Après le hype des débuts, le drone va-t-il enfin s’imposer pour la livraison de colis ?
POUR – Alexander Perrien, CEO Aerit
« Il y a trois raisons pour lesquelles il est désormais temps d’investir dans les livraisons par drones : la réglementation européenne en vigueur depuis 2021, la technologie en constante amélioration et, surtout, les faibles coûts d’une livraison par drone. Chez Aerit, nous pensons que la seule issue est celle de l’automatisation. Nous constatons que les modèles économiques des acteurs de la logistique résistent plus ou moins dans les centres-villes où il y a une forte densité de population. Mais dans les banlieues ou dans les zones rurales, où vivent la majorité des Européens, ce modèle commence à s’écrouler. De nombreuses entreprises – prenons l’exemple des livreurs de repas – ne peuvent être rentables que si elles n’engagent pas leur main-d’œuvre. Cela conduit souvent à une faible motivation ou à une rotation importante. Des niveaux d’automatisation plus élevés peuvent être extrêmement rentables. Une seule personne pourra assurer 100 à 1.000 livraisons à la fois par rapport à quelqu’un qui fera peut-être 6 livraisons en une heure. »
Avant d’imaginer un ciel rempli de drones, sachez que l’entreprise s’engage à rendre les machines aussi silencieuses et invisibles que possible. « Par exemple, nous étudions une nouvelle technologie d’hélice et des surfaces réfléchissantes pour garantir l’acceptation sociale des résidents », explique A. Perrien. « Bien sûr, les drones doivent rester visibles pour les autres pilotes et les avions grâce à une combinaison de méthodes numériques et physiques. »
Aerit reçoit des demandes pour transporter une grande variété de marchandises, des journaux aux pièces de rechange pour camions. L’entreprise se concentre sur la logistique en général et sur le fret jusqu’à 4 kg en particulier. « 86 % des colis commandés en ligne pèsent moins de 2 kg. Notre objectif est de pouvoir collecter et livrer presque tout, du moins dans le segment de la grande consommation ou celui de l’industrie légère. »
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CONTRE – Marc Sorgeloos, Manager Automation & New Equipment bpost
La société postale belge s’emballe nettement moins quand il s’agit de drones dans son propre pays. « Les drones sont connus depuis de nombreuses années et nous sommes bien sûr intéressés d’un point de vue technique et commercial, mais il doit y avoir une valeur ajoutée pour nos clients et notre personnel », déclare Marc Sorgeloos, Manager Automation & New Equipment chez bpost. « Nous distribuons des millions de lettres et des milliers de colis chaque jour dans tout le pays. Nous ne voyons pas encore très bien comment on peut gérer autant de livraisons avec des drones. À un moment donné, c’était vraiment une mode. Tout le monde devait proposer quelque chose avec des drones, et la question s’est aussi posée chez nous. Bpost group est allé dans les différentes filiales pour voir dans quel contexte une livraison par drone pouvait être judicieuse. Notre filiale Apple Express l’a testé au Canada. Mais en Belgique, on est quasi immédiatement confronté à des limitations dues à la géographie et à la complexité du pays.
De quelles limitations s’agit-il ? « Les drones doivent avoir une bonne connectivité au réseau. À ce jour, la Belgique est à la traîne. Notre pays est assez petit et l’espace aérien est déjà bien occupé par plusieurs acteurs, civils et militaires, chacun avec ses propres restrictions. La réglementation n’est pas non plus très claire. Un drone est une technologie assez fiable, mais que se passe-t-il s’il n’atteint pas sa destination, ou est perdu, ou s’écrase voire est intercepté ? Comment régler tout cela et quel rôle bpost pourrait-il jouer à cet égard ? »
Que de questions donc, même si l’analyse de rentabilité – ou son absence – reste la principale pierre d’achoppement. « Comment allons-nous développer une activité commerciale avec des drones pour laquelle les gens sont prêts à payer un prix qui couvre les coûts et qui nous rapporte quelque chose ? À l’étranger, d’autres acteurs majeurs ont désormais revu à la baisse leurs ambitions par rapport aux livraisons par drones. Mais nous resterons attentifs car qui sait ce que l’avenir nous réserve. »