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Débat sur les propulsions alternatives : une vision plus large s’impose

En collaboration avec Gas.be, Transportmedia a organisé un débat sur les modes de propulsion alternatifs dans le transport routier. Pour ce faire, quatre spécialistes belges ont accepté de s’asseoir autour de la table avec nous.

Quelle est la situation aujourd’hui après l’explosion des prix du gaz en 2022 ?

Didier Hendrickx (gas.be) : 2022 a été une année vraiment difficile. Aujourd’hui, le prix est tombé à 1,5 euro le kilo de LNG, soit 3 à 4 fois moins qu’il y a un an. Les choses avancent à nouveau dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. On constate aujourd’hui une certaine stabilisation. Nous espérons éviter de telles fluctuations à l’avenir.

Parce que le Bio-CNG et le Bio-LNG s’inscrivent dans les objectifs climat, devons-nous particulièrement nous y intéresser pour l’avenir ?
D. Hendrickx : Entre autres alternatives, et dans les dix prochaines années au moins. L’avantage des Bio-CNG et Bio-LNG est qu’ils sont disponibles, également en Belgique. Donc pour décarboner les transports, on peut déjà miser sur ces biogaz aujourd’hui.

Comment voyez-vous le développement de l’hydrogène ?

D. Hendrickx : L’hydrogène est certainement une option d’avenir, mais une immense infrastructure reste à construire. Un camion à hydrogène est beaucoup plus cher qu’un camion au CNG ou au LNG et il faut aussi rester réaliste, le développement d’un nouveau carburant met 10 à 15 ans pour arriver à maturité. L’hydrogène fait partie de la solution du futur, mais n’est pas pour autant LA solution.

Des expériences positives avec le LNG

Benny, le secteur du transport croit-il encore au CNG/LNG ?

Benny Smets (Ninatrans): Pourquoi pas ? La technologie est mature. Notre expérience nous apprend que les véhicules au LNG peuvent être utilisés tout aussi efficacement que ceux fonctionnant au diesel. Les conducteurs n’y voient pas d’objection à condition qu’ils soient correctement formés. Ils aiment conduire les véhicules au LNG. Par ailleurs, ce type de véhicule ne complique plus la tâche des planificateurs car le réseau de stations est suffisant. Nous avons vendu nos premiers véhicules après des années d’utilisation et nous avons été agréablement surpris par leur valeur résiduelle. Cela dit, nous avons été confrontés à un problème avec les prix extrêmement élevés du carburant. Le fait d’avoir continué à rouler avec nos véhicules à gaz n’était pas économiquement une bonne idée mais cela s’inscrivait aussi dans le cadre de nos investissements d’avenir pour parvenir à une réduction du CO2 et nous voulons continuer dans cette voie. Nous avons d’ailleurs immatriculé cinq véhicules supplémentaires fin 2022. Nous devons nous battre pour réduire les émissions de CO2 et je suis convaincu que le passage au Bio-LNG est une solution.

La transition énergétique maintient le secteur du transport en éveil. Mais qu’implique-t-elle réellement ?

B. Smets : Le diesel reste le carburant le plus répandu et le plus pratique à utiliser. La volonté d’utiliser une énergie alternative est là, mais il faut rester réaliste. Notre secteur ne dégage que de très petites marges et il faut que les nouvelles technologies soient rentables. D’un autre côté, les nouvelles technologies doivent encore faire leurs maladies de jeunesse. Quoi qu’il en soit, il y a toujours des pionniers, là où d’autres entreprises seront plus attentistes. En fait, c’est un peu la carotte et le bâton : les autorités doivent nous accompagner vers cette transition et doivent également subventionner ceux qui veulent faire les premiers pas. En revanche, tant que la nouvelle technologie n’est pas totalement mature, ces mêmes autorités ne doivent pas pénaliser les entreprises qui ne veulent pas encore franchir le pas.

Le gouvernement est-il conscient de la situation dans le secteur des transports ?

B. Smets : La Belgique n’est pas vraiment aux avant-postes. Dans les pays voisins, il y a plus d’initiatives pour soutenir les nouvelles technologies, notamment en ce qui concerne les subventions. En Belgique, tout prend beaucoup plus de temps. Un mouvement de rattrapage est nécessaire pour ne pas laisser le secteur belge des transports à la traîne. Car c’est une transition à laquelle l’ensemble du marché européen des transports doit faire face. Si nous ne réagissons pas rapidement et ne soutenons pas le secteur, nous affaiblirons notre position.

