Navigation autonome : Est-ce possible, et qu’est-ce que cela apporte ?

Depuis trois ans maintenant, Seafar, la compagnie de Louis Cool, gère des bateaux à distance depuis un centre de contrôle à Anvers, mais toujours avec un équipage (moins nombreux il est vrai) à bord. Naviguer sans équipage ce n’est pas pour tout de suite, dit-il. Son objectif est actuellement de naviguer le plus efficacement possible. Antoon Van Coillie de Zulu Associates, quant à lui, prévoit un premier test effectif l’an prochain avec un bateau autonome sans équipage.

Seafar gère une dizaine de bateaux depuis son centre de contrôle. La société dispose d’un centre similaire à Rotterdam et d’un centre de recherche et développement à Charleroi. Un des bateaux est une barge de 110 m de long appartenant à la société wallonne Tercofin, propriétaire de Liège Container Terminal. Le bateau est semi-autonome et transporte des conteneurs entre Anvers et Liège. « La péniche compte à son bord deux marins et un second en opération 24h/24. Le commandant est au centre de contrôle. Le second à bord peut, si nécessaire, encore intervenir et stopper le bateau.

Nos premières expériences de terrain ont un peu tempéré ma vision de la navigation autonome. On ne peut pas éliminer l’homme du processus. Il y a encore trop d’actions à entreprendre à bord. Le bateau a besoin d’entretien et les marins fonctionneront davantage comme des techniciens. Le but est de naviguer le plus efficacement possible. En utilisant la technologie, nous pouvons parvenir à un meilleur équilibre entre l’homme et la technologie compte tenu de la pénurie de personnel. Depuis le centre de contrôle, nous pouvons gérer le bateau de manière autonome ou à distance », explique L. Cool.

Impact sur le bateau et le commandant 

Jusqu’à présent, Seafar a appliqué sa technologie à des bateaux existants qui font l’objet d’un ‘rétrofit’. « Les bateaux existants ont un équipage, ce qui nous permet de nous adapter immédiatement. Progressivement, nous voulons participer à la conception de nouveaux bateaux. Grâce à la navigation autonome avec moins d’équipage à bord, nous pouvons transporter 10 % de cargaison en plus. Ces économies, nous pouvons alors les investir dans la propulsion ‘verte’. Grâce à la navigation gérée par logiciel, nous pouvons en outre influencer favorablement l’impact de l’aspect humain sur la consommation de carburant. Un commandant qui gère le bateau depuis le centre de contrôle n’a pas à se précipiter pour arriver quelque part à temps et consommera donc moins. Il est aussi moins lié aux temps de navigation et au repos minimum de 10 heures. Naviguer en autonomie ou à distance a un ‘effet de levier’ sur le métier de commandant. Cela devrait permettre d’attirer plus de jeunes vers la profession », déclare L. Cool.

Législation

Lorsque Seafar navigue avec le bateau de Tercofin entre Anvers et Liège, le capitaine à bord reprend la main sur la barge à son arrivée sur le territoire wallon. « Sur la mer du Nord, l’Escaut occidental, en Flandre et aux Pays-Bas, il est déjà légalement possible de naviguer de manière autonome. Le gestionnaire de la voie navigable De Vlaamse Waterweg nous a accordé un permis de 5 ans par bateau. Pour obtenir ce permis, il fallait procéder à une analyse des risques et de la législation et présenter un concept opérationnel. La législation wallonne n’autorise pas encore la navigation autonome mais devrait être modifiée selon le modèle flamand à partir de septembre », conclut L. Cool.

Autonome = de la marge pour le ‘zéro émission’ 

Antoon Van Coillie, qui a lancé il y a quelques années le concept de barge à palettes ‘Zulu’ et se concentre maintenant sur la navigation autonome et zéro émission avec Zulu Associates, a une vision différente. « Le problème de base, c’est qu’il n’existe actuellement quasi aucun navire zéro émissions ou à faibles émissions dans la navigation maritime et intérieure. La navigation intérieure est intrinsèquement beaucoup plus polluante qu’un poids lourd Euro6. La navigation autonome réduit toute une série de coûts liés à l’équipage, à la sécurité, aux erreurs humaines, etc. Cela libère une marge pour investir dans la propulsion zéro émission. Les tâches que l’équipage effectue désormais peuvent aussi être menées dans le port, ce qui se traduit par des emplois plus sûrs et plus confortables », dit-il.

Erreur humaine

Selon Van Coillie, la navigation autonome présente un autre avantage : elle permet d’éliminer l’erreur humaine lors des tâches répétitives. « Environ 50 % des accidents de navigation intérieure aux Pays-Bas sont causés par des commandants qui ne se comprennent pas. La navigation autonome repose sur un langage numérique et assure une meilleure planification et une utilisation plus efficace des infrastructures. Naviguer en autonomie avec encore un équipage à bord n’est pas la bonne solution. L’analyse économique va alors dans la mauvaise direction », souligne-t-il.

L’un des bateaux ‘Zulu’ construits par Van Coillie est préparé pour une navigation autonome. Cela s’inscrit dans le cadre du projet européen AutoShip, qui est soutenu par Horizon 2020. De Vlaamse Waterweg, plusieurs entreprises scandinaves, l’Université de Strathclyde, Bureau Veritas et Marine & Offshore PNO participent également à ce projet. Celui-ci a été officiellement lancé début 2020. « Afin de pouvoir être autonome, le ‘Zulu 4’ est équipé d’un système scandinave. Cependant, à cause du coronavirus, nous avons perdu un an. Nous ne sommes cependant pas restés les bras croisés. Les concepts d’intelligence artificielle ont évolué. Dès septembre, le système de navigation autonome sera progressivement installé à bord. Avant 2022, nous testerons effectivement la navigation autonome. Le bateau disposera également d’une installation à bord pour l’accostage magnétique. Il n’y aura personne à bord. Le commandant est au centre de contrôle et peut intervenir si nécessaire. »

D’autres bateaux

Comme il n’y a pas d’équipage à bord, on peut aussi se passer de commodités. « Par conséquent, on peut parfois se passer de grands bateaux. Un navire de classe IV (1250 à 1750 t) suffit parfois pour être énergétiquement intéressant. Les systèmes seront également différents avec deux modes de propulsion au lieu d’un, en cas de défaillance de l’un des deux », explique Van Coillie.

Quant à la législation, il précise que la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) reconnaît le « caractère urgent » d’une solution internationale et que des négociations internationales sont en cours avec les différents Etats pavillonnaires.

Texte : Koen Heinen

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