Denis Colle : maître de Basile et roi de la route

Denis Colle n’a que 17 ans lorsqu’il percute avec son Honda Dax une voiture qui a subitement fait demi-tour. Il perd sa jambe. Mais l’accident ne l’abat pas pour autant. Il se distingue d’abord en tant qu’athlète aux Jeux paralympiques et aujourd’hui, il est chauffeur poids lourd.

Denis Colle, 35 ans, est gravement handicapé. Cela ne se voit pas lorsqu’il déplie sa grande silhouette devant vous. À quatre heures et demie du matin, nous nous retrouvons sur le parking de Nachtergaele (Nazareth) plongé dans l’obscurité. Denis accouple un conteneur maritime vide à son véhicule et monte à bord du tracteur. Un déplacement sur Martaineville (à l’ouest d’Amiens) nous attend avant de revenir avec des balles de lin. Vite compléter le CMR, et en route !

Chien fidèle

Un border collie est lové dans le fond de la couchette. Il s’appelle Basile, ce qui signifie roi en grec. Pendant les premières heures du trajet, le chien préfère dormir. Lui et son maître sont quasi inséparables. « Dans le port, il ne peut pas circuler sur les quais », explique Denis. « Mais pour un trajet comme celui-ci, pas de problème. Sa présence est vraiment un ‘plus’ pour moi. C’est mon copain. » Le Renault accélère et maintient une vitesse de 90 km/h. L’autoroute nous guide vers la France.
Denis a travaillé pendant 10 ans comme mécanicien dans un garage automobile. Pourquoi est-il parti ? « C’était une petite société familiale qui a subitement été reprise par une entreprise beaucoup plus grande. En un claquement de doigt, je suis devenu un numéro. J’ai du mal à gérer ce genre de situation. » A l’école, Denis a étudié la mécanique automobile et l’électronique. Mais le métier de chauffeur poids lourd l’a rapidement titillé. Il a suivi une formation via le VDAB et a contacté des entreprises de transport. L’une de ces entreprises ne s’est pas montrée sous son meilleur jour. On lui a demandé s’il ne ferait pas mieux de faire autre chose. Denis roule maintenant depuis trois ans pour Nachtergaele. Denis : « La société est dirigée par le père et le fils, tandis que la mère se charge de la comptabilité. Ici, vous pouvez toujours être vous-même. »

Pédales à gauche, prothèse à droite

Le Fonds Social Transport & Logistique a remboursé à Nachtergaele l’achat d’un camion adapté. Deux pédales supplémentaires ont été installées à gauche de la colonne de direction. Denis les utilise avec son pied gauche. La pédale d’accélération est à l’extrême gauche et le frein au milieu. Cela ne semble pas si pratique, mais c’est ce que prescrit CARA, le centre d’aptitude à la conduite et d’adaptation des véhicules.
À 17 ans, Denis s’est retrouvé sous une voiture alors qu’il conduisait sa Honda Dax. Il a subi une blessure grave et sa jambe droite a dû être amputée. Maintenant que Denis a 35 ans, ses années avec prothèse sont plus nombreuses que celles sans elle. La veille de notre départ, Denis a fêté son anniversaire. Il a fait du kitesurf à la côte avec sa copine Delphine. Et avec Basile, bien sûr. C’est sans doute pourquoi le chien est allongé, groggy, à l’arrière de la cabine.
« Il est important que je reste en forme, entre autres pour que la prothèse continue à bien s’ajuster », explique Denis. Les premiers petits amas graisseux l’inquiètent. Le métier de chauffeur, toujours assis, présente des inconvénients, surtout si on y ajoute les boissons énergisantes. « Avant, j’étais très discipliné. Mais maintenant, je suis loin de chez moi pendant 15 heures et je trouve toujours des excuses pour ne pas m’entraîner. Je n’y arrive tout simplement pas. »

Un mal pour un bien

Les journées de Denis sont longues mais peut compter sur le soutien de sa petite amie. « J’ai de la chance qu’elle respecte mon travail. Beaucoup de chauffeurs connaissent des problèmes parce qu’ils ne sont presque jamais à la maison. Et une fois à la maison, ils sont souvent épuisés. Mais ma copine se lève toutes les nuits en même temps que moi. Elle sort le chien et fait mon sac à dos. J’ai une bonne épouse. Pas facile à trouver aujourd’hui. » (rires)
Aux Jeux paralympiques de 2014 à Sotchi, Denis a décroché le titre de champion d’Europe de snowboard cross. Il se souvient avec fierté de sa performance de l’époque et puise sa force dans les rencontres qu’il a eues avec d’autres athlètes : d’anciens soldats, des personnes qui ont eu un cancer des os ou des hommes victimes d’un accident comme lui. « L’accident m’a apporté la chance de pouvoir y aller », se remémore Denis. « J’ai dû investir beaucoup d’argent moi-même. Mais vous recevez beaucoup en retour, en termes d’expérience et de leçons de vie. »
Le lauréat sur les pistes peut désormais se targuer d’être le roi de la route. A moins que ce ne soit Basile ? Le soleil se lève lentement et le compagnon à quatre pattes regarde le paysage vallonné qui s’étend au-delà de la frontière française. Denis estime que le respect des chauffeurs s’est quelque peu perdu. « Les gens devraient prendre le volant d’un camion pendant au moins une journée. Pour se rendre compte des dangers. Et quand on freine, le camion ne s’arrête pas immédiatement. Donc, ne coupez pas la route à un camion pour absolument prendre une sortie. »
Un plaidoyer vibrant : laissez le poids lourd s’insérer sur l’autoroute, même si vous êtes pressé. « Vous perdrez peut-être quelques secondes, mais il vous suffira ensuite d’appuyer un peu sur l’accélérateur pour rattraper votre retard », dit Denis. Un geste courtois peut rendre notre homme complètement heureux.

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