Martine Hiel (Hutchison Ports Belgium) : « La navigation intérieure peut représenter beaucoup pour la logistique dans le Triangle d’Or »

Martine Hiel a été élue ‘ambassadrice multimodale’ lors de la 2e édition de Baanbrekers. Cela fait 25 ans qu’elle dirige le terminal à conteneurs Hutchison Ports Belgium à Willebroek, ex-TCT Belgium. Grâce à son engagement et son pouvoir de persuasion, de nombreuses entreprises et prestataires logistiques de la région ont recours à la navigation intérieure. « Sa valeur ajoutée est plus actuelle que jamais. De plus en plus d’entreprises s’en rendent compte », dit-elle.

L’élection d’ambassadeur multimodal fait partie du projet Baanbrekers, un événement de Multimodaal Vlaanderen, le point conseil pour le transfert modal de VIL. Après Liesbeth Grieten (H.Essers) en 2020, c’est Martine Hiel qui a décroché le titre en fin d’année dernière. « Après plus d’un quart de siècle à la tête de l’entreprise, ce titre me pousse à marteler encore plus le message multimodal auprès des entreprises », a-t-elle déclaré dans son discours de remerciement. Une excellente raison de l’interviewer.

Transportmedia : Comment est né le terminal de Willebroek ?

Martine Hiel : À la fin des années ‘90, je travaillais dans une compagnie deepsea. J’ai appris que l’entrepreneur Geert Verbeke avait l’intention d’ouvrir un terminal à Willebroek. C’était une initiative révolutionnaire à l’époque. J’ai d’abord été chargée de mener une étude de faisabilité. Les résultats ont été positifs et TCT Belgium a vu le jour en décembre 1999. C’était une joint-venture 50/50 entre la société de manutention RCT Verbeke et ECT à Rotterdam. J’y ai d’abord dirigé le terminal. ECT a racheté Verbeke en 2001 et rejoint Hutchison Ports un an plus tard.

TM : Le terminal de Willebroek a-t-il été un succès immédiat ?

Martine Hiel : Le terminal a fait mouche dès le départ. La première année, nous avons traité 25.500 TEU, ce qui était très bien à l’époque. Depuis lors, le trafic est passé à 150.000 TEU. Le terminal lui-même est passé de 4,5 ha à 11 ha. Notre objectif est d’atteindre 225 à 230.000 TEU à long terme. Au début, cependant, il n’était pas facile d’attirer des entreprises vers la navigation intérieure. Cela a été un travail de missionnaire, car celles-ci n’avaient pas encore compris la valeur ajoutée du transport fluvial et du terminal. La première grande entreprise que j’ai pu convaincre était l’EDC de Mazda Motor Parts à Willebroek.

TM : Ils ont été suivis ?

Martine Hiel : Aujourd’hui, la plupart des grandes entreprises du ‘Triangle d’Or’ Anvers/Bruxelles/Gand collaborent avec le terminal. Tout le mérite ne nous en revient pas. Multimodaal Vlaanderen et les experts en transport de De Vlaamse Waterweg ont également apporté une contribution significative.

TM : Dans quels secteurs trouve-t-on ces entreprises ?

Martine Hiel : Nous avons obtenu nos premiers succès dans l’industrie automobile. Aujourd’hui, nous travaillons pour tous les secteurs :  pharmacie, industrie alimentaire, FMCG et industrie. Beaucoup de clients sont installés dans un rayon d’environ 30 km, mais il y en a aussi en France, par exemple, car le terminal fonctionne comme dépôt pour les compagnies de navigation deepsea.

Il représente une valeur ajoutée importante pour les chargeurs. Cela leur permet de travailler plus vite. Ils ont besoin d’un conteneur ? Ils peuvent le faire enlever sur demande. Ils ont besoin d’un autre type de conteneur ? Ils le trouvent beaucoup plus rapidement que s’ils devaient aller le chercher à Anvers ou à Rotterdam. C’est aussi une valeur ajoutée pour les transporteurs : grâce à cette faible distance, ils perdent moins de temps et peuvent faire des allers-retours plus fréquents.

TM : Quelle est la valeur ajoutée pour les armateurs ?

Martine Hiel : Ils peuvent proposer un ‘Bill of Lading Container Yard Willebroek’ et conseillent donc aux chargeurs et expéditeurs de l’utiliser. Lorsqu’un conteneur à l’import passe par Willebroek, les commencent plus près du destinataire. Les deux parties en profitent. Après le déchargement chez le chargeur, l’armateur récupère plus rapidement le conteneur vide, ce qui est important en ces temps de pénurie d’équipement. Grâce à cette proximité, l’expéditeur paie moins d’indemnités de stockage. Par rapport à un Bill of Lading Antwerp ou Rotterdam, un de nos clients a économisé environ 3 millions € par an en indemnités dverses.

TM : Hutchison Ports Belgium offre-t-il également une valeur ajoutée aux logisticiens ?

