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Dekra Zukunftskongress : le transport passe en mode ‘Gigabyte’

Les dizaines d’experts réunis par Dekra pour sa conférence bisannuelle n’avaient que le mot ‘digital’ à la bouche. Le terme s’applique toutefois autant à des lubies qu’à des solutions réellement applicables. Tentons d’y voir clair… en nous concentrant sur les secondes.  « La digitalisation n’est pas une idée pour ou contre laquelle on peut voter. Elle arrive, et elle aura un impact sur tous les maillons de la chaîne de transport. » On peut ne pas être d’accord avec ce que la déclaration du Dr Gerhard Nowak (PwC) implique et sur la ligne du temps qu’il propose (2030), mais la phrase résume bien le ton général de l’événement organisé à Berlin par Dekra. Disruption des business modèles La digitalisation ouvre selon Nowak la porte à trois nouveaux business modèles (auquel nous nous permettrons d’en ajouter un quatrième – voir graphique) :

  • Profitant de leur position de force en cas de conduite autonome, les constructeurs deviennent aussi des fournisseurs de solutions de mobilité pour les marchandises du chargeur (scénario 1)
  • Le chargeur organise une partie de sa chaîne de transport pour mieux maîtriser, notamment, la livraison du dernier kilomètre au travers de ses propres hub de distribution urbains (scenario 2a)
  • Le chargeur étend même son emprise sur la conception des véhicules de transport pour répondre encore mieux à ses besoins (scenario 2b)
  • Un géant technologique profite de sa maîtrise des réseaux de données pour occuper une large partie de la chaîne de valeur (scenario 3)
  • Un prestataire logistique se mêle de concevoir et de construire des véhicules de transport (scenario 4).

Le scénario 4 est déjà en place avec DHL qui construit son propre Streetscooter électrique et qui lance une bourse de fret indépendante de ses propres services de transport (Saloodo). Et si le scénario 2b relève pour l’instant du fantasme, le 2a est déjà réalisé par Amazon. Quant au scénario 1, il est taillé sur mesures non pas pour un constructeur (qui deviendrait le concurrent de ses propres clients), mais peut-être pour les nouvelles filiales digitales à la FleetBoard ou à la RIO. L’Europe à la traîne ? Avant que la digitalisation ait produit tous ses effets, les constructeurs vont devoir faire face, en Europe, à une vague de nouvelles règles : affichage obligatoire de la consommation normalisée de chaque véhicule (voir l’article sur VECTO dans le Truck & Business précédent), nouvelle directive sur les poids et mesures maximales et imposition possible de limites de CO2 par l’Union européenne. Ce sujet-là est extrêmement sensible. Clairement, les constructeurs n’en veulent pas. Ou du moins, comme l’a fait le Dr Manfred Schuckert (Daimler), ils demandent davantage de temps (2030 au lieu de 2025). Les mêmes constructeurs martèlent leur bonne foi en démontrant, chiffres à l’appui, que depuis des décennies, ce sont les technologies développées en Europe qui sont les plus efficaces. « Les camions fabriqués en Europe sont toujours plus efficaces énergétiquement que les camions fabriqués en Amérique du Nord », estime ainsi Dr. Schuckert. Dans l’autre camp (dont l’association Transport & Environment, à qui nous avons ouvert notre Carte Blanche dans ce numéro), on annonce que les limites de CO2 imposées en Amérique du Nord vont mettre un terme aux transferts de technologie en provenance d’Europe. « Ce sera même le contraire. On va assister à des transferts technologiques d’autres régions du monde, où les limites de CO2 sont déjà d’application, vers l’Europe », affirme Felipe Rodriguez, chercheur à ICCT Europe (l’institut qui a découvert l’affaire des moteurs truqués chez VW…). La controverse chiffrée n’a pas été tranchée lors de la conférence. Selon que l’on mesure la consommation par kilomètre, par tonne-kilomètre ou par mètre cube-kilomètre, les camions américains sont plus ou moins à leur avantage. Lorsque les charges à transporter sont légères, les trucks US seraient même déjà plus efficaces que leurs homologues européens. Il semble donc que l’hégémonie technologique des constructeurs européens soit réellement en danger. Selon Rodriguez, il est tout à fait envisageable de réduire la consommation d’un poids lourd de 43 % d’ici 2030 en combinant nouvelles cabines aérodynamiques (prévues dans la future directive ‘poids et mesures’), freinage régénératif, récupération des chaleurs résiduelles (à l’échappement entre autres) et hybridisation légère (120 kWh). Le tout ne générerait, toujours aux dires d’ICCT, qu’un surcoût récupérable en deux ans (avec un diesel nettement plus cher qu’aujourd’hui). A plus court terme, T&E s’étonne de voir le faible pourcentage de véhicules équipés des systèmes existants permettant de réduire la consommation (50 % pour l’Adaptive Cruise Control, mais seulement 1 % pour les pneus à basse résistance ?). « Que ces systèmes deviennent obligatoires et que les constructeurs les intègrent dans les équipements de série, et la consommation baisserait de facto », estime Stef Cornelis (T&E). On rappellera juste que tous ces équipements ne se justifient pas pour l’ensemble des applications de transport… Wake-Up Call Même si certains arguments avancés par les ‘pro-limites de CO2’ sont sp écieux, la piqûre de rappel infligée aux constructeurs européens semble sévère. Au même titre que les projets de Tesla (voir par ailleurs dans ce numéro). Certains constructeurs l’ont bien compris. Daimler mise sur FleetBoard, Volkswagen sur RIO, et « Chez Scania, dans la division Sales & Marketing, il y a davantage de personnes employées pour les solutions connectées que pour les camions eux-mêmes », lance ainsi Mattias Lindholm (Vice-President Connected Solutions chez Scania). S’il dit vrai, il y aura bientôt plus de nouveautés intéressantes au salon CES de Las Vegas qu’à l’IAA de Hanovre…     De tout un peu Voici quelques tendances techniques intéressantes notées à Berlin :

