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Truck of the Future : plus proche qu’on ne le pense

Les constructeurs de poids lourds hésitent souvent à parler de leurs projets futurs pour ne pas perturber le comportement d’achat de leurs clients. D’autres s’en chargent à leur place, à commencer par de futurs concurrents qui se font surtout les champions du ‘buzz’. Décryptons un peu tout cela à l’aune d’une étude qui vient d’être publiée par Transport & Mobility Leuven… Qu’il s’agisse de nouveaux modes de propulsion ou de véhicules autonomes, aucun constructeur ne veut aujourd’hui préciser à quelle date se produira la véritable révolution qui va secouer le monde du transport routier. Mais à l’heure de l’économie 4.0, une start-up est tout à fait capable de donner un grand coup de pied dans la fourmilière, même si pour l’instant, le coup de pied n’est que médiatique. On découvrira dans les pages qui suivent les projets de Tesla, Nikola et Einride, mais pas avant d’avoir tiré les conclusions d’une étude réalisée par Transport & Mobility Leuven avec la collaboration de l’IRU : à quoi ressemblera le poids lourd en 2050 ? L’échéance correspond à celle fixée dans le cadre des accords de Paris (COP21). Ce rapport aborde aussi l’impact de mesures visant à rendre le transport routier plus efficace par lui-même (notamment via de nouveaux systèmes logistiques collaboratifs), mais dans le cadre de cet article, nous nous contenterons d’aborder les évolutions subies par le véhicule. Commençons par la bonne nouvelle : si toutes les mesures sont prises au bon moment et implémentées dans toute l’Europe (ce qui, vu le contexte de 2017, est tout de même un sérieux bémol), il est possible de réduire les émissions de CO2 du transport routier longue distance de 39 % en 2030 et de plus de 78 % d’ici 2050. Pour le transport régional, le potentiel maximal est respectivement de 36,3 et de 67,9 %. Cela fait dire aux auteurs de l’étude que le transport régional devra aussi compter dans une large mesure sur de nouveaux modèles logistiques pour atteindre un objectif de -70 % par rapport au niveau de 2008.

2030, période charnière

En transport sur longue distance, il y aura un ‘avant’ et un ‘après’ 2030. Les objectifs intermédiaires de 2030 peuvent être atteints sans toucher de manière significative au ‘mix’ d’énergies actuellement utilisées, à l’exception d’une véritable percée à effectuer avec le gaz naturel. Dans les 13 prochaines années, le principal facteur de réduction de la consommation restera donc l’amélioration du moteur diesel, avec un potentiel estimé entre -10 et -15 %. L’efficacité énergétique du moteur devrait par exemple progresser de 43/44 % actuellement à 50 %. Les clients seront d’ailleurs mieux informés de ces progrès, puisqu’une certification de la consommation (selon une méthodologie que nous expliquerons dans notre prochain numéro) mènera à une certification CO2 dès 2018 pour les quatre types de poids lourds les plus courants. Les autres silhouettes suivront rapidement. Au-delà de 2030, le potentiel supplémentaire proviendra des biocarburants (biodiesel et biométhane). Pour y parvenir, les chantiers sont immenses. Les biocarburants de dernière génération (n’impactant pas les cultures alimentaires) devront être moins chers à produire que les carburants fossiles pour s’imposer. A l’horizon 2020, ce sont les huiles végétales hydrotraitées (FAME) qui offrent le plus grand potentiel, alors que les carburants purement synthétiques prendraient le relais à partir de 2030. Et les auteurs de l’étude avertissent : si le biodiesel intervient largement dans le mix énergétique du transport sur longue distance, il risque d’y avoir pénurie. Sous-entendu : si l’électrification ne progresse pas en longue distance, les objectifs 2050 ne pourront être atteints. De toute façon, les infrastructures de ravitaillement en gaz devront avoir été installées sur les grands axes d’ici 2025 (les états membres devront en répondre devant la Commission en vertu de la directive 2014-94).

