Augmentations de coûts : « Certains coûts doivent être répercutés sur le client »

Les chiffres sont clairs : les coûts auxquels est confronté le secteur des transports sont en augmentation. Quelle est l’ampleur du problème et comment y faire face ? En plus d’un aperçu de la situation, nous avons posé ces questions et d’autres à certains acteurs du secteur. Leur conclusion la plus importante : nous avons atteint un point où ces surcoûts devront également être supportés par le client.

De décembre 2020 au 1er septembre 2021, le prix du carburant est passé de 1,15 à 1,31 euro le litre, soit une augmentation de 13 %. Un vrai contraste avec 2020 et ses 10 % de baisse. Les deux années précédentes avaient également connu une augmentation, mais cela coïncide cumulativement avec ce qui a été observé au cours des 8 premiers mois de cette année. Rien qu’en tenant compte du coût du carburant, le prix de revient des transports intérieurs a augmenté en moyenne de 2,37 %. Pour l’étranger, c’est parfois même plus : + 4,09 % pour l’Allemagne et + 3,24 % pour l’Italie.

« Le carburant étant l’une des composantes de coûts majeures, une telle hausse a un effet significatif sur la rentabilité », explique Isabelle De Maegt, porte-parole de Febetra. « Mais un autre poste important, la masse salariale, va bientôt augmenter en raison de l’indexation automatique et de l’issue des négociations sociales. L’inflation a un effet sur l’indice, et on sait déjà qu’une augmentation des salaires aura lieu le 1er janvier 2022. Et ceci en période de pénurie de chauffeurs, ce qui renforce encore la concurrence mutuelle et ses conséquences financières. Aucun signe ne montre que les achats de véhicules neufs sont reportés, mais le délai de livraison est très long. Comprenez : on exploite plus longtemps du matériel plus ancien et qui consomme plus. »

Situation unique

« C’est la première fois en trente ans que je suis témoin d’une telle situation », souligne Vincent Gaillard, CEO de Jekatrans. « Ce qui est unique, c’est non seulement l’augmentation des prix en tant que telle, mais aussi la vitesse à laquelle cela se produit. »

« Cela se joue à différents niveaux, c’est ce qui rend la réalité actuelle si particulière », déclare Benny Smets, CEO de Ninatrans. « Il y a le prix du carburant qui monte, même s’il est en partie compensé par la clause diesel que l’on retrouve dans la plupart des contrats. Mais il y a aussi le coût du personnel qui devient de plus en plus important. Deux éléments jouent ici un rôle. Le premier est le rapport entre l’offre et la demande. Trouver les bonnes personnes – et d’abord des chauffeurs – n’est pas une mince affaire. Et si vous arrivez à les attirer, vous devez encore les garder. Ceci a bien sûr un coût. Il y a l’indexation des salaires à venir, mais le coût des assurances augmente aussi. L’absentéisme plus élevé en ces temps de Coronavirus constitue en outre un coût supplémentaire auquel nous sommes confrontés en tant qu’employeur. La situation actuelle est ce qu’elle est, mais il faut aussi oser anticiper l’avenir. Continuer à investir dans la durabilité aura un coût. On ne peut plus continuer comme ça. Il faut tout mettre sur la table. »

Gino Withofs

La clause diesel pour amortir le choc 

Quelle est l’importance d’une clause diesel pour absorber les coûts ? « Nous avons la chance que cela soit inclus dans la plupart des contrats », déclare Gino Withofs, propriétaire de Withofs Bulk Logistics et directeur de Handico Trucking. « J’ai aussi l’impression qu’elle est largement acceptée dans le secteur, à quelques exceptions près. En règle générale, le prix du diesel est examiné tous les mois. Certains prônent un examen trimestriel, mais la révision mensuelle est la norme pour le moment. Dans quelle mesure le choc d’une hausse des prix est-il absorbé ? Cela dépend de la vitesse à laquelle elle se produit. Et comme ça va assez vite ces derniers temps, l’objectif n’est pas forcément atteint. »

« Vous êtes constamment à la poursuite de votre propre prix », estime également Vincent Gaillard. « C’est très caractéristique des quatre à cinq derniers mois. Un prix contractuel est adapté, mais ensuite le prix du diesel remonte. »

La concurrence baisse

« Nous sommes en fait dans une situation un peu paradoxale », résume Benny Smets. « D’une part, vous avez l’augmentation des coûts – nous en avons déjà longuement discuté – mais d’autre part, il y a moins de concurrence du côté de l’offre qu’il y a quelques années. En raison du Paquet Mobilité de l’UE, les entreprises d’Europe de l’Est ont davantage de difficultés à continuer à opérer en Europe de l’Ouest. En même temps, nous constatons que la tarification prend précisément en compte ces ‘salaires d’Europe de l’Est’. Dans le contexte des augmentations de prix, on comprend immédiatement qu’il faut briser ce cercle vicieux. »

Gino Withofs souligne également l’importance de cette donnée nouvelle. « Dans notre secteur, à cause de la concurrence féroce, nous avons dû être très près de nos sous pendant des années », dit-il. « Pendant tout ce temps, la capacité était supérieure à la demande. Aujourd’hui, c’est l’inverse, ce qui signifie simplement que nous sommes maintenant dans un contexte qui pourrait être assez favorable pour revoir certains prix. »

Vincent Gaillard

Vincent Gaillard

Améliorer l’efficacité

L’optimisation des processus au sens large du terme offre-t-elle une issue ? Réduire les coûts en augmentant l’efficacité ? « C’est certainement quelque chose qui peut aider, c’est vrai », convient Benny Smets. « Mais il y a un ‘mais’. Réfléchir à sa propre efficacité est un défi constant. S’adapter est nécessaire, mais il en a toujours été ainsi. »

« N’oublions pas que de nombreuses mesures ont déjà été prises dans ce domaine par le passé », ajoute Gino Withofs. « C’était le résultat direct de la concurrence qui a été très vive dans le passé. Peut-être certaines mesures peuvent-elles encore être prises, mais elles ne sont pas proportionnelles à l’augmentation des coûts qui touche l’ensemble du secteur. »

« Si vos camions sont pleins et que vous roulez tous les jours, il vous sera difficile d’accroître encore votre efficacité », explique Vincent Gaillard. « Les étapes qui peuvent encore être franchies sont marginales. »

(Re)négocier les contrats

« Nous sommes arrivés au point où nous devons mettre un terme à la collaboration avec certains clients pour une question de rentabilité », déclare Benny Smets. « Pour être complet, je dois ajouter que la pénurie de chauffeurs joue également un rôle ici, mais ce n’est pas l’essentiel. Je pense que le moment est venu de s’asseoir autour de la table avec le client en toute honnêteté et transparence. Nous devons reconnaître que l’augmentation des coûts ne peut plus être absorbée par nous-mêmes. Nous avons déjà commencé ce travail. »

« Il n’y a pas de formule magique, mais il faut avoir le courage de communiquer », dit aussi Vincent Gaillard. « Il faut avoir le courage d’expliquer à son client ce qui se passe. D’autant que d’autres frais vont arriver. Je viens de tester un camion électrique. Hormis l’autonomie qui n’est pas encore ce qu’elle devrait être, le prix reste exorbitant. Lorsque, à terme, nous serons obligés d’investir dans le verdissement, il y aura un prix à payer. On ne peut pas négliger la question de la rentabilité, et encore moins à la lumière des perspectives technologiques d’avenir. »

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