Après deux éditions à Louvain, la Zero Emission Xperience avait installé ses pénates chez cargo Lifting à Villers-le-Bouillet. Un lieu qui ne devait rien au hasard (voir par ailleurs dans les pages Van Management) mais qui a permis de jeter une lumière un peu crue sur les obstacles qui se dressent toujours devant les transporteurs wallons qui veulent électrifier leurs activités.
Si les ventes de camions électriques progressent en Belgique, ce n’est certainement pas le cas dans le sud du pays. En fait, le compteur est toujours bloqué sur zéro. Les deux seuls transporteurs wallons à avoir acheté un camion électrique (Van Mieghem et Weerts Supply Chain) l’ont fait via une filiale en Flandre. Ce n’est pas que la volonté manque mais la région n’a pour l’instant posé aucun geste pour encourager l’acquisition de camions électriques.
La Région est de bonne volonté mais…
François Desquesnes, le nouveau Ministre chargé de la Mobilité, que nous avions interviewé quelques jours avant la Zero Emission Xperience, n’a éludé aucune de nos questions mais il a été très clair : même si la question ne dépend pas directement de lui mais bien de son collègue chargé de l’Economie Pierre-Yves Jeholet, il n’y a pas d’argent pour une prime à l’achat.
On pourrait alors imaginer de moduler les tarifs de la redevance kilométrique en fonction des émissions de CO2 et faire comme la Flandre qui accorde un tarif préférentiel aux camions électriques mais c’est le principe même de le redevance qui pose problème. « En Flandre et à Bruxelles, c’est une taxe mais en Wallonie c’est une redevance d’usage de la voie publique qui est liée à la durée et nous ne pouvons donc pas l’abaisser à zéro », indique le Ministre.
François Desquesnes a factuellement raison mais la nouvelle directive Eurovignette va obliger les états membres (et indirectement les régions belges) à introduire une composante CO2 dans leurs tarifs de péage. La Belgique a obtenu un répit jusqu’en 2028 mais la Wallonie devra donc trouver la parade d’ici là. En attendant, le tarif Viapass des camions électriques restera aligné sur celui des Euro 6.
François Desquesnes est cependant beaucoup plus ouvert au secteur du transport que ne l’était son prédécesseur. Il axe pour l’instant sa politique sur l’offre de chargeurs publics. Actuellement, la Sofico (qui doit pour la Wallonie prendre sa part dans l’installation de chargeurs rapides le long des grands axes) éprouve des difficultés à identifier des lieux où suffisamment d’électricité sera disponible. « Il y a un enjeu avec les aires autoroutières, notamment en Ardenne, qui sont relativement éloignées des grands réseaux de transport d’électricité. Cela coûte donc plus cher d’amener l’électricité jusqu’à ces aires. En plus, dans un certain nombre de cas, la puissance fournie par Elia et par les gestionnaires des réseaux de distribution est insuffisante pour fournir un service à 100 % pendant 100 % du temps. Nous travaillons donc à des solutions plus flexibles qui fourniraient par exemple un service à 80 ou 90 % pendant 80 ou 90 % du temps. Cela devrait permettre de déployer plus rapidement des bornes de recharge le long de nos autoroutes. »
Des transporteurs un peu désabusés
Ce discours n’a guère surpris Luc Beyers, un transporteur liégeois qui est convaincu par le potentiel technologique des camions électriques pour son métier mais qui craint de ne pas pouvoir en acquérir rapidement, au risque de subir une concurrence déséquilibrée de ses concullègues flamands : « Ils ont des aide que nous n’avons pas donc pour nous ça devient compliqué de nous positionner chez les clients. J’entends bien qu’il y aura des bornes le long des autoroutes mais à quel tarif devrons-nous payer l’électricité ? Par contre, si nous pouvons recharger sur site ou chez le client avec un bon accord, alors là oui, ce sera faisable. » Luc Beyers a également souligné la question du poids supplémentaire des camions électriques et du fait qu’il faudrait leur accorder un supplément de MMA (Masse Maximale Admissible) pour conserver à peu près la même charge utile, un point qui n’avait pas été abordé par le Ministre. En bref, Luc Beyers (comme d’autres transporteurs présents dans la salle) a l’impression qu’il va devoir se battre à armes inégales.
La technique a bien progressé
Et c’est bien dommage car, du côté des flottes qui utilisent déjà des camions électriques, les retours d’expérience sont franchement positifs. Pascal Libens (Coca-Cola) l’a abondamment illustré lors de son interview : « Nous avons aujourd’hui 24 camions électriques dans trois dépôts. Pas en Wallonie parce que ce sont des bâtiments que nous louons alors qu’en Flandre nous en sommes propriétaires. Nous avons commencé avec une première génération qui nous permettait 150 km d’autonomie mais la deuxième génération nous permet de doubler ce chiffre. Les craintes des chauffeurs sur l’autonomie ont complètement disparu et nous réduisons de plus en plus la marge de sécurité pour approcher au plus près de l’autonomie WLTP. »
De fait, si on aborde la question sous l’angle purement technique, l’autonomie n’est aujourd’hui plus le sujet de préoccupation principal : c’est le temps de recharge qui détermine la manière dont un camion électrique pourra ou pas être utilisé. Voilà la prochaine haie à franchir, que l’on soit Wallon ou Flamand…