Electrifier via le réseau

L’électrification est donc le deuxième objectif majeur selon TML, dont l’enthousiasme est quelque peu freiné par les constructeurs européens réunis au sein de l’ACEA (les mêmes regrettent d’ailleurs le peu de cas qui est fait du potentiel des piles à combustible, NDLR). Dans l’état actuel des connaissances, il semble que l’alimentation exclusive par batteries ne permette pas de fournir une autonomie suffisante à un ensemble routier longue distance sans mettre en péril sa charge utile (mais attendons la concrétisation des projets de Testa, entre autres, pour y voir plus clair). Ce postulat posé, il faut prévoir une source d’alimentation externe. Les auteurs de l’étude privilégient l’alimentation par caténaires à l’alimentation par induction (via le revêtement routier). D’ici 2050, 25.000 kilomètres d’autoroutes pourraient être équipées de caténaires sur un ou plusieurs voies de circulation, pour un investissement estimé entre 1.1 et 2.5 millions EUR/km. C’est énorme, mais l’Allemagne est déjà prête à prendre ce type d’investissement en considération. Evidemment, il faudra d’abord se mettre d’accord sur une norme technique unique… si l’on veut éviter de tomber dans les travers rencontrés par le transport ferroviaire. Selon TML, les grandes orientations politiques devront avoir été prises entre 2025 et 2030, de manière à ce que les premiers tronçons soient équipés vers 2035. Autre grande question : la quantité d’électricité disponible sera-t-elle suffisante pour faire face à cette nouvelle demande ? Il y a 18 mois, la Belgique se préparait à un lock-down au creux de l’hiver… A plus court terme, les poids lourds devront passer par une phase de micro-hybridisation (start-stop, récupération de l’énergie au freinage, recharge ‘plug-in’ partielle…). En ce qui concerne les véhicules urbains, les batteries devraient faire l’affaire, et TML envisage que la totalité des véhicules de livraison neufs soient obligatoirement électriques dès 2025, la seule alternative valable étant l’utilisation de 100 % de biocarburants renouvelables. Mais on a vu plus haut que la production risque de ne pas suivre…

Nouvelles cabines

C’est également dans le domaine de la longue distance que les nouveaux concepts de cabine et les dimensions augmentées des camions offrent le plus grand potentiel. A court terme, cela ne se manifestera que par l’adoption de dérives aérodynamiques arrière. Il faudra attendre 2022 pour voir les premières nouvelles cabines aérodynamiques dessinées en fonction des règles adoptées par l’Europe en 2015. Allongés à l’avant (par un ‘nez’ aérodynamique qui jouera aussi un rôle important ne matière de visibilité et de sécurité) et à l’arrière (par les dérives), les poids lourds verront leur consommation diminuer à mesure que leur vitesse moyenne est élevée. Les règles fixées en 2015 doivent encore être complétées par une directive sur l’homologation, attendue pour 2020. Dans le cadre de ces nouvelles règles ‘poids et mesures’, l’allongement du véhicule ne profite pas au volume utile (les chemins de fer ne l’auraient de toute façon jamais admis). Le rapport de TML suggère une révision ultérieure de ces règles pour envisager d’augmenter volume et charge utiles à plus longue échéance. Cette révision inclurait de facto les écocombis, qui pourraient voir leur part de marché passer de 10 % en 2030 à 30 % en 2050. Mais le combat risque d’être ardu face au lobby ferroviaire… et se déroulera sur fond d’autonomisation.

Véhicules autonomes

A l’horizon 2050, en effet, les véhicules autonomes devraient avoir pris à leur compte 40 % du transport sur longue distance. Leur progression devrait connaître un coup d’accélérateur à partir de 2040 (selon TML), lorsqu’ils pourront opérer 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, au moins pour certaines tâches. De là à envisager la suppression du poste de conduite (mais non de la cabine), il y a un pas que les auteurs de l’étude osent franchir à l’horizon 2040. La marche en avant des véhicules autonomes en général, et des pelotons en particulier, est encore suspendue à de nombreuses décisions politiques et législatives. Selon TML, les premières mesures visant à autoriser la circulation transfrontalière avec des pelotons devraient tomber vers 2020, et il faudrait attendre dix ans de plus pour obtenir une législation uniforme en matière de circulation 100 % autonome. A cette date, 10 % de la circulation en longue distance pourraient déjà s’effectuer en pelotons. Les auteurs de l’étude soulignent aussi un point important : l’efficacité énergétique d’un peloton augmente avec la vitesse moyenne. Si un peloton était limité à 80 km/h par exemple (et cette mesure fait déjà l’objet de discussions), le gain en CO2 sera marginalement moins élevé. Tout ceci n’est bien entendu qu’une ‘feuille de route’…

L’étude de Transport & Mobility Leuven ne consacre que quatre lignes aux piles à combustibles. Les constructeurs y croient davantage.

