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TRUCK & BUSINESS 286 (décembre 2023)

La mémoire courte

Il y a un peu plus d’un an, les chargeurs faisaient le nécessaire pour garantir leur capacité de transport et pour faire face aux pics de la demande. C’était la fin d’un court cycle où il n’y avait pas assez de ‘roues’ sur le marché, comme on dit. La pénurie de chauffeurs était là pour amplifier ce manque de ‘roues’, et par effet mécanique, les prix de transport pouvaient (enfin) suivre l’évolution du prix de revient. Les plus professionnels des chargeurs étaient même prêts à faire des efforts pour aider ‘leurs’ transporteurs à, par exemple, mieux accueillir les chauffeurs dans leurs usines pour éviter qu’ils ne quittent le métier.

Fin 2023, la situation économique a radicalement changé. Comme le montre notre Truck & Business Barometer, presque tous les transporteurs ressentent les effets de la baisse de la demande, ce qui accentue la concurrence dans les secteurs où la demande ne baisse pas. C’est un grand classique des périodes de crise, et on ne peut pas en vouloir aux chargeurs de vouloir en tirer avantage. Ce qui est frappant, c’est de voir ces mêmes chargeurs (peut-être les moins professionnels d’entre eux ?) revenir sur leurs bonnes intentions d’hier, privilégier les tenders agressifs, les relations à court terme et les transporteurs à bas prix, voire fouler aux pieds les principes les plus élémentaires d’une saine relation client-fournisseur.

« La pénurie de chauffeurs touchera toujours les ‘cow-boys’ plus durement que les entreprises bien gérées. »

Prenez l’augmentation de la LKW-Maut en Allemagne. Comme l’a souligné notre confrère allemand Eurotransport.de, Daimler Truck, qui ne partage plus avec Mercedes-Benz que le nom et l’étoile, paiera l’intégralité de ce surcoût mais Mercedes-Benz (voitures et utilitaires légers) a décidé de n’en payer que la moitié aux transporteurs qui travaillent pour elle. Malheureusement, il se trouvera des transporteurs pour accepter ces conditions, voire pour espérer gagner des parts de marché. A court terme, le chargeur y gagnera un peu.

Mais à plus long terme, qui viendra se plaindre d’une qualité moindre et revenir, la queue entre les jambes, vers ses partenaires de transport historiques ? Certains ont décidément la mémoire courte, mais qu’ils n’aient pas l’indécence de jouer à nouveau la petite musique du ‘partenariat’ une fois que la crise sera terminée. Car la pénurie de chauffeurs, elle, est là pour durer et elle frappera toujours plus durement les entreprises mal gérées que les autres. Tabler sur le contraire est une grossière erreur de calcul.

Claude Yvens,
Rédacteur en chef.

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