La récolte de betteraves 2014 bat son plein. Pour la première fois, elle s’accompagne de mesures plus strictes envers les tracteurs agricoles. Sur le terrain, les transporteurs subissent-ils moins leur concurrence ? Pour certains la réponse est oui, pour d’autres non. Mais un point fait quasi l’unanimité: les contrôles ne sont pas assez nombreux. Nous sommes au beau milieu d’un champ de St-Georges-sur-Meuse. Devant nos yeux, une série de camions se suivent à un rythme soutenu. Toutes les 5 minutes environ, une benne quitte le champ chargée de betteraves. Les transporteurs travaillent dur car, ils le savent, dans le domaine des betteraves, la concurrence des tracteurs agricoles est rude. Mais est-elle toujours aussi féroce depuis les nouvelles réglementations (tableau) ? « Rien n’a changé » Pour certains transporteurs, la réponse est sans équivoque : « Rien n’a changé », soutient Jacques Petitjean de Petitjean & Fils (Andenne). « Les tracteurs agricoles transportent de tout, tout le temps : des betteraves, des terres de terrassement… De plus, les fermiers s’entraident, ils font du transport pour compte de tiers, en bénéficiant de tous les avantages de la plaque rouge. De surcroît, ils ne craignent pas la surcharge. Je n’ai jamais assisté à un seul contrôle de tracteur agricole. » Déclarations confirmées par plusieurs chauffeurs sur place et même par Maurice Piraprez, agriculteur depuis 50 ans. S’il respecte le travail des transporteurs, « ce n’est pas le cas de tous ses collègues ». Même constat aux Transports Eddy Dutois-Boden (Crisnée) : « La concurrence des tracteurs agricoles ? C’est un scandale », lance Christof Dutois. « La nouvelle réglementation n’y change rien. Elle n’est pas du tout respectée. Tous les tracteurs arborent désormais une plaque rouge et, grâce à cela, ils gardent tous leurs avantages. Ils font du transport de betteraves, de chicorée mais aussi de terres de terrassement. Tout cela, en cassant les prix et sans subir de contrôles. Ils disent qu’ils transportent que leurs propres produits mais ce n’est pas vrai. […] Je subis cette concurrence au quotidien. »
« Concurrence quasi inexistante » D’autres transporteurs ne ressentent pas ou plus de concurrence dans le cadre de la récolte de betteraves. C’est le cas de TTS (Grâce-Hollogne). « Avec le nouveau règlement en vigueur, il y a nettement moins de concurrence », déclare Paul Tatullo, conseiller en Prévention. « C’est un frein. Et c’est bien mieux ainsi. L’agriculteur et le transporteur ont leur propre savoir-faire. Chacun son métier. » Chez Transgem (Waremme) non plus, on ne subit pas de concurrence. « Nous allons chercher la chicorée dans le Hainaut pour la transporter à Oreye. Les tracteurs agricoles n’effectuent pas autant de kilomètres. » « Dangereux dans le secteur de la construction » D’autres transporteurs encore sont plus nuancés. « Il n’y a pas vraiment de différence avant-après réglementation. Il y a toujours une part de tracteurs agricoles qui transportent des betteraves mais on ne peut pas parler de concurrence directe. Car les fermiers transportent leurs propres betteraves », déclare Antoine Fossoul des Transports HJF (St-Georges-sur-Meuse). « Par contre, nous travaillons beaucoup dans le secteur de la construction et, là, nous remarquons une vraie concurrence. » Même avis chez Defraine Transports. « Au niveau du transport de betteraves, la concurrence des tracteurs agricoles est toujours aussi présente mais difficile à estimer. Par contre, dans le terrassement, la concurrence est visiblement toujours très forte », déclare Jocelyne Defraine. « Les tracteurs agricoles sont très peu contrôlés : 9 fois sur 10, les contrôles de poids lourds se déroulent sur autoroutes. »Fédérations: « rien n’indique que la concurrence a baissé » Du côté des fédérations de transport, rien n’indique que la concurrence a baissé. « Le fait d’avoir autorisé les tracteurs agricoles dotés d’une plaque rouge à effectuer occasionnellement des opérations non-agricoles a ouvert la porte aux abus », soulève l’UPTR. « Nous plaidons la suppression de cette exception. Et, en dernier recours, la fin du diesel rouge sur la voie publique. » « Le secteur doit bénéficier de beaucoup plus d’actions de contrôles. Nous devons aussi voir si d’autres adaptations légales sont nécessaires », poursuit TLV. « Et veiller à ce que la coresponsabilité soit appliquée en cas d’absence de licence de transport lors d’un transport pour compte de tiers », ajoute la Febetra. Réaction complète des fédérations Prix : gare aux abus Le prix du transport de betteraves prend la forme, dans la plupart des cas, d’une tarification T/km établie sur base de l’évolution du prix de revient fourni par l’ITLB et variant selon le prix du carburant. A cela s’ajoute la négociation transporteur-client. Problème : c’est souvent le client qui détermine le prix de vente sur base de son prix du marché. Le coût (par tonne, heure ou unité de distance) que le transporteur doit réellement supporter joue un petit rôle. Mais gare aux abus. Il est interdit d’exécuter ou de faire exécuter un transport moyennant un prix abusivement bas : un prix insuffisant pour couvrir à la fois les postes inéluctables du prix de revient du véhicule, les coûts découlant des obligations légales ou réglementaires et les coûts administratifs. Tracteurs agricoles