 

Autres sources de réduction de la consommation

  • les travaux sur de nouveaux matériaux devraient permettre de réduire le poids d’un ensemble routier de 2275 kg à l’horizon 2030, et de 4340 kg à l’horizon 2050 (étude Ricardo)
  • de nouvelles semi-remorques pourraient apparaître à l’horizon 2025, où la hauteur et la forme du plancher de chargement et du toit varieraient en fonction des conditions de charge afin de réduire au maximum la traînée aérodynamique.
  • de nouveaux pneumatiques permettraient à eux seuls de réduire encore la consommation de 7,5 % d’ici 2030.
  • de nouvelles générations de revêtement routiers contribueraient à réduire les coefficients de friction, tout en améliorant la sécurité routière.

La sécurité, l’autre priorité

La réduction du nombre d’accidents est une autre priorité absolue pour l’Europe. C’est elle qui a donné le coup de pouce à la révision de la directive ‘poids et mesures’, puisque l’allongement des cabines doit profiter à la visibilité du chauffeur. L’étude reste assez vague sur ce que l’on peut attendre de nouveau dans ce domaine (en attendant le camion 100 % autonome), mais notons néanmoins deux systèmes d’aide à la conduite intéressants, qui devraient faire leur apparition dans les 5 à 6 prochaines années :

  • – un lien actif entre la reconnaissance des panneaux de signalisation et les aides à la conduite existantes
  • – une meilleure prise en compte des courbures de virage à venir par les régulateurs de vitesse prédictifs.

Les projets (fous ?)  des constructeurs

« Ce ne sont que des bureaux d’étude qui créent le buzz pour rassembler des financements ».  Les constructeurs de poids lourds n’aiment pas les initiatives annoncées ces derniers mois par des sociétés absolument inconnues il y a quelques années. Mais ces mêmes constructeurs prennent tout de même la menace au sérieux…

  • Tesla devrait présenter son premier modèle de poids lourd en septembre. Dans un premier temps, ce ’Class 8’ (la classe reine aux Etats-Unis) ne sera pas autonome, mais il sera évidemment 100 % électrique. Il est développé par une équipe dirigée par Jerome Guillen, un ‘ex’ de Freightliner.
  • Nikola correspond point pour point au profil de ce qui énerve les constructeurs : sorti de nulle part, chassant les financements (plus de 3 milliards USD de pré-commandes !) et faisant du buzz un business modèle. La société américaine annonce trois modèles : le One (un tracteur de Classe 8) et le Two (le même en version ‘cabine de jour’). 100 % électrique (puissance annoncée de… 1000 ch), utilisant des piles à combustible, mais aussi révolutionnaire sur le plan de la cabine, très aérodynamique et avec un pare-brise enveloppant qui supprime une bonne part de l’angle mort.
  • Einride est une entreprise suédoise qui a présenté un système de transport routier entièrement autonome utilisant des véhicules 100% électriques. Elle espère tester son premier prototype avant la fin de l’année et déployer une flotte de 200 unités d’ici 2020. Le T-Pod ne comporte même plus de poste de conduite e serait pilotable à distance. Il se présente comme un véhicule de 7 mètres de long, pouvant emporter jusqu’à 15 palettes sur environ 200 kilomètres avant de devoir recharger ses batteries.
  • Toyota (cette fois, ce n’est pas une start-up…) a présenté an avril un prototype de tracteur de Classe 8 fonctionnant à l’hydrogène. Le Toyota Project Portal doit démontrer que la technologie déjà utilisée dans les voitures Toyota Mirai est aussi applicable au transport de marchandises. L’autonomie est actuellement de 200 miles pour un ensemble routier de 37 tonnes. C’est peu ? Toyota vise ici surtout les opérations dans les grands ports… (photo 14)

On notera que chacun de ces projets est de nature à modifier la ‘feuille de route’ proposée par l’étude de TML décrite dans les pages qui précèdent.

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