Baisse de l’activité, concurrence exacerbée… l’année 2023 a marqué la fin d’une période de reprise économique pour les transporteurs belges. L’analyse de leurs bilans financiers montre que les grandes entreprises ont néanmoins tiré leur épingle du jeu.
En 2023, les causes principales de la hausse du prix de revient ont été l’indexation automatique des salaires (+ 13,9 % pour le poste ‘personnel roulant’), les coûts de financement (+ 22,88 %), les coûts spécifiques comme la redevance kilométrique (+ 15,91 %) et l’amortissement des véhicules (+ 7,91 %).
Les volumes de transport ont baissé en 2023, surtout en transport international. Le recul de l’industrie allemande, notamment, a pesé sur l’activité des transporteurs belges. Les chiffres communiqués par Viapass sur le nombre de kilomètres parcourus par les poids lourds sur le réseau taxable en Belgique ont d’ailleurs montré une baisse de l’activité à partir du mois de janvier 2023.
Valeur ajoutée
Le chiffre d’affaires des transporteurs belges n’a n’évolué que très légèrement. Or, une partie du chiffre d’affaires provient de la répercussion de la redevance kilométrique et des clauses diesel. Le prix du diesel ayant baissé en 2023, l’impact sur le chiffre d’affaires aura donc été négatif. Par contre, les tarifs de la redevance kilométrique ayant été indexés, cela a eu un impact direct sur le chiffre d’affaires.
Le fait que le chiffre d’affaire ait reculé dans les petites entreprises est probablement dû au fait que le recours à la sous-traitance a été moins intensif. L’indice de sous-traitance calculé par l’ITLB était d’ailleurs en baisse de 6,4 % en 2023 par rapport à 2022.
Par contre, la création de valeur ajoutée a été supérieure à l’inflation en 2023, ce qui n’était pas le cas en 2022. C’est surtout vérifié dans les grandes entreprises, alors que la création de valeur ajoutée a été négative dans les petites entreprises, ce qui se produit deux années sur trois depuis 20 ans.
Selon l’ONSS, on note une très légère progression du nombre de postes de travail (+ 0,06 %) par rapport à 2022 du côté des employés et une très légère baisse du côté des ouvriers (-0,08 %). Par contre, le nombre de personnes employées recule chez les ouvriers (-0,9 %) alors qu’il augmente chez les employés (+ 6 %), d’après l’enquête de conjoncture de l’ITLB. Il y aura donc eu davantage d’emplois à temps partiel du côté des employés. La baisse du nombre d’employés s’est accentuée en 2024.
La productivité par personne employée (Valeur Ajoutée / ETP) a progressé de 5,75 % en moyenne en 2023 (soit davantage que l’inflation) mais les résultats varient en fonction de la taille des entreprises : + 5,90 % dans les grandes entreprises, + 8,89 % dans les petites mais seulement +0,99 % dans les entreprises moyennes.
Rentabilité
Puisque très peu d’entreprises publient leur chiffre d’affaires, le ratio de rentabilité n’est pas représentatif de l’ensemble du secteur et reflète surtout la situation des grandes entreprises. Pour l’année 2023, il s’établit à 2,75 % (-0,29 %).
Par contre, le pourcentage d’entreprises qui ont dégagé un bénéfice peut être calculé sur l’ensemble de l’échantillon. En 2023, il est de 75 % (+ 0,1 % par rapport à 2022 mais inférieur de 2,9 % par rapport à 2021). Il est dans la moyenne des 10 dernières années
Cash-Flow
Les petites et moyennes entreprises ont moins bien géré leurs liquidités que les grandes. Mais globalement, le cash-flow a peu progressé (et à même baissé si l’on tient compte de l’inflation). C’est assez symptomatique des années où les délais de paiement augmentent. En 2023, l’ITLB signalait aussi des difficultés de trésorerie en hausse (12,3 % des sondés, contre 8,8 % un an plus tôt).
EBITDA
L’indexation automatique des salaires a eu un effet dévastateur sur l’EBITDA, faisant augmenter de manière disproportionnelle les charges d’exploitation. La progression moyenne de l’EBITDA est faible, tout juste au niveau de l’inflation sauf en Wallonie où la progression est beaucoup plus forte. Globalement, l’EBITDA progresse plus vite à mesure que la taille de l’entreprise augmente.
Fonds propres
En 2023, sur les 717 millions d’euros de bénéfice total, les transporteurs belges en ont réinjecté 441 dans les fonds propres. La progression des fonds propres est d’ailleurs la plus forte que l’on ait enregistrée depuis les années 2005/2007. Globalement, les fonds propres progressent plus vite à mesure que la taille de l’entreprise augmente.
L’avis de Lawrence Vanhove (ING)
« Cette analyse confirme ce que nous avons observé ces dernières années. Après le boom lié au Covid (notamment le commerce électronique) en 2021-2022, nous avons assisté en 2023 à une année de correction marquée par une baisse des volumes de transport routier. Ce sont les petites entreprises, qui travaillent souvent en sous-traitance et se font principalement concurrence sur les prix, qui ont connu les plus grandes difficultés. En revanche, les acteurs de taille moyenne et les grands acteurs ont réussi à préserver leurs marges, voire à renforcer leur position, grâce à de meilleurs accords contractuels et à des collaborations à long terme. Si cette tendance se poursuit, la vague de consolidation attendue se poursuivra.