Pas de recul pour le CNG/LNG

Comment se portent les ventes de LNG et de CNG depuis que les prix se sont à nouveau stabilisés ?

Mathieu Vander Paelt (Transport Eric Mattheeuws / Romac Fuels) : Depuis janvier, on voit que les transporteurs ont remis les camions en route. Les volumes sont donc à nouveau en hausse. Nous sommes maintenant revenus aux volumes que nous exploitions avant la guerre en Ukraine et nous avons gagné de nouveaux clients.

Quelle est votre analyse TCO après dix ans ?

M. Vander Paelt : Elle est positive, notamment parce que nous avons effectivement reçu des subventions de l’Europe et en Belgique. Mais que se passera-t-il dans les dix prochaines années ? Cela dépend un peu de l’évolution des prix. S’ils restent stables, ce sera certainement positif mais s’ils ne le sont pas, ce sera plus difficile.

Y a-t-il suffisamment de stations en Europe ?

M. Vander Paelt : Oui. Il y a toujours des solutions de secours pour les chauffeurs. Nous avons développé une carte avec laquelle on peut faire le plein partout en Europe. Nous n’entendons plus de plaintes de la part des chauffeurs, ils peuvent parfaitement rouler tant au niveau national qu’international.

Travaillez-vous déjà avec le Bio-LNG ?

M. Vander Paelt : Le Bio-LNG est en effet un sujet brûlant et nous espérons que nous pourrons continuer à investir dedans. Ensuite, bien sûr, il doit y avoir une capacité suffisante étant donné que le marché européen s’y intéresse de près. Pour nous, c’est l’un des piliers de l’avenir pour que l’aventure du gaz reste viable.

B. Smets : L’avantage du Bio-LNG, c’est que pour le chauffeur, au moment de faire le plein, il n’y a aucune différence.

M. Vander Paelt : Au début, il y avait quelques hésitations mais nous formons tous les nouveaux chauffeurs. On voit maintenant venir chez nous des chauffeurs qui ont déjà roulé au gaz dans une autre société. Ça commence à devenir normal.

Iveco, leader du marché européen

Olivier, Iveco est le leader européen du LNG. Combien de véhicules avez-vous vendu ?

O. Fossion : Sur l’ensemble de la gamme, nous avons aujourd’hui livré environ 55.000 véhicules en Europe, aussi bien au LNG qu’au CNG. Dans le segment lourd, nous en sommes environ à 20.000, soit environ 50 % de parts de marché.

Y a-t-il de nouveaux développements à venir ?

O. Fossion : Au début de l’année, lors de la scission entre CNH Industrial et le groupe Iveco, le motoriste FTP est resté dans le groupe Iveco. FTP a présenté l’année dernière un nouveau moteur à l’IAA, un moteur multi-carburant pouvant fonctionner au diesel, au gaz et à l’hydrogène. Les versions diesel et à gaz seront sur le marché l’année prochaine. Un prototype de la version à hydrogène a déjà été livré au début de cette année pour une déneigeuse en Autriche. Le même bloc moteur sera utilisé pour différents carburants et cela s’annonce très bien pour l’avenir.

Quid du TCO ? Un véhicule LNG est en moyenne 30 % plus cher qu’un véhicule Diesel. Comment gérez-vous cela ?

O. Fossion : Le prix d’achat est effectivement élevé, mais cet écart s’est un peu réduit grâce à l’évolution de la technologie et des volumes. Cela dit, il y aura toujours une différence de prix car certains composants sont plus chers. Un véhicule LNG est par exemple équipé d’un réservoir en aluminium tandis qu’un véhicule diesel se contente d’un réservoir en acier. Mais si nous examinons le TCO de ces véhicules, nous sommes compétitifs.

Le carburant de l’avenir

Quel est le carburant du futur pour le transport routier ?

D. Hendrickx : Le LNG/CNG a un rôle important à jouer dans les dix prochaines années. Cela permettra de décarboner le secteur (grâce aux Bio-LNG/Bio-CNG), car les autres alternatives ne peuvent pas mûrir aussi vite. Le Bio-LNG et le Bio-CNG sont déjà disponibles aujourd’hui. Il existe plus de 600 stations LNG et plus de 4000 stations CNG dans toute l’Europe. Chaque transporteur peut donc facilement faire le plein en Europe.
L’hydrogène et l’électricité n’arriveront à maturité que dans dix à quinze ans. Donc il conviendrait de prioriser le Bio-LNG/Bio-CNG. Mais cela ne veut pas dire que les autres carburants n’ont pas d’avenir. Il faut diversifier les solutions. Or, je pense qu’actuellement, on met trop l’accent sur l’électricité en Europe.

