La nouvelle selon laquelle le fabricant chinois de camions électriques Windrose prévoyait d’implanter une usine à Anvers n’a pas manqué de faire réagir. À en juger par l’enthousiasme suscité par les premiers rapports, il semble que ce soit chose faite. Des enquêtes sur le terrain révèlent que, pour l’instant, il est préférable de parler de ce projet au conditionnel
Une nouvelle usine Windrose serait en tout cas un coup de pouce pour l’industrie manufacturière dans la région d’Anvers, où les vicissitudes de la faillite du fabricant d’autobus et de remorques Van Hool suscitent actuellement l’inquiétude de milliers d’employés et de fournisseurs. L’affaire est-elle réglée ? Pas du tout.
La couverture médiatique des projets anversois du CEO de Windrose, Wen Han, semble prendre de l’avance sur les festivités. Il est vrai que lorsqu’un patron partage une photo avec le big boss anversois Bart De Wever et le président de la division anbversoise du VOKA, et qu’il tient en même temps un modèle réduit de son camion, cela suscite l’espoir. Dans Le Monde, Wen Han a révélé que les projets de siège européen et d’usine d’assemblage sont bien avancés. Des déclarations qui ne manqueront pas de réjouir les décideurs politiques et les chefs d’entreprise.
Anvers a des atouts pour servir de base. La position centrale du port en Europe occidentale, par exemple. Le savoir-faire dans le domaine de l’exportation et de l’importation de véhicules, tant à Anvers qu’à Zeebrugge. Un pôle pétrochimique à proximité. Une énorme réserve de (jeunes) effectifs au profil pratique à Anvers même. Des opérateurs qui connaissent bien les cargaisons qui ne rentrent pas dans un conteneur, ce qui n’est pas non plus à sous-estimer lors de la construction d’une usine. Des travailleurs portuaires qui savent ce que signifie « manipuler avec soin ». Des gouvernements qui sortent généreusement leur portefeuille de subventions si des emplois peuvent être créés.
Mais que l’usine arrive, personne ne veut le confirmer pour l’instant. « Les négociations sont en cours », c’est tout ce que l’on nous dit dans la communauté portuaire. L’implantation d’une usine de camions dans la zone portuaire d’Anvers n’est en effet pas une sinécure. Les terrains concédés sont rares et très recherchés par les opérateurs de transport et de logistique. Le site de 88 hectares qui abritait l’usine Opel est réservé aux pionniers de l’économie circulaire. Reste à savoir si Windrose correspond à ce profil. Et si le site, où les premières concessions ont été accordées, peut encore accueillir une grande usine de camions.
En outre, si Wen Han lit de temps à autre les journaux belges, il sait aussi qu’obtenir une licence pour un projet industriel en Belgique n’est pas une mince affaire. En effet, les éternelles querelles juridiques concernant les grands chantiers autour d’Anvers constituent un talon d’Achille pour l’avenir du port. Il suffit de penser aux démêlés juridiques qui ont ralenti le dossier de l’Oosterweel, à l’inimitable succession de nouveaux projets pour le troisième quai à conteneurs dans le Waaslandhaven (ECA), à la bataille permanente contre l’arrivée d’un nouveau craqueur d’éthane d’Ineos à Anvers (un autre moment où toutes les têtes couronnées d’Anvers ont été photographiées avec empressement en compagnie d’un CEO étranger, alors qu’on ne regardait plus à un milliard d’investissements près). Wen devrait peut-être aussi appeler le CEO de CMB Tech, Alexander Saverys, et lui demander ce qu’il est advenu de ses plans ambitieux pour un campus maritime anversois.
Rappelons aussi les plans du constructeur automobile chinois Thunder Power, qui a annoncé en 2018 qu’il lancerait une usine de voitures électriques sur l’ancien site de Caterpillar à Charleroi. En 2020, ce projet s’est éteint sans faire de bruit. Comme on dit sur les quais d’Anvers, « Avec tous les Chinois… »