Conférence de presse pré-IAA : la menace #drexit !

Traditionnellement assez ronronnante, la conférence de presse pré-IAA organisée par le VDA a cependant été marquée par le speech d’Andreas Renschler (Volkswagen Nutzfahrzeuge), qui a ébauché un avenir du transport routier (presque) sans chauffeurs. On a coutume de dire que le salon IAA est le plus grand salon mondial du poids lourd, mais qu’il sert aussi les intérêts de l’industrie automobile allemande, qui l’organise au travers du VDA. Cela n’a jamais été aussi vrai qu’en cette fin juin, puisque les groupes Daimler et Volkswagen ont monopolisé chacun trois temps de parole, ne laissant qu’au seul Pierre Lahutte (CEO d’Iveco) les miettes du programme. Faire jouer les ‘forces du marché’ Daimler vs Volkswagen, c’est aussi un face-à-face entre le nouveau boss des poids lourds chez Daimler Wolfgang Bernhard et son ancien responsable Andreas Renschler, passé avec armes et bagages à la concurrence en février 2015. Les deux hommes se sont côtoyés sur les podiums pour le bien de la VDA, mais l’électricité était dans l’air, bien palpable lorsque Bernhard a rappelé la nécessité d’imposer un standard industriel pour la communication V2V (Vehicle to Vehicle) dans le cadre de futurs pelotons multi-marques. La réponse de Renschler avait déjà fusé le matin même dans le journal Handelsblatt, où il annonçait que tous les MAN et Scania neufs seraient connectés en 2017. La bataille des ego et des systèmes télématiques embarqués, que nous avons annoncée dans le précédent Truck & Business, est donc bel et bien lancée. Les deux hommes (on aurait souhaité entendre sur le sujet un représentant de Volvo Group, complètement absent de l’événement) sont par contre sur la même longueur d’ondes quand il s’agit de dénigrer les velléités européennes d’imposer des normes CO2. « La meilleure forme de régulation, c’est la compétition », déclare ainsi Renschler. Bernhard, qui connaît mieux la situation de l’autre côté de l’Atlantique, abonde dans le même sens. Les camions nord-américains sont pourtant en train de réduire leur handicap de consommation par rapport à leurs homologues européens, et les associations environnementalistes veulent prouver que ce progrès est dû aux normes CO2 en vigueur aux USA. « Ce ne sont pas les normes de consommation qui changent les comportements, nous répond-il en exclusivité. Les progrès qui sont notés aux Etats-Unis sont dus à la technologie, et ce sont nos clients nord-américains qui nous demandent ces technologies pour réduire leur consommation et leurs coûts en général. » Une étude américaine venait pourtant d’être publiée par ICCT (le découvreur du scandale VW…) qui tendait à prouver que la consommation des camions européens pourrait baisser de 40 % si l’Europe appliquait des normes de CO2. Bernhard n’y croit pas : « Les technologies qui sont aujourd’hui appliquées aux Etats-Unis, comme les chaînes cinématiques intégrées ou les boîtes robotisées, sont aujourd’hui des standards en Europe. Nous utilisons les mêmes moteurs, les mêmes boîtes et les mêmes essieux des deux côtés de l’Atlantique. La seule différence qui subsiste porte sur les masses et dimensions, et c’est pourquoi je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir d’autres nouvelles règles que celles qui portent déjà sur les masses et dimensions. » Les constructeurs (et leur organe de lobbying ACEA) entendent donc tout mettre en œuvre pour que l’Europe soit le seul marché mature sans normes CO2 contraignantes pour les poids lourds, maintenant que les Etats-Unis, la Chine et le Japon en ont. On se permettra juste une remarque : parier sur les forces de marché alors que l’on est suspendu à la plus grosse amende de l’histoire de la Commission européenne pour s’être entendu sur les prix des camions est un argument plutôt spécieux… L’humain, source d’erreurs 200_TB259_02 L’automatisation, la connectivité et la circulation en peloton ont occupé une place prédominante dans les présentations. A en croire les constructeurs, on pourrait voir des pelotons semi-automatiques circuler en 2020. Il faut juste attendre quelques évolutions législatives (quand le chauffeur sera-t-il autorisé à ne pas tenir son volant en permanence ?) et une mise à jour des réseaux data. Sur ce point, certains prétendent qu’une couverture 3G le long de tous les axes suffira, d’autres estiment la 4, voire la 5G nécessaire. Jusqu’à présent, les constructeurs prétendaient vouloir assister le chauffeur, le décharger de ses tâches les plus pénibles. Andreas Renschler va maintenant beaucoup plus loin. A l’horizon 2040 (ça ne mange pas de pain, ni lui ni nous ne serons là pour le voir, mais soit…), il voit un système de transport entièrement digitalisé afin d’en supprimer toutes les zones inefficaces (kilomètres à vide), et il voit les constructeurs comme moteurs de ce changement radical vers un contrôle plus complet de toute la chaîne de valeur du transport. Les exemples qu’il cite dans d’autres domaines sont éclairants :