B. Smets : Ce sera effectivement une combinaison de différentes possibilités. Le concept du CNG/LNG est arrivé à maturité et nous allons certainement continuer à y investir via le Bio-LNG et le Bio-CNG, mais il y a aussi l’électricité, qui pose d’autres questions en lien avec le développement des camions, les infrastructures de recharge et la disponibilité de l’électricité. Ensuite, il y a l’hydrogène. A l’avenir, cela dépendra du TCO pour le transporteur, de même que le type de propulsion sera choisi en fonction de l’utilisation du véhicule.

M. Vander Paelt : La législation doit permettre ce choix. Ils ne peuvent pas nous catégoriser : un transporteur devrait passer à l’électrification tandis qu’un autre devrait opter pour le LNG ? Dans notre cas, par exemple, un véhicule électrique est tout simplement inexploitable.

O. Fossion : D’une part, il est essentiel que le législateur ait une vision à long terme claire et qu’il ne donne pas au transporteur l’impression que tout peut changer du jour au lendemain. Dans ce cas, tous les investissements seraient inutiles. Cela fait défaut aujourd’hui. Nous devons aussi adopter une vision moins étroite que celle que nous avons actuellement, exclusivement concentrée sur l’électrification, avec, à plus long terme, l’hydrogène. Si nous voulons vraiment aller très vite, le biogaz est déjà prêt. Avec lui, nous pourrions réaliser des gains à court terme.

M. Van der Paelt : Laissons toutes les solutions ouvertes et laissons le marché décider. Supposons positivement qu’il existe des alternatives, mais ne misons pas tout sur l’électrification.

D. Hendrickx : Les Bio-LNG et Bio-CNG sont reconnus comme carburants alternatifs par la deuxième directive sur les énergies renouvelables, applicable en Belgique. Mais dans la réglementation européenne sur le CO2, ce n’est pas le cas. C’est contradictoire au niveau européen. Nous voulons une solution rapidement. Un autre point est que si les objectifs climatiques des régions ont été approuvés, il faut maintenant les traduire dans la réalité. Les belles phrases doivent être accompagnées de mesures concrètes, et le soutien reste l’un des points importants. L’hydrogène et l’électricité bénéficient d’un soutien. Il devrait en être de même pour le Bio-LNG et le Bio-CNG. Cela ne signifie pas que nous devons couvrir tous les coûts, mais il faut traiter le marché sur un pied d’égalité afin de soutenir toutes les technologies.
Il faut par exemple examiner la certification du Bio-LNG. Il y a déjà eu de nombreux échanges d’idées, mais il existe des obstacles entre les régions ainsi qu’entre la Belgique et l’Europe. Le système européen n’est pas encore prêt, donc il y a beaucoup de travail à faire.

O. Fossion : Un autre point pour le gouvernement est de faire preuve d’un peu moins de méfiance à l’égard des acteurs de ce secteur. Il doit engager beaucoup plus de dialogues, aussi bien avec les transporteurs qu’avec les constructeurs, afin de rechercher ensemble une solution multidimensionnelle plutôt que d’imposer quelque chose qui a été copié d’un secteur qui n’est pourtant pas vraiment comparable, comme celui du transport de personnes.

M. Vander Paelt : Les transporteurs doivent également savoir dans quelle mesure ces décisions seront encore soutenues dans dix ans. Nous constatons maintenant que le Bio-LNG est moins soutenu, c’est aussi un danger. Nous voulons que toutes les alternatives soient soutenues à long terme, afin que chacun puisse investir dans la solution qui lui convient le mieux.

Je perçois une certaine crainte…

M. Vander Paelt : Certainement, parce que nous nous attendions à ce que, lorsque les prix du gaz ont augmenté au début de l’année dernière, il y ait plus de soutien pour ces entreprises qui étaient toutes des pionnières, comme cela s’est produit dans certains pays et je pense que c’est dommage.

Didier, tout le monde ici regarde dans la même direction. Est-ce aussi le cas pour nos politiciens ?

D. Hendrickx : La crise énergétique de l’an dernier, comme la crise pétrolière des années 1980, nous a appris qu’il ne fallait pas miser sur un seul type d’approvisionnement. Il existe une large gamme de solutions et il y a des gens qui utilisent déjà ces solutions au quotidien. Il faut donc accorder plus de confiance à ceux qui sont sur le terrain, et ce ne sont pas les exemples qui manquent.

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