Reporting de durabilité : « La pression réglementaire augmente »

Cet article a été publié dans LOGISTICS Management 69.

En janvier, j’ai consacré une journée à la découverte du monde du reporting. La visite m’a emmené de la rive gauche au cœur de Bruxelles, en plein quartier européen. Une sortie nécessaire, car je préfère encore apprendre de vive voix les réglementations parfois techniques concernant les rapports sur le développement durable.

D’abord le contexte. Fin 2022, le Parlement européen a approuvé la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Cette CSRD oblige les entreprises européennes à rendre compte des thèmes ESG (Environnement, Social, Gouvernance) de manière transparente et détaillée. D’ici au 6 juillet prochain, la CSRD doit être transposée en droit belge. Attention : ce reporting ne sera pas une obligation légale pour toutes les entreprises (voir cadre 1). Cela ne doit pas empêcher ces dernières d’agir en faveur de la durabilité, si elles ne le font pas déjà.

Bien que les PME non cotées en bourse ne soient pas directement concernées par le champ d’application de la CSRD, elles sont influencées par celle-ci. Le principal impact auquel elles peuvent s’attendre est la demande d’informations de la part de leurs clients et fournisseurs, qui doivent à leur tour émettre des rapports.

Ingénieurs en durabilité

Chez Van Moer Logistics, cet impact attendu a fait recruter du personnel. Tine Van Proeyen travaille depuis un peu plus de six mois en tant qu’ingénieure en durabilité pour le géant bleu de la logistique. De la fenêtre de son lieu de travail dans le West Port Business Center, vous pouvez voir passer les camions en silence le long de l’E34. Les clients lui posent-ils beaucoup de questions ? « Je ne peux pas dire qu’il y en ait énormément », dit T. Van Proeyen. « Mais de plus en plus de clients commencent à tâter le terrain. Il ne s’agit pas de demandes brutales du genre : donnez-moi vos chiffres CO2 maintenant ! Plutôt : qu’est-ce qui est possible ? Que pouvez-vous fournir ? Parfois c’est facile, parfois beaucoup moins. Nous remarquons également que le client veut participer à la réflexion. »

Tine Van Proeyen : « Dès lors que nous travaillons en interne, il est plus facile de rapporter toutes ces données. »

Van Moer Logistics publie des rapports de durabilité depuis 2021. « Sustacon avait rédigé les trois rapports précédents. En tant qu’experts externes, ils ont vraiment tenu compte, pour Van Moer Logistics, de tous les aspects liés à la durabilité. Mais dans le mesure où cela devient de plus en plus important, la décision a été prise de recruter des gens, dont moi-même et mon collègue Kobe Van Doorsselaere. Nous sommes actuellement dans une phase de transition. Comme Sustacon dispose encore de toutes les informations, celles-ci nous sont transmises. Maintenant que nous travaillons en interne, il est un peu plus facile de rapporter toutes ces données et de faciliter les projets. Tout se passe donc beaucoup mieux, car nous sommes vraiment en plein dedans. »

Un post d’elle sur LinkedIn m’a fait rire. Il s’agissait d’un mème avec une photo de Leonardo DiCaprio qui disait : « Ce que l’on ressent en calculant les différentes émissions de carbone ». Les émissions dites de scope 3, en particulier, causent clairement quelques maux de tête. T. Van Proeyen : « Notre propre scope 3 sera l’affrètement. Mais il faut aussi tenir compte des sous-traitants. Les trajets domicile-travail en font également partie. Nous sommes une entreprise avec beaucoup de personnel, c’est pourquoi nous optimisons davantage cet aspect et le définissons plus clairement. »

Le professeur

Depuis les nouveaux bureaux de Van Moer Logistics, je poursuis mon périple vers la capitale. Après un trajet sans encombre, je gare ma voiture sur la place du Luxembourg et hâte le pas en direction de Silversquare Europe. J’espère y rencontrer le professeur de logistique Alan McKinnon. Alors que j’étais encore à Zwijndrecht le matin, A. McKinnon a fait un exposé au Parlement européen. Une conversation d’une demi-heure avec l’homme devrait suffire, juste avant qu’il ne prenne l’avion pour la Kühne Logistics University à Hambourg.

« Je suis chercheur universitaire dans le domaine du transport de fret et de la logistique depuis 44 ans », explique A. McKinnon. « Je me suis concentré sur l’impact environnemental du transport de marchandises. Depuis 2006 environ, je m’intéresse à la décarbonation, ce qui a abouti à la publication de mon livre Decarbonizing Logistics en 2018. Il s’agit donc d’un engagement de toute une vie dans ce domaine de recherche. » Je suis curieux de savoir quelles évolutions positives il a observées ces dernières années en matière de décarbonation.

