Après les élections…des dossiers à la pelle

Le ‘Super Sunday’ du 9 juin 2024 a débouché sur un bouleversement profond des équilibres politiques à tous les niveaux de pouvoir. Que ce soit à l’échelon européen, fédéral ou régional, les chantiers qui toucheront le transport seront nombreux et, idéalement, ils devraient être menés de manière cohérente dans les trois niveaux. Nous disons bien : ‘idéalement’.

C’est lors de la législature 2019/2024 que le secteur du transport s’est pleinement rendu compte des effets de la sixième réforme de l’état, mais c’est aussi lors des cinq dernières années que l’adoption de mesures destinées à réduire les émissions de CO2 se sont subitement accélérées.

Au niveau européen

La législation européenne qui s’achève a vu l’important dossier du Mobility Package aboutir. Sans véritable résultat positif pour les uns mais toutes ses mesures ne sont pas encore entrées en application. Autre gros dossier clôturé : les objectifs de réduction des émissions de CO2 imposés aux constructeurs de poids lourds. Ces objectifs ont été fortement renforcés et le fait que les constructeurs aient été reconnus coupables d’entente sur les prix des camions (la fameuse affaire du cartel) n’a certainement pas joué en leur faveur. Par contre, la norme Euro 7 qui a été votée sera moins sévère que ce que les constructeurs craignaient.

Il restera à voir quel impact la nouvelle composition du parlement européen, de la commission et du Conseil aura sur les mesures liées au Green Deal, qui pourrait être ‘détricoté’.

Voici en tout cas les principaux dossiers qui seront sur la table des trois composantes du trilogue européen :

  • Le nouveau règlement sur les poids et mesures des camions devra passer en seconde lecture au nouveau parlement et sera ensuite soumis au Conseil. Dans sa mouture actuelle, les poids lourds à émissions nulles pourront peser quatre tonnes de plus que leurs équivalents diesel pour compenser le surpoids de leur ligne cinématique alternative, cette tolérance s’appliquera aussi aux ensembles routiers engagés dans le pré- et le post-acheminement en transport combiné de marchandises non conteneurisées, les convois de 44 tonnes et les écocombis seront automatiquement autorisés entre deux pays qui les autorisent sur leur territoire national et la hauteur maximale des ensembles routiers transportant des conteneurs high-cube pourra être augmentée de 30 cm.
  • La réforme du permis de conduire pourrait assouplir les conditions d’obtention du permis poids lourd : un programme de conduite accompagnée permettrait aux jeunes de 17 ans de préparer leur permis C et C1 et la circulation de camionnettes électriques de 4,25 tonnes avec un permis B serait généralisée.
  • Il faut aussi s’attendre à une révision de la directive sur le transport combiné. La Commission actuelle a remis une proposition en ce sens en novembre 2023, avec pour objectif déclaré de renforcer la compétitivité du transport rail-route. Parmi les nouvelles mesures, on supprimerait les interdictions de circuler le week-end pour le transport combiné et on imposerait aux États membres de réduire d’au moins 10 % le coût moyen porte-à-porte des opérations de transport combiné.
  • Un cadre législatif soutenant l’adoption de carburants de substitution au diesel fossile serait souhaitable.

 

Au niveau fédéral

Avec la sixième réforme de l’état, le niveau fédéral n’a plus beaucoup de compétences en matière de transport. D’une manière générale, la Flandre s’est saisie des compétences qu’elles souhaitait gérer mais les deux autres régions ne l’ont pas toujours fait (pensons aux contrôles sur le Code 95 par exemple). Des différents débats politiques organisés avant les élections, il ressort tout de même plusieurs points sur lesquels le prochain gouvernement fédéral pourra agir :

