘seconde vie’. Nos clients sont attachés à la construction modulaire, non seulement au niveau de la structure, mais aussi des techniques et matériaux afin qu’un nouvel utilisateur puisse aisément adapter le bâtiment à ses besoins et exigences pendant 20 ans.
LM : Des normes comme BREEAM ont-elles accéléré cette évolution ?
L. Myncke : BREEAM est un label qui caractérise un bâtiment : de ‘Very Good’ à ‘Outstanding’. L’évaluation fonctionne avec des ‘crédits’ : conception du bâtiment, exécution des travaux, gestion des déchets de chantier, utilisation de bois certifié FSC, etc. Plus on obtient de crédits, meilleur est le label. Il est aussi possible de gagner des crédits supplémentaires grâce à l’analyse du cycle de vie des produits. Par exemple, quelle est l’empreinte CO2 d’un type de béton, de l’extraction à l’assemblage. Plus l’empreinte carbone d’un bâtiment est faible, meilleure est la note. Un entrepôt construit aujourd’hui peut aisément obtenir un label BREEAM Very Good sans efforts particuliers. Une consommation énergétique réduite et l’installation de panneaux solaires jouent aussi un rôle…
D. Bielen : Nous sommes parfois impliqués dès la conception des bâtiments. BREEAM revient alors systématiquement sur le tapis. Nous émettons des avis en tenant compte du futur, en étudiant la disponibilité de l’énergie solaire et éolienne, la gestion de l’eau, etc. A défaut, cela peut entraîner des investissements très lourds par la suite.
LM : De nombreux entrepôts produisent de l’électricité grâce aux panneaux solaires. Quel est le degré d’autonomie d’une telle installation par rapport à un entrepôt conventionnel de référence ?
D. Bielen : Notre standard est supérieur à 35 %. Cela dépend en partie du type de logistique mais en général, cela varie entre 35 et 70 % de consommation propre. Avec un stockage sur batteries optimisé, on peut parfois atteindre 90 à 94 % d’autonomie. Parfois, le toit de certaines sociétés est trop petit pour leur consommation. Une entreprise qui possède 10 camions électriques nécessitant une charge à 840 kW (en 45 min) aura des besoins énergétiques considérables, tant au niveau du bâtiment que du terrain industriel. La cabine haute tension nécessite alors un renforcement.
K. De Leeneer : L’évolution est incroyable ! Lorsque nous avons lancé notre projet il y a cinq ans, l’idée était de couvrir totalement le toit de panneaux solaires car l’injection sur le réseau rapporte. Mais une fois l’installation opérationnelle, nous avons constaté que nous devions parfois payer pour notre injection. Grâce à notre compteur intelligent, nous surveillons désormais si nous devons payer ou non pour injecter notre électricité sur le réseau, et nous ajustons notre production en conséquence. Il y a cinq ans, il n’était pas question de stockage par batteries. Nous n’avons pas prévu cette possibilité, et cela représente encore un défi.
22.000 nouvelles cabines en 2032
LM : Le principal défi aujourd’hui n’est-il pas de renforcer les connexions au réseau de distribution électrique ?
K. De Leeneer : Avec l’essor des véhicules électriques, cela risque en effet de devenir un goulot d’étranglement. Aux Pays-Bas, c’est déjà le cas.
D. Bielen : Fluvius prévoit d’investir 4 milliards € supplémentaires d’ici 2032 pour améliorer les réseaux électriques. Rien qu’en Flandre, + 22.000 cabines doivent être installées et 36.000 km de câbles remplacés. C’est une tâche gigantesque.
LM : La durabilité concerne la technologie, mais aussi la construction elle-même…
L. Myncke : Exact. La flexibilité est essentielle pour adapter un bâtiment en cas de réutilisation, mais la construction modulaire l’est tout autant. Cela permet de transformer, démonter et reconstruire un bâtiment après 20 ans. C’est l’objectif de notre concept The Circle, qui mise sur l’innovation et l’économie circulaire pour réduire les émissions de CO₂ et réutiliser des éléments. Une structure en béton dure 60 ans et peut parfaitement être réutilisée après 20 ou 30 ans. Par contre, un entrepôt construit il y a 20 ans avec une hauteur libre de 10 m ne peut pas être démonté et agrandi de 2 m. Plus on construit en hauteur, plus on optimise l’espace, et donc mieux c’est. Toutefois, nous continuons surtout à bâtir des entrepôts traditionnels mais avec notre approche, nous pourrons aussi leur donner une seconde vie dans dix ans. Et durabiliser un bâtiment ne signifie pas forcément qu’il sera plus cher. La modularité permet d’optimiser la production et maintenir l’investissement au même niveau que pour un entrepôt classique.
LM : Quelle est la durée de vie et de rentabilité des panneaux solaires ?
D. Bielen : Le fabricant les garantit généralement entre 12 et 15 ans. Mais il est essentiel de réaliser des tests approfondis avant de les poser sur un toit. Les deux premières années, les panneaux solaires ne subissent aucune dégression, à partir de la 3e année, la dégression est de 0,4 %. La plupart des panneaux photovoltaïques ont un rendement de 87 % après 25 ans.
LM : Pour conclure, quel conseil donneriez-vous à ceux qui souhaitent construire un entrepôt aujourd’hui ?
K. De Leeneer : Investissez dans la flexibilité ! Dans 5 ans, votre client pourrait avoir des besoins totalement différents. Votre bâtiment doit pouvoir s’adapter rapidement !
L. Myncke : Pensez à l’avenir, à la ‘seconde vie’ du bâtiment ! Privilégiez la hauteur et construisez pour les 2eet 3e générations.
D. Bielen : Optez pour la durabilité en pensant à l’avenir ! Pensez aux toitures anti-tempêtes, à la récupération de l’eau… Si vous avez un grand parking, installez un auvent : cela limite la surchauffe des poids lourds stationnés tout en offrant des opportunités supplémentaires pour la production d’énergie.
Ce podcast a été enregistré à La Vue, le lieu événementiel B2B exclusif situé au dernier étage du bâtiment de l’entreprise « Kris De Leeneer (KDL) | logistiek, anders » à Lokeren.
Plus d’infos : https://deleeneer.be/lavue/