Alan McKinnon, invité de la commission des transports et du tourisme (TRAN) du Parlement européen

« Les entreprises savent de mieux en mieux mesurer et rapporter leurs émissions de carbone. Nous avons toujours eu besoin de plus de transparence carbone dans ce secteur. C’est donc une tendance encourageante. » Au cours de 15 années de recherche, A. McKinnon a noté beaucoup de progrès. « Nous avons assisté à une harmonisation des normes utilisées par les entreprises, des méthodologies utilisées pour mesurer les émissions, et de plus en plus d’entreprises déclarent ces émissions. Dans une certaine mesure, elles le font sous la pression des chargeurs qui veulent connaître le niveau de leurs propres émissions de carbone. Très bientôt, nous assisterons à une augmentation de la pression réglementaire sur les transporteurs et les entreprises logistiques pour qu’ils déclarent leurs émissions. Je pense que c’est une évolution positive. »

Autre évolution : l’importance croissante que les chargeurs et les grand logisticiens attachent à la réduction de leurs émissions. « Beaucoup chargeurs travaillent désormais ensemble, en partie pour rationaliser leurs mouvements de fret, mais aussi au niveau du processus d’achat, de la façon dont ils achètent du fret et des services logistiques. Une importance accrue est accordée à l’intensité carbone des activités. C’est une tendance très encourageante, qui conduira à de nouvelles réductions des niveaux d’émissions au fil du temps. »

Ligne d’assistance externe

Dès que le professeur part pour l’aéroport, je me retire dans une cabine téléphonique à l’étage supérieur. Je suis entouré d’agences de presse, de consultants et d’autres sociétés de services. Alors que je branche mon ordinateur portable et que je me sustente en attendant une autre  entrevue, j’entends deux personnes converser avec leur ordinateur sur le siège voisin. Ils expliquent à leurs interlocuteurs comment ils peuvent faire un bilan carbone et desquels des 3 scopes relève l’utilisation des véhicules. Il n’y a pas de coïncidence.

Le duo à côté de moi s’avère être Eva Maxson et Pieterjan Vaneerdewegh, consultants chez Climact. Selon leur site web, les chaînes de supermarchés telles que Carrefour, Lidl et Colruyt semblent être des clients, tout comme Schréder, un fabricant belge d’équipements d’éclairage. Il est clair que ces milléniaux agissent comme une ligne d’assistance externe pour les services internes de l’entreprise.

Pieterjan Vaneerdewegh et Eva Maxson, consultants chez Climact

Si A. McKinnon a largement dépassé l’âge de la retraite, le professeur demeure attaché à ses recherches. Mais c’est aujourd’hui surtout à notre génération de prendre les choses en main. Ma première impression après cette journée est qu’elle est prête.

L’heure de mon coup de fil a sonné. Sur les conseils d’un ancien collègue, j’ai rendez-vous avec Frederick Ronse, fondateur d’Ovinto. L’éditeur de logiciels d’Aalter mène un projet pilote européen axé sur l’enregistrement des émissions de CO2 des transports dans le secteur chimique. Le Smart Emission Calculator est une initiative pour et par les expéditeurs (dont Solvay, Covestro et INEOS) qui vise à collecter des données réelles et correctes pour permettre un meilleur rapport sur le scope 3. Cela me semble être l’exemple parfait de ce à quoi le professeur faisait référence plus tôt ce jour-là.

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Rapports obligatoires

Les entreprises qui satisfont à au moins deux des trois caractéristiques suivantes pendant deux années consécutives sont censées satisfaire aux exigences de déclaration de la CSRD :

  • au moins 250 ETP
  • au moins 40 millions € de chiffre d’affaires
  • au moins 20 millions € au total du bilan

 

Quand la CSRD s’applique-t-elle ?

  • Exercice à partir du 1er janvier 2024 pour les grandes entreprises cotées en bourse (reporting en 2025)
  • Exercice à partir du 1er janvier 2025 pour les grandes entreprises (reporting en 2026)
  • Exercice à partir du 1er janvier 2026 pour les PME cotées en bourse (reporting en 2027)

 

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Label EcoVadis

Van Moer Logistics a récemment reçu un prix EcoVadis de platine, un d’or et un d’argent. EcoVadis est une plate-forme indépendante qui évalue les prestations durables des entreprises dans le domaine de l’environnement, des méthodes de travail, du commerce équitable et de l’éthique. Tine Van Proeyen : « On effectue ensuite une évaluation – de manière totalement volontaire – et on soumet nous-même toutes les informations. Personne ne passe mais on décèle vraiment des points d’amélioration. Quels sont vos points forts et vos faiblesses ? Vous recevez un plan d’action. EcoVadis est également lié à la législation. C’est pourquoi je le recommande. »

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