  • La réduction des charges salariales (mais il ne s’agit pas d’un point limité au secteur du transport)
  • La déductibilité fiscale des investissements pour des véhicules à émissions nulles et pour des infrastructures de recharge
  • Le maintien du diesel professionnel constituera une des, si pas la principale préoccupation des fédérations de transport.
  • Le gouvernement fédéral devra rapidement adopter une stratégie pour se mettre en ordre avec la règlement européen AFIR qui impose à chaque Etat membre un certain nombre de stations de recharge à haute puissance et de stations à hydrogène le long des grands axes. Ce sont cependant les régions qui devront appliquer ce plan, notamment via le système des concessions le long des autoroutes.
  • Le secteur de la mobilité (Febiac, Renta et Traxio, réunis dans la plate-forme Mobia) demande aussi une réforme des accises sur les carburants afin de trouver un équilibre entre accessibilité et atteinte des objectifs climatiques. On pense notamment aux accises sur le HVO.
  • L’actuel projet-pilote autorisant la circulation des utilitaires électriques de 4,25 tonnes avec un permis étant un échec, il conviendrait d’aligner les mesures au niveau fédéral, régional et local (permis de conduire, taxe kilométrique, interdictions de circuler, tachygraphe ou pas ?).
  • Les fédérations de transport sont également demandeuses d’un contrôle plus strict des mesures liées au Mobility Package, notamment le détachement de chauffeurs étrangers.
  • Le futur ministre fédéral de la Mobilité devra signer de toute urgence le traité eCMR, chose que l’actuel n’a pas daigné faire, empêchant ainsi les transporteurs belges de passer à la lettre de voiture électronique en transport international.

 

Au niveau régional

Les régions sont compétentes dans la plupart des matières qui touchent au transport routier. Malheureusement, elles ne mettent pas la même ardeur (ni les mêmes moyens) pour les gérer. La Wallonie et Bruxelles, en particulier, ont un gros retard à rattraper notamment en ce qui concerne le soutien à la décarbonation.

  • La taxe kilométrique a été lancée en tant que collaboration inter-régionale, avec succès mais ces deux dernières années les différences entre régions se sont accentuées. Une meilleure coordination est souhaitable. Cependant, le plus gros dossier sera celui du renouvellement de la concession obtenue par Satellic.
  • Actuellement, les aides à l’investissement dans les véhicules à zéro émissions sont toujours nécessaires. Que fera la Flandre après son effort de l’actuelle législature. La Wallonie et Bruxelles vont-elles enfin se réveiller ? idem en ce qui concerne les infrastructures de recharge.
  • Mobia suggère aussi de simplifier la procédure d’obtention de permis pour installer des stations de recharge privées, mais accessibles à des tiers, voire de rendre obligatoire les (pré)installations de chargement lors de travaux dans les entrepôts, plateformes logistiques, zones industrielles et zones portuaires, etc… De nombreux transporteurs souhaiteraient aussi pouvoir obtenir plus facilement un permis pour installer des éoliennes.
  • Les régions (Flandre et Wallonie dans ce cas) devraient aussi assouplir le système des concessions autoroutières. Travailler avec des concessions de 10 ans ne permet pas de faire investir assez vite dans des infrastructures de recharge pour poids lourds à zéro émissions. TLV propose d’instaurer un système comparables au ‘Autohof’ allemand, où un seul parking / zone de service situé en dehors de l’autoroute dessert les deux sens de circulation. Un aspect connexe important est la création de nouvelles places de parking sécurisés pour poids lourds.
  • Chaque région devrait harmoniser les conditions d’accès en ville pour les poids lourds, notamment dans le cadre des zones à basses émissions. Dans le cadre de la Flandre, le manque de cohérence s’applique aussi aux routes régionales dans le cadre du ‘vrachtroutenetwerk’.

 

Comme on le voit, les cinq années qui viennent vont être cruciales sur le chemin de la décarbonation. Il y va tout simplement de la compétitivité des transporteurs belges, déjà largement mise à mal par un coût salarial élevé.

Dans un scénario idéal, les décisions prises au niveau fédéral et par les trois régions devraient être alignées pour tendre vers un même objectif. Rappelons par exemple que le ministre fédéral de la Mobilité conserve le pouvoir de réunir les ministres régionaux de la Mobilité pour traiter de dossiers transrégionaux. Cela n’a pas fonctionné lors de la législature 2019/2024 et doit être relancé lors de la prochaine législature. Les fédérations de transport sont par exemple demandeuses d’élargir la taxe kilométrique aux camionnettes et aux voitures, ce qui devrait idéalement être piloté entre les trois régions. La mise en application du règlement AFIR devrait aussi se faire de manière coordonnée.

 

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