Les jumeaux numériques ont de nombreux visages

Cet article a été publié dans LOGISTICS Management 68

Dans le domaine de la logistique, les ‘jumeaux numériques’ suscitent un intérêt croissant. En créant un jumeau numérique d’une usine physique, d’une chaîne d’approvisionnement ou d’un processus, on peut prédire avec une grande précision comment ils réagiront en cas de changement. Pour l’instant, les entreprises restent attentistes mais il y a déjà des applications réussies. Y compris en Belgique.

Un jumeau numérique est une réplique virtuelle qui simule avec précision le comportement de son pendant physique. Les données peuvent être utilisées pour analyser la façon dont elles réagissent à différents scénarios. Cela permet non seulement d’évaluer la faisabilité des décisions, mais aussi d’améliorer et d’optimiser le fonctionnement des processus et des opérations.

Voilà pour les généralités. Mais – comme c’est souvent le cas avec les nouveaux concepts – le ‘jumeau numérique’ est une notion fourre-tout. « Aujourd’hui, il existe en effet plusieurs concepts qu’il convient de nommer différemment en fonction de leur ‘maturité’ : le modèle numérique, l’ombre numérique et le jumeau numérique. Cette distinction est importante pour savoir de quoi nous parlons », explique Tom Vandevelde, manager Supply Chain Transformation au sein de la société de technologie et de conseil delaware.

Trois niveaux de maturité

Modèle numérique. Un modèle numérique est une représentation virtuelle d’un objet, d’un système ou d’un processus physique. Il permet la visualisation, l’analyse et la manipulation d’objets ou de systèmes dans un environnement numérique et, surtout, aide à la conception, à l’optimisation et aux tests. Il peut simuler le fonctionnement d’un objet ou d’un processus physique dans le futur ou dans un environnement particulier. Le modèle est utilisé pour les scénarios de simulation. Il permet, entre autres, de tester un objet physique même s’il n’existe pas encore.

Ombre numérique. Une ombre numérique est une représentation numérique qui reflète l’état actuel et le comportement d’une entité ou d’un système physique. Il collecte les données de l’objet via des capteurs, des appareils IdO (Internet des Objets) ou d’autres sources introduites dans le modèle. Une ombre numérique est donc à jour avec l’entité physique. Cela facilite la détection des anomalies et l’optimisation des processus et des activités. Cela va donc au-delà de la simple simulation et sert davantage à la réplication.

Jumeaux numériques. Les jumeaux numériques intègrent les mondes virtuel et physique en créant une connexion en temps réel entre l’entité physique et son pendant numérique. Les deux peuvent s’échanger mutuellement des données. En d’autres termes, il existe une interaction bidirectionnelle en temps réel, avec une réplique numérique capable de modifier le fonctionnement de l’entité physique.

« Pour l’heure, c’est le jumeau numérique qui a le plus haut niveau de maturité. L’étape suivante consiste à interconnecter des jumeaux numériques. Différents entrepôts pourront alors être physiquement et virtuellement connectés les uns aux autres et ce réseau pourra fonctionner comme un tout. Il est également possible de réaliser des simulations très complexes. Par exemple, si je délocalise une partie de ma chaîne d’approvisionnement en République tchèque, quel serait l’impact sur mes opérations ? », explique T. Vandevelde.

Encore peu d’intérêt

Sirris est une organisation qui assiste les entreprises industrielles dans leur processus d’innovation. Elle les sensibilise également à l’adoption des nouvelles technologies. « Nous avons récemment mené des entretiens avec une trentaine d’entreprises sur l’adoption des technologies liées à l’industrie 4.0, dont les jumeaux numériques. Nous avons constaté que, si elles s’y intéressent, elles sont encore dans la phase du modèle numérique : simuler et voir ce qui se passe », explique Marc Bollen, responsable Digital and Smart Manufacturing chez Sirris.

« De nombreuses sociétés ne voient pas encore l’utilité des jumeaux numériques purs », explique M. Bollen. Selon lui, la situation dans la logistique diffère peu de celle de l’industrie manufacturière. Il précise toutefois que l’implémentation des jumeaux numériques doit se faire étape par étape. « Idéalement, il devrait s’agir d’un projet ‘greenfield’, dans lequel on crée d’abord, par exemple, le modèle numérique d’un nouvel entrepôt en hauteur avant qu’il n’existe. Il est ensuite plus facile de passer à une ombre numérique et, à un stade encore plus tardif, à un jumeau numérique », indique-t-il. « Mais nous avons encore un long chemin à parcourir, car les entreprises doivent généralement partir d’une friche. Si l’ERP existant est défaillant, si le WMS est obsolète ou s’il n’existe pas encore de carte numérique du bâtiment, il est bien sûr plus difficile de mettre en place un jumeau numérique. »

« Le pas vers le modèle numérique est en effet le plus judicieux dans un premier temps. Ce modèle peut ensuite être transformé en jumeau numérique, dans lequel l’interaction et l’aspect ‘en temps réel’ sont intégrés », explique T. Vandevelde.