  • Volkswagen a investi 300 millions EUR dans Gett, un rival d’Uber
  • TransferWise révolutionne le monde du transfert bancaire en proposant des transactions moins chères que les banques elles-mêmes
  • IBM Watson développe une intelligence artificielle capable non seulement d’analyser des problèmes complexes, mais de se substituer à des chercheurs pour trouver de nouveaux médicaments
  • Une pharmacie universitaire à San Francisco travaille plus vite et avec moins de risque d’erreur que des humains.

« L’intelligence artificielle est en route, constate Renschler, mais ce n’est pas une raison pour parler du risque de destruction d’emplois. C’est tout l’écosystème qui va changer. » Dans cet écosystème, il voit aussi le rôle du transporteur changer complètement. Mais qui investira encore dans un camion en 2040 ? « Celui qui organisera les transports devra encore être celui qui financera l’achat des véhicules, nous répond-il. Simplement, ils devront intégrer les innovations digitales dans leur mode de fonctionnement. En 2040, je pense qu’il y aura davantage de très grandes flottes en Europe, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis où elles représentent 60 ou 70 % de la capacité de transport. » Quand on lit entre les lignes, on imagine donc un écosystème où la chasse aux kilomètres à vide est une affaire d’algorithmes, et où l’humain est désormais à considérer comme un facteur de risque et d’erreur, et non plus comme une source de productivité. Par corollaire, le transport routier ne pourra plus se dire générateur d’emplois pour personnes au départ moins qualifiées. Et si les constructeurs, Volkswagen en tête (pour l’instant), tentent de nous en persuader, c’est qu’ils ne veulent surtout pas se faire damer le pion par des acteurs issus de la nouvelle économie (et qui prendraient encore moins de précautions oratoires qu’eux, voyez Uber). Quoi qu’il en soit, le salon IAA 2016 montrera, au travers de nouvelles plates-formes télématiques (chez MAN et Scania, entre autres), à quelle vitesse le monde du poids lourd évoluera vers ce monde entièrement digitalisé et prétendument idéal. Bye Bye Diesel, mais pas tout de suite Autre thème fort de la conférence : les propulsions alternatives. Quelques jours auparavant, le nouveau patron de Volkswagen AG Matthias Müller annonçait la fin proche du diesel dans les voitures particulières. Wolfgang Bernard (Daimler) en est persuadé : entre 1997 et 2025, le coût des batteries aura baissé de 60 % et leur efficacité aura augmenté de 250 %. Mais même si Daimler annonce une importante initiative en matière de mobilité électrique dans le cadre de l’IAA, le transport sur longue distance en restera tout de même exclu jusqu’à ce que l’hydrogène devienne une alternative valable aux carburants fossiles. A plus court terme, un constructeur comme Iveco met le paquet sur les moteurs à gaz, et il ne devrait pas être le seul à faire progresser cette technologie lors de l’IAA 2016. Comment sécuriser les données ? Avant que la circulation autonome et/ou en peloton ne se généralise, il faudra que les systèmes de transmission de données soient entièrement sécurisés. La perspective de voir les hackers déferler sur un ensemble routier de 44 tonnes n’amuse personne. Selon Wolfgang Bernhard (Daimler), une condition sine qua non est de séparer les flux de données opérationnelles et les données liées aux parties vitales du véhicule : « Il faut travailler avec deux systèmes séparés, et faire en sorte que le camion ne puisse pas recevoir d’informations, seulement en envoyer. Ce ne sont que deux principes de base, mais ils sont indispensables parce que nous savons que nous aurons à supporter une responsabilité quand nos camions circuleront de manière autonome. » Une économie quasi euphorique Matthias Wissmann, le président du VDA, ne pouvait pas présenter un salon du poids lourd sous de meilleurs auspices : le marché européen a progressé de 14 % et devrait progresser de 8 % supplémentaires en 2016. Les chiffres sont mêmes encore meilleurs du côté des utilitaires légers, qui devraient progresser de 11 % en 2016. Wissmann a aussi lancé un appel en faveur d’une autorisation définitive des écocombis en Allemagne, s’appuyant sur les résultats positifs des quatre premières années de tests. Matthias Wissmann

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