Corde raide logistique
La liaison entre le sud de Bruxelles et le Luxembourg est-elle propice à l’épanouissement d’activités logistiques ? Sous une certaine forme, oui. Mais entre la raréfaction des terrains, le durcissement des critères d’implantation, les difficultés à trouver du personnel et la maigre diversité modale, le chemin est de plus en plus compliqué pour les projets ambitieux.
L’axe « Sud de Bruxelles – Luxembourg » traverse, via la E411 prolongée par la E25 à hauteur de Neufchâteau, les territoires couverts par le BEP et IDELUX. Il est en prise directe (< 10km) avec une bonne trentaine de parcs d’activités économiques où les projets logistiques d’ampleur internationale ne sont pas légion.
« Hormis Scott Sports Group à Aubange, il n’y a pas grand-chose en province de Luxembourg sur cette liaison, admet Joël Marinozzi, Head of Sales and Business Development chez IDELUX. Néanmoins, une forte activité logistique existe derrière les industries. Un exemple : la présence de Ferrero à Arlon implique toute une logistique du froid et le développement d’activités comme celle de la société Sud-Fresh qui nous louait un bâtiment, l’a acheté par la suite pour finalement construire un entrepôt supplémentaire. Par ailleurs, le groupe Jost est bien représenté chez nous. »
Jost dispose effectivement de quatre implantations dans le Sud : 32.000 m² d’entrepôts à Ardenne Logistics, 40.000 à Messancy, 40.000 à Aubange et 10.000 à Athus. Il y pratique du stockage classique, sous température dirigée et des prestations à valeur ajoutée comme le travail sur table de tri, la prise d’échantillons, le pick, pack & ship à la demande tant pour des TPE que pour des majors internationales.
« Il n’y a pas de corrélation entre la nature de nos prestations et le fait que ces 4 implantations soient concentrées dans cette partie sud du pays, constate Mario Merli, Head of Logistics chez Jost. Leur localisation se justifie d’abord par l’importance de travailler à proximité de nos donneurs d’ordres. Ensuite, il faut reconnaître que l’activité économique importante au-delà des proches frontières vers la France et le Luxembourg est intéressante. »
L’exception MG Park Logistics Isne
En province de Namur sur ce même axe, le seul projet logistique d’envergure internationale est le hub MG Park Logistics Isne dont la construction a débuté l’an dernier à Gembloux.
« Il se concrétise sur l’un des seuls terrains de grande taille dont nous disposions encore et qui était compatible avec le profil du Parc Scientifique Crealys, explique Stéphanie Bonmariage, Responsable « Attraction des investisseurs » au BEP. Au niveau des grands formats, nous ne disposons pas souvent d’emplacements adéquats et les autorisations pourraient poser problème. Par ailleurs, le taux d’occupation de nos parcs est de l’ordre de 92%. Dans l’immédiat, nous cherchons plutôt à offrir des solutions pour un maximum d’entreprises. »
« A Gembloux, nous sommes partis d’un terrain de 6 à 7 ha, ce qui était exceptionnel dans cette région déjà bien saturée, confirme Ignace Tytgat, CEO de MG Real Estate. Or, pour nos développements futurs, nous cherchons des terrains encore plus grands mais pas trop éloignés de la capitale pour l’accès à l’emploi qu’elle procure. Plus on descend vers le sud, plus on perd en densité de population, ce qui réduit le vivier de main d’oeuvre dont le secteur logistique est friand. »
Facteur humain
Une réalité que corroborent les acteurs de terrain, notamment confrontés à l’attractivité du Grand-Duché tout proche.
« Pour trouver du personnel, nous faisons appel à des partenaires locaux qui jouent très bien le jeu, ajoute Mario Merli. C’est le cas du FOREM qui est assez proactif et des antennes d’agences d’intérim nationales. Nous avons aussi recours à de la mobilité interne temporaire avec les moins sédentaires de nos cadres et employés de bureau. Cela permet aussi de standardiser nos process. Garder les travailleurs reste néanmoins compliqué mais il arrive que certains d’entre eux partis au Grand-Duché reviennent chez nous pour gagner en qualité de vie. Les gens du coin sont en général de bons éléments. »
Une région sud qui garde pourtant certains attraits. Des terrains y restent davantage disponibles qu’ailleurs dans le pays et à des prix qui, même s’ils ont été revus à la hausse l’an dernier, restent attractifs. Par ailleurs, de nouvelles opportunités vont se développer avec des extensions comme celles du PAE Wex à Marche-en Famenne sur 33 ha ou celle du Terminal Conteneurs d’Athus à 22,5 ha.
En province de Namur, une nouvelle zone d’extension de 51 ha du parc Condrolys à Ciney est en cours d’équipement et sera disponible courant 2025. D’autres sites vont se développer à Mettet, Mariembourg, Walcourt et peut-être Andenne et Fernelmont. Reste à voir la place que pourront y trouver les projets logistiques.
Cohérence de mise
« Dans les parcs que nous sommes en train de créer, nous allons prioriser les projets qui ont de la valeur ajoutée et amènent un plus au territoire, poursuit Stéphanie Bonmariage. Par exemple sur Ciney, s’il y a de la logistique, elle sera logiquement liée à des secteurs d’activités complémentaires.
« Nous sommes, nous aussi, de plus en plus attentifs à la pertinence des projets qui nous sont présentés, enchaîne Joël Marinozzi. Nous entamons d’ailleurs un processus d’évaluation de la plus-value qu’apporte une entreprise en s’installant chez nous de façon isolée ou dans le cadre d’un éco-système. »
Le discours d’Ignace Tytgat va dans la même direction. S’il affirme suivre les opportunités, il insiste sur la nécessité de ne pas se contenter d’ériger des structures isolées mais plutôt de développer « des clusters logistiques permettant aux acteurs en place de développer des synergies et de partager des services, ce qui à la fois accentue la qualité de la démarche et réduit les frais de chacun. »
A cette occupation du territoire plus réfléchie s’ajoute une volonté de plus en plus forte de minimiser l’impact des projets au niveau du trafic lourd sur les routes. Or, avec le seul TCA en bout de course, cet axe Sud de Bruxelles-Luxembourg pèche par manque d’infrastructures multimodales. Un obstacle de plus à l’épanouissement de nouveaux projets logistiques majeurs…
_
Le BEP c’est…
36 parcs d’activités économiques
1541 entreprises
1540 ha
IDELUX, c’est…
52 parcs d’activités économiques
734 entreprises
1770 ha