Martine Hiel : De nombreux entrepôts fonctionnent avec notre portail client EGS (European Gateway Services). Sur le portail, ils trouvent un aperçu en temps réel de l’état de leurs réservations de transport et des informations sur les conteneurs en cours de transport. Ainsi, ils savent exactement quand une péniche arrive et part. Cela leur permet de réagir plus rapidement par rapport aux heures d’arrivée et de départ prévues.

TM : Qui a été le plus facile à convaincre de franchir le pas : le chargeur ou le prestataire logistique ?

Martine Hiel : Les entreprises qui gèrent leur logistique elles-mêmes sont plus faciles à convaincre car elles réservent auprès de la compagnie maritime. C’est moins facile pour les logisticiens, car ils doivent recommander le terminal et la navigation intérieure au client. Ils savent qu’ils pourront travailler plus efficacement, mais la décision appartient au chargeur.

On est cependant à un tournant. Aujourd’hui, les chargeurs se rendent compte que les flux dans les entrepôts peuvent être organisés plus efficacement, avec une planification beaucoup plus précise. Lorsqu’un camion arrive en retard, cela perturbe les flux internes et parfois le personnel perd des heures. Grâce à la proximité du terminal de Willebroek, ce type de retard est beaucoup moins probable.

TM : Le facteur ‘temps’ est peut-être la plus grande valeur ajoutée du terminal ?

Martine Hiel : C’est un de ses plus grands atouts. Le terminal est quotidiennement relié par barge aux terminaux deepsea d’Anvers et de Rotterdam. Il existe également une liaison régulière avec Zeebrugge. Un chauffeur qui vient livrer ou récupérer un conteneur chez nous ne reste que 20 minutes en moyenne dans le terminal. C’est impossible à Anvers ou à Rotterdam.

TM : Si un conteneur doit d’abord être chargé dans le terminal deepsea et déchargé à Willebroek, n’y a-t-il pas un surcoût ?

Martine Hiel : Oui, mais ces coûts sont largement compensés. Chez nous, le chauffeur peut déposer un conteneur plein en moins de 20 minutes et en prendre immédiatement un vide. En effet, Hutchison Ports Belgium est un ‘empty depot’ officiel. Si vous déposez un conteneur plein dans un terminal de la rive gauche à Anvers, le camion doit alors récupérer un conteneur vide sur la rive droite. C’est pas mal de kilomètres supplémentaires. Et ne parlons pas du surcoût lié au temps perdu dans les files.

TM : Les trafics au terminal sont-ils plutôt ‘sortants’ ou ‘entrants’ ?

Martine Hiel : Au début, il y avait clairement plus de conteneurs entrants. Au fil du temps, le trafic sortant a fortement augmenté. Les flux sont aujourd’hui équilibrés.

Nous nous attendons à ce que les flux d’exportation continuent à croître. Parce que de nombreuses nouvelles entreprises s’installent dans la région, mais aussi parce que l’A12 va bientôt être totalement réaménagée. Cela stimulera le passage à la navigation intérieure. Les flux d’importation peuvent également croître, notamment dans le frigorifique. Aujourd’hui, l’inspection vétérinaire a toujours lieu au port d’arrivée. Nous essayons de demander un permis et dès que nous l’aurons, de nouveaux marchés s’ouvriront, comme l’importation de fruits exotiques pour la criée de Sint-Katelijne-Waver ou de viande pour les entreprises de produits surgelés de Londerzeel.

Nous pouvons supporter cette augmentation de trafic car nous avons encore 3,5 ha de réserve, que nous utiliserons en cas de besoin. Cela pourrait être le cas d’ici deux ou trois ans.

TM : La croissance du trafic ne pourrait-elle pas s’arrêter dans la mesure où la navigation intérieure est en train de perdre son image verte ? De nombreux bateaux sont vieux et émettent d’énormes quantités de NOx et de particules. Même l’avantage du CO2 peut être perdu lorsque le transport routier commencera à s’électrifier.

Martine Hiel : C’est en effet une épée de Damoclès sur la tête du secteur, mais il y a des solutions, par exemple en rendant plus vert le pré- et post-transport et en permettant aux navires d’utiliser du biodiesel HVO. En outre, la société a également intérêt à lutter contre les embouteillages.

En ce qui nous concerne, je ne vois pas de nuages sombres. Nous collaborons avec Danser, très impliquée dans le développement durable. Depuis 2001, elle n’a cessé d’investir dans des navires plus récents.

En collaboration avec Danser, Engie et le Port d’Anvers, nous étudions aussi la conception d’un bateau à propulsion électrique pour la navette entre Anvers et Willebroek. Les batteries seraient logées dans des conteneurs interchangeables de 20 pieds. Techniquement, ce serait possible, surtout compte tenu de la distance entre Anvers et Willebroek. Le coût ? Nous sommes encore en train de chiffrer le projet.

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