  • Le projet-pilote d’écocombis en Allemagne a donné des résultats extrêmement positifs. Sur dix routes analysées, il a permis de réduire la consommation de 11,3 %, et les émissions de CO2 par tonne transportée de 11,9 %. Le glissement modal redouté par les partisans du chemin de fer ne s’est pas produit.
  • Des voix continuent à s’élever en Allemagne pour autoriser la circulation de semi-remorques allongées de 1,3 mètre. Un rapport de la fédération allemande BGL appelle même les forces vives à l’imposer comme nouvelle norme européenne. « Si je peux utiliser ce type de semi-remorques, je prends quatre ans d’avance sur mes concurrents polonais », a déclaré Roland Rüdinger, CEO de l’entreprise de transport éponyme.
  • Le prototype de semi-remorque TransFormers de Schmitz Cargobull se distingue par un essieu à récupération d’énergie Bosch eAxle qui ajoute 1140 kg de poids propre. Cette hybridisation légère mène à une réduction de consommation de 6,6 % en moyenne… mais de 18 % en ville et sur terrain accidenté. L’autre élément intéressant est un toit qui s’abaisse vers l’arrière en cas de chargement partiel, avec une nouvelle baisse de consommation à la clé (- 4 %). Les techniques utilisées sont toutefois encore trop onéreuses pour une application en série.
  • Alimenter en énergie électrique un groupe frigo en utilisant l’énergie perdue au freinage, c’est possible avec le générateur ePower de BPW placé dans les moyeux. Or, un groupe frigo thermique ferait autant de bruit que quatre camions et demi. 11 % de l’énergie fournie au moteur du camion se perdant au freinage, le système (testé avec succès chez Kobernuss) permet de se passer entièrement de carburant pour le groupe frigo.
  • Continental développe un ‘horizon électronique’ plus performant que celui des cruise controls prédictifs actuels. Il utilise des données satellitaires dont la portée est largement supérieure aux 250 mètres des meilleurs radars. Le système permettrait de mettre un véhicule en roue libre pendant un kilomètre à l’approche d’un bouchon que le chauffeur ou le radar ne voit pas encore. Mise sur le marché prévue en 2021.
  • Le nouveau tachygraphe digital couplé au GPS arrivera sur le marché le 15 juin 2019 sur tous les nouveaux camions. Ce DT 4.0 est annoncé par VDO comme beaucoup plus difficile à falsifier… et comme ‘parlant le langage des péages’. Le DT 4.0 sera contrôlable tout en roulant.

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