Immobilier logistique : La rareté fait grimper les prix des terrains et des loyers

Le marché immobilier belge est en pleine évolution. L’an passé, tous les indicateurs ont augmenté en raison d’une disponibilité limitée. Il n’est plus possible de trouver des entrepôts existants, même dans des sites secondaires. Le marché belge est à un tournant, affirment à la fois les promoteurs et les courtiers.

JLL, spécialiste immobilier, a calculé qu’en 2021, 813.000 m² d’espace logistique ont été loués et vendus en Belgique. Ce volume de transactions est inférieur de 17 % à celui de 2020 (il est vrai qu’une seule transaction de 150.000 m² à WDPort of Ghent représentait alors 15 % du volume annuel). Le volume annuel 2021 est également inférieur de 21 % à la moyenne quinquennale (mais toujours supérieur de 6 % à la moyenne décennale). La raison ? La pénurie persistante de l’offre, tant en termes d’immeubles que de terrains, affirme le courtier.

La rareté a nettement fait grimper les prix des terrains. L’an passé, la hausse la plus forte se situait en Flandre Orientale (+ 25 % à 160 €/m²), mais la tendance était également perceptible dans des provinces – jusqu’à présent – moins convoitées. Dans le Hainaut, par exemple, il faut désormais débourser 100 €/m² (+ 18 %).

En raison de la rareté, les loyers ont augmenté partout l’an dernier, quoique plus lentement que les prix des terrains. La plus forte hausse a été enregistrée sur l’axe wallon et le long de l’E313 (+ 4% pour une fourchette de prix de 43 à 48 €/m² par an). JLL s’attend à ce que la tendance s’accélère et que les utilisateurs soient prêts à accepter des prix incroyablement élevés, tout comme aux Pays-Bas actuellement.

Les ‘prime yields’ (rendements initiaux, ndlr) de l’immobilier logistique en Belgique sont restés sous pression baissière en raison d’une forte demande (comme ailleurs en Europe). Le rendement initial est désormais de 3,85 % (contre 4,90 % en 2019 et 4,50 % en 2020) et devrait encore baisser dans les prochains trimestres. Selon JLL, cela change la donne.

Grandes tendances

La rareté des terrains et des bâtiments a eu, l’an passé, un impact significatif sur le marché de l’immobilier logistique. Mais quelle est l’ampleur de la pénurie et quelles sont les grandes tendances pour l’avenir ? Nous avons posé 5 questions aux promoteurs et aux courtiers pour le savoir.

 

  1. Quelle est la demande de bâtiments neufs et existants aujourd’hui ? 

 

La demande de nouvelles constructions peut difficilement être satisfaite, car elle dépasse de loin l’offre. La demande est stimulée par la croissance du e-commerce et la prévention des risques liés à la chaîne d’approvisionnement : les disruptions dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ont rendu de nombreux logisticiens plus prudents. « Les grands détaillants font beaucoup plus de stocks tampons que par le passé et ont besoin de plus de capacité de stockage », déclare Ignace Tytgat (MG Real Estate). « Les chaînes logistiques dans la construction sont également perturbées, ce qui signifie que les délais de construction des nouveaux bâtiments sont plus longs. Il y avait déjà une pénurie de terrains, mais à cause de ces différents facteurs, il y a maintenant aussi une pénurie de bâtiments logistiques. »

La demande de bâtiments existants est dès lors très forte. « Cela s’explique en partie par le manque de temps pour passer par un processus (d’autorisation) et de construction », explique Xavier Van Reeth (CBRE).

Par nécessité, des bâtiments existants qui n’étaient pas pris en considération il y a quelques années – comme des bâtiments de 10 ans d’une hauteur de 10 m – sont mis en service. Même les entrepôts utilisés pour la 3e fois sont désormais repris car il n’y a pas d’alternative.

« Les bâtiments existants nécessitent souvent une rénovation en profondeur. Notamment pour suivre le rythme des nouvelles constructions en termes de durabilité », souligne Norbert Padt (WDP). Gunter Ghielen (Intervest) est d’accord mais nuance : « La demande concerne surtout des bâtiments durables mais sur les grands axes cela fait peu de différence. Là, c’est : ce qui est pris n’est plus à prendre ».

Les sites secondaires suscitent également plus d’intérêt car il n’y a plus d’opportunités sur les ‘prime locations’.

 

  1. La demande concerne-t-elle surtout les bâtiments XL ou les petits entrepôts sont-ils également prisés ?

 

« Les deux types de bâtiments sont demandés, avec un accent sur ceux entre 1.500 m² et 20.000 m² », explique Jo De Wolf (Montea). Ses collègues confirment : les grands entrepôts sont populaires pour la logistique traditionnelle, mais avec l’essor du commerce électronique notamment, les petits bâtiments sont également en vogue pour les opérations de tri ainsi que le petit stockage, comme dans les centres de distribution urbains.

« La logistique est une activité très diversifiée, la demande de bâtiments l’est donc aussi », confirme Dirk Sosef (Prologis). « En général, nous constatons une demande pour de très grands bâtiments de la part de clients actifs au début de la chaîne d’approvisionnement (dans les ports et principaux lieux de transit vers le reste de l’UE), et des bâtiments plus petits en bout de chaîne. »

« La demande d’entrepôts XXL reste élevée mais ne peut être satisfaite en Belgique. Par manque d’espace, mais aussi à cause de la réticence politique à les autoriser », regrette N. Padt.

« L’offre étant relativement limitée, nous constatons aussi que de nombreuses entreprises anticipent une croissance future lorsqu’elles déménagent ou intègrent de nouveaux bâtiments. En conséquence, des transactions avec capacité excédentaire sont conclues. Cette réserve est souvent sous-louée les premières années », note Kim Cornille (LCP).

 

  1. Comment le taux d’inoccupation va-t-il évoluer ? 

 

Tout le monde est d’accord : le taux d’inoccupation, inférieur à 1 %, n’a jamais été aussi bas. « Au cours des dix dernières années, ce taux a été en Belgique en moyenne de 4 % inférieur à celui du reste de l’Europe. Il n’a jamais été aussi bas qu’aujourd’hui », déclare D. Sosef. J. De Wolf acquiesce : « Il n’y a pratiquement plus de biens inoccupés. Des immeubles plus anciens et moins bien situés sont désormais également loués. »

« Du coup, des régions comme la Flandre occidentale et le Hainaut – où les intercommunales opèrent de façon très professionnelle – se développent énormément », constate Mathieu Opsomer (JLL).

Néanmoins, K. Cornille estime que les immeubles qui obtiennent de très mauvais scores en termes de durabilité seront plus difficiles à remplir à long terme. « À l’avenir, le ‘refurbishment’ ou le redéploiement de ces bâtiments sera nécessaire », dit-il.

Cela aura des conséquences sur les loyers. « Pas de biens inoccupés, pas de terrains disponibles, des coûts de construction plus élevés… Cela génèrera forcément des loyers nettement plus élevés en 2022 et au-delà », déclare I. Tytgat.

  1. Comment la disponibilité évoluera-t-elle dans les 2 à 3 prochaines années ?

 

Selon tous nos interlocuteurs, la disponibilité continuera d’être sous pression dans les mois à venir. J. De Wolf pense, par exemple, que l’offre d’entrepôts reste minimale. « Il ne faut pas s’attendre à beaucoup de nouveaux développements majeurs. L’avenir résidera principalement dans le redéveloppement et l’optimisation des sites existants », précise-t-il.

M. Opsomer abonde dans ce sens. « La demande continuera à augmenter, surtout qu’il est plus difficile de construire de nouveaux entrepôts aux Pays-Bas. Mais comme nous disposons de peu de sites à développer, l’intérêt pour les friches industrielles va croître. »

« Les quelques projets construits de manière spéculative ne suffisent pas à absorber la demande accrue d’espace de stockage », ajoute X. Van Reeth.

« D’autres sites sont désormais activés, auparavant moins prisés, parfois éloignés des axes autoroutiers comme Lommel ou certaines parties de la Wallonie. Tout ce qui est disponible devient subitement plus intéressant », explique I. Tytgat.

G. Ghielen pense que la pénurie stimulera la créativité, notamment en développant des zones auparavant moins recherchées, en exploitant mieux les m2 ou en agençant différemment les installations. « D’ici à 5 ans, la demande de bâtiments à 2 étages va effectivement émerger », pense-t-il. I. Tygat est d’accord. « A terme, il y aura de vrais ‘doubles étages’ avec les camions chargeant et déchargeant à chaque niveau. Nous développons actuellement un tel concept ».

 

  1. Comment évolue le marché belge par rapport aux pays voisins ? 

 

La Belgique a fait mieux ces dernières années, mais est toujours à la traîne. La pénurie continuera à jouer des tours, mais les Pays-Bas, le Luxembourg et l’Allemagne sont également aux prises avec ce problème. La disponibilité est plus importante en France. « Les lois et les conditions sociales y sont différentes, ce qui est un inconvénient. Les sociétés logistiques se tourneront donc d’abord vers la Flandre occidentale et la Wallonie. La France ne deviendra une alternative que si la pénurie augmente encore », déclare M. Opsomer.

Selon J. De Wolf, la pression sur les loyers joue aussi un rôle. « Nous voyons une augmentation des loyers en Belgique et dans les pays voisins. En France, où le taux d’inoccupation est encore de 4 à 5 % à certains endroits, la hausse des loyers est faible ».

K. Cornille voit aussi les loyers jouer un rôle. « La demande reprend clairement en Belgique, mais avec un certain retard par rapport aux Pays-Bas et à l’Allemagne. La hausse des loyers a donc pris du retard ici, mais cela change. Elle est clairement plus forte chez nous », dit-il.

« La Belgique restera toujours attractive car une grande partie du trafic entrant continuera d’arriver en Europe via Anvers. Le défi est aujourd’hui partout de trouver assez de ‘petites mains’ pour une opération logistique », déclare N. Padt.

« Jusqu’à présent, les motivations pour une implantation étaient par ordre d’importance : l’emplacement, la qualité des bâtiments et la main-d’œuvre. Aujourd’hui, la disponibilité du personnel est devenue le facteur le plus important », déclare G. Ghielen.

Conclusion

La rareté des terrains s’est étendue aux bâtiments. Il y a trop peu d’entrepôts nouveaux ou existants sur le marché. Cela se traduit non seulement par une hausse des prix d’achat, mais aussi par une forte augmentation des loyers. Même dans les sites secondaires, les prix augmentent. La Belgique évolue maintenant vers une situation que les Pays-Bas connaissent déjà, où des prix à première vue invraisemblablement élevés sont assez vite acceptés.

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