 

Tom Vandevelde (delaware) : « À l’aide d’un modèle numérique et de lunettes RV, les opérateurs peuvent explorer les itinéraires de picking, apprendre le déroulement des opérations et cultiver leurs réflexes, avant même la mise en service de l’installation. » © delaware

Formations virtuelles

D’ailleurs, cette première étape du modèle numérique offre d’autres possibilités que la simulation du fonctionnement futur ou en cours. « Nous avons réalisé un projet dans lequel le modèle numérique est utilisé pour la formation, en combinaison avec des lunettes de réalité virtuelle. Avant la mise en service de l’installation, les opérateurs peuvent explorer les itinéraires de picking, apprendre le déroulement des opérations, cultiver les réflexes, etc. », explique T. Vandevelde.

« Cette formation peut aussi révéler des imperfections de l’installation elle-même, par exemple si le lay-out ou les itinéraires ne sont pas configurés de manière optimale. Les retours des collaborateurs en formation peuvent permettre d’optimiser le lay-out et éventuellement d’en mesurer l’effet sur les stocks », ajoute-t-il.

Selon T. Vandevelde, un modèle numérique est également idéal pour remettre en question son propre fonctionnement. Certaines entreprises utilisent les mêmes WMS et méthodes de travail depuis 20 ans. Un modèle numérique peut révéler les lacunes. Elle permet aussi de mieux évaluer le ROI de l’automatisation, par exemple. « Avec l’avantage d’avoir l’infrastructure de base pour ensuite franchir le pas vers un véritable jumeau numérique », ajoute-t-il.

Interaction avec le WMS

Le yooBeeEYE de BlooLoc, spécialiste des solutions de positionnement interne pour la logistique basé à Hasselt, est l’un de ces ‘vrais’ jumeaux numériques. « En créant une interaction entre le WMS et le jumeau numérique, l’exploitation du WMS peut être portée à un autre niveau », explique le CCO Stijn Vantilt.

« Un WMS fonctionne en ‘vertical’ ou par ‘silos de commande’. Il contrôle l’entrée en stock, le réapprovisionnement et les flux sortants. Ces trois processus sont gérés séparément. Un chariot élévateur qui a effectué une entrée en stock retourne au point de déchargement pour prendre la prochaine entrée en stock. Il peut ainsi passer devant une palette prête à être amenée vers une position outbound. Du fait qu’il fonctionne en silos, le WMS ne peut pas donner l’ordre de l’emmener. Ainsi, les chariots élévateurs sont très souvent vides. Un jumeau numérique permet en grande partie d’éviter cela. »

S. Vantilt explique : « Le WMS connaît l’emplacement d’une palette dans les rayonnages, mais pas forcément sa position dans l’entrepôt. Il ne sait pas non plus où se trouve chaque chariot élévateur. Grâce à des enregistrements de l’intérieur de l’entrepôt, nous créons un modèle 3D. Ce jumeau numérique est stocké dans une unité de traitement montée sur les différents engins. Ils communiquent entre eux 8 fois par seconde via Bluetooth, ce qui leur permet de savoir exactement où ils se trouvent. Nous avons également installé des capteurs visuels de hauteur sur les fourches qui sont connectées au jumeau numérique. Ils identifient non seulement le rayonnage où une palette est placée ou prise, mais aussi l’endroit exact dans le rayonnage. Sans avoir à scanner. Cet espace virtuel permet donc de surveiller les palettes et les engins de manière très précise et en temps réel. »

Avec un WMS conventionnel, environ 1 % des palettes sont ‘perdues’, généralement en raison d’un mauvais scannage. « Avec notre jumeau numérique, nous atteignons une précision de 99,9 % », souligne S. Vantilt.

Moins de trajets à vide

« Le WMS est et reste le leader dans l’entrepôt. Il donne les missions, commande par commande. Si nous demandons la liste des missions pour les 4 prochaines heures, par exemple, le jumeau numérique peut anticiper grâce à des algorithmes et nous pouvons faire interagir le WMS et le jumeau numérique. Comme les chariots élévateurs communiquent entre eux dans l’espace virtuel et qu’ils savent exactement où se trouvent les palettes et autres appareils, ils peuvent prendre en charge les tâches les uns des autres. Ils savent qu’après avoir placé une palette à l’endroit X, une palette doit être prélevée à l’endroit Y juste à côté. Les trajets à vide, en moyenne 60 % des déplacements dans un entrepôt, sont donc drastiquement réduits », précise-t-il.

Selon lui, plusieurs acteurs nationaux et étrangers du commerce de détail et de la logistique ont implémenté le système au cours des derniers mois et plusieurs commandes importantes sont en cours.

 

Stijn Vantilt (BlooLoc) montre la petite taille des modules qui contiennent le jumeau numérique. En arrière-plan, une application en temps réel chez un